Je ne sais pas.
- Evidement que oui ! le Facho est un être humain comme les autres !
- Et puis quoi encore ? Au feu, oui ! Saloperie va !
Je ne sais toujours pas. Que faire ? Pour ou contre publier des textes répugnants écrits par un qu’on dit une plume patrimoniale ?
Choisir la position de la Censure, contrite mais jugée nécessaire en certains cas, ou celle de la Liberté toute nue et en toutes circonstances ?
Vous aurez compris, Joëlle, femme de bibliothèque, que je fais ici une subtile allusion au débat du moment, ayant trait à l’opportunité ou non de republier certains textes de Céline.
- C’est qui celle-là ?
C’est cet auteur dont j’ai dû lire, à 16 ans, Voyage au bout de la nuit, sans jamais y arriver justement, au bout de ce voyage. L’intérêt que j’y ai trouvé, à 16 ans, c’était qu’il y avait plein de gros mots et que c’était autorisé par l’Enseignement quand on biffait « couillon » dans mes rédactions, mais à part ça, l’intérêt, il s’est arrêté là.
Il faudrait sans doute que je ré-essaye pour ne pas avoir l’air péquenaude, avant de m’attaquer à « Bagatelles pour un massacre » ou » Comment faire déporter son voisin juif tout en étant au programme du Bac quelques décennies après », mais cela ne fait pas vraiment partie de mes urgences du moment.
- Céline, Céline… ça serait pas plutôt Shoulim ? Un nom juif ?
- Salim tu veux dire… un Arabe merde alors !
Céline, un auteur qu’on ne connait que vieux, et dont la seule image que j’ai est celle d’un type un brin clodo aux cheveux plaqués de gras tirés en arrière, entouré de ses chats avec un sourire à la Joconde (indéchiffrable).
Je ne connais pas votre position sur le sujet, Joëlle, vous avez peut-être justement d’autres chats à souhaiter. A ce propos, avant de poursuivre avec Céline, j’en profite pour vous souhaiter une bonne année, et avant tout, une bonne santé pour cette année qui démarre. Le fait que France Gall vienne de casser sa pipe au même âge que vous, victime du même tueur, n’a pas dû vous sembler être une façon de bien la commencer, l’année. Ni les commémorations des morts de Charlie, ni ceux de l’hypercasher…
- Ah ça c’est juif, un hypercasher ! Y a pas de doute !
Ce qui nous ramène à notre mouton noir bien que blanc.
C’est pas tant que je m’y intéresse follement. Non. Mais sinon je devrais écrire aux impôts des entreprises qui ont radié mon dossier alors que je demandais juste un changement d’adresse ou bien effectuer la photocopie de mon bail, soit 42 pages, pour justifier de mon lieu de location en tant que micro-entrepreneuse, ce qui me permettra de payer deux fois les impôts fonciers. Une fois avec mon conjoint, une autre avec moi-même. Youpi !
Tiens, la question qui se pose déjà, est de savoir si Gallimard fait ça, cette éventuelle re-publication, pour le pognon ou pour la culture.
- Le fric, bien sûr !
- La culture, évidemment ! c’est important que des écrits injurieux sur les Juifs soient publiés, c’est ce qu’on appelle le Patrimoine français…
L’éditeur (r)assure que ces écrits, de haute importance patrimoniale donc, et par ailleurs disponibles dans d’autres pays, seront accompagnés d’un appareil critique. Le genre de trucs que vous lisez en priorité j’en suis sûre. Une préface de 42 pages sera également intégrée, avec passages clés soulignés en gras. Enfin, je suppose.
- Ah tu vois, ils font bien leur boulot, les éditeurs…
- Leurs nègres du moins…
En effet, il faut penser aux étudiants qui vont étudier Céline dans un siècle, alors que la Planète aura fondu et qu’on vivra dans des aquariums à oxygène. Il faut que les thésards ès Céline aient accès aux sources, celles d’eau, de pétrole ou de gaz n’existant plus. A moins que d’ici là, nous non plus n’existions plus, Donald ou Kim ayant appuyé sur le petit bouton qu’on imagine rouge, ce qui règlera le problème des écrits antisémites de Céline, appareil critique ou pas.
