1 