- Vous pensez que Dion c’est sa fille ? Je lui trouve un air sémite…
- Mais enfin, Marie-Domitille, Céline n’était pas sémite, il était ANTIsémite.
Par ailleurs, il est important de savoir que des auteurs reconnus chez nous ont écrit des choses de ce style, des choses très vilaines. Il faut que ce soit gravé dans le marbre (de l’imprimeur, généralement situé en Asie désormais par souci d’économies). Il le faut car comme cela, plus personne ne pourra le faire sans être poursuivi (pour plagiat).
Voilà l’antidote. Devançons l’appel en fournissant déjà aux racistes de tout poil tous les écrits haineux !
Et puis Céline, c’est un style. C’est une classe. C’est de la li-tté-ra-tu-re. Autre chose que le « Durafour crématoire » de Le Pen, ou le « Juifs, ramassez vos cendres sur mon tapis », de ma voisine Adolphine.
Et puis si on interdit Céline, qui nous dit que nous n’interdirons pas ensuite des comiques de la subtilité et de la finesse d’analyse à la de Dieudonné ? Ah bon, c’est déjà fait ?! Qui nous dit alors il ne faudra pas aussi supprimer nos écrits antinègres et antibougnoules, hein ? Voire antigouines sinon carrément antibonnesfemmes… On commence par le juif, on finit par la femme (parfois juive), et au final, on lit quoi ? Des romans de gare avec des femmes blanches et des hommes de même, employés de bureau ou secrétaires de Direction, sinon des BD (mais pas Tintin, car y a des délires racistes et misogynes dedans) ou des magazines informatiques avec des ordinateurs objectivement non racistes.
« Zone Sud, zone peuplée de bâtards méditerranéens, dégénérés, de nervis, félibres gâteux, parasites arabiques que la France aurait eu tout intérêt à jeter par-dessus bord. » C’est pas beau ça ? Vous connaissez vous le sens de félibre ?
Ben moi non plus ! J’en apprends de ces choses ! Merci Céline !
- Euh arabiques ça veut pas dire arabe ?
- Si, tu vois chéri : les Juifs ont encore tiré la kipa à eux…
- Rassurez-vous, Céline les détestait tous autant les uns que les autres…
- Quelle équité ! C’est prodigieux un tel homme…
Non, vraiment, ce n’est pas raisonnable de vouloir nous priver de textes antisémites et haineux mais tellement bien écrits, avec de si belles phrases, bourrées d’adjectifs parfois devenus introuvables dans le dictionnaire.
- Tu cherchais félibre à « ph », chérie…
Il faut distinguer l’homme de ses écrits. L’homme était raciste, haineux, antisémite, certes, mais ses écrits euh aussi. Il faut alors distinguer les œuvres de l’homme, des œuvres euh de l’homme, et puis l’homme aussi.
Il faut tout distinguer dans l’indistinguable.
Ce matin, à la radio, le porte-parole de la France insoumise a parlé d’une « littérature de merde ». J’ai trouvé cela injurieux, le mot « merde ». Il aurait dû dire, une littérature « nauséabonde », ça aurait été plus poli et sa critique, je l’aurais jugée acceptable.
Il a dit aussi qu’il ne fallait pas dire amen à l’antisémitisme mondain quand on condamne celui des banlieues. Moi je dis, les banlieues n’ont qu’à faire du Céline, elles auront ainsi droit à être antisémites, nom d’un petit bonhomme félibre !
(à propos, si quelqu’un connait le sens de ce mot, qu’il m’adresse un message mais tourné avec style, merci).
- Bon alors la Mimi, c’est quoi ta position ?
- A part celle du missionnaire…
Tous convertis au catholicisme ! La seule religion qui protège de la Haine de l’Autre, c’est bien connu…
- Tu es pour ou tu es contre ?
- Tu es antisémite ou bien anti-antisémite ?
Il est donc venu le temps où je vais devoir conclure car j’ai faim. Je vais devoir prendre position, je le sens, vous n’attendez que ça pour m’aduler ou m’insulter.
- Sale juive !
- Connasse de bienpensante !
Eh bien moi, je suis plutôt pour… être contre.
Je suis certes un peu emmerdée quand on doit se justifier d’aimer un salopard et qu’on se cogne une mauvaise note quand on l’aime, malgré tout. On devrait pouvoir écouter un orchestre dirigé par Karajan, sans avoir à s’excuser auprès de son voisin juif qui, à côté de vous, somnole la tête sur votre épaule, bercé par les cordes. On devrait pouvoir écouter du rap en passant sur le fait que Joey Starr a tabassé sa femme, qui en plus était métèque comme lui merde.
On ne devrait pas mais parfois on doit. Quand vraiment trop c’est trop.
Je n’écoute plus Noir désir (sauf sous mes draps et quand y a personne chez moi) depuis que ce gentleman de Cantat a fracassé par accident la tête de son amante, et je ne bois plus de banania car c’est raciste. Je me dis que je pourrais tout aussi bien ne plus lire Céline (surtout que je ne le lis jamais).
Sans compter qu’ici, c’est merveilleux, la punition est de moitié puisqu’on peut continuer à le lire Céline, et même en classe, dès lors qu’on ne lit pas ses écrits antisémites, c’est pas la fête ça ?
Quand je pense que ce pauvre Kévin Spacey, acteur remarquable de même que Céline l’était d’un point de vue littéraire (enfin c’est ce qu’on dit), s’est vu gommer de la pellicule entière de « Tout l’argent du monde » parce qu’il avait tripoté des jeunes hommes, je me dis que ce gros connard de putain d’enculé d’écrivain qui m’aura bien fait chier au lycée ne s’en tire pas si mal après tout.
Car oui, rassurez-vous ô Célinistes invétérés, on pourra toujours continuer à lire Voyage au bout de la nuit, et ses félibres infernaux.
Pour en revenir à ses torchons, euh écrits antisémites, ce que je suggère à Gallimard, c’est de publier ces bagatelles et ces massacres, si vraiment, il ne peut pas faire autrement. Avec post-it de mise en garde, incrustations en guise d’alerte (warning ! vous êtres en train de devenir antisémite ! Eloignez les petits enfants juifs ! ) mots clés en gras et sac à vomi fourni en prime.
Et je lui suggère aussi de reverser le prix de ses ventes au CRIF (qui, lui, n’aime que les Juifs c’est vrai quand il pourrait faire un effort avec le cousin palestinien). Ou bien à un fond de victimes de l’antisémitisme, genre ménage cambriolé car s’appelant Couenne, ils étaient supposés planquer de l’oseille par paquets de 500 sous leur matelas.
Mieux encore, de verser tout cet argent à tout projet de vie quotidienne commune en Palestine-Israël, car oui, là-bas aussi, il y a des antisémites, parfois même des juifs ! Des juifs qui mettent la vie de leurs frères en danger où qu’il se trouve sur terre en ayant un comportement pour le moins peu hospitalier ni fort peu partageur avec leurs voisins palestiniens.
Elle est pas bonne mon idée ?
- Ahah tu rigoles, Antoine a déjà des vues pour s’acheter avec un kibboutz clé en mains ou un riad avec harem incorporé !
- Ben oui, ma pauvre fille, tu ne crois quand même pas que l’édition fonctionne aux bons sentiments non ? Merde ! t’es conne ma pauvre… tu ne serais pas juive ?
Non, je ne le suis pas. Mais j’ai des amis juifs. Et arabes. Et noirs. J’ai même un ami inuit et un autre martien. Ça vous va ?
Je vous laisse méditer à tout cela, ma chère Joëlle, vous qui avez connu l’Enfer des bibliothèques. Ce lieu où l’on enferme des livres empruntables que sur ordonnance de son médecin…. car la solution, cela pourrait être cela. Ré-éditer ces écrits, mais à tirage limité et accessible que dans certains lieux de consultation.
Après, c’est sûr que cela rapportera beaucoup moins… à la veuve de 105 ans comme à l’Antoine (Adieu kibboutz, adieu riad).
Dès fois je me dis que c’est moi qui devrais être ministre de la culture et pas Françoise, qui perd en plus de vue les ventes de sa maison d’édition qui, hélas, ne se compte aucun auteur antisémite, de renom du moins.
Ma citation du jour : Injure à caractère raciale bien tournée, injure à moitié pardonnée. Elle est de moi, et je vous l’offre, c’est gratuit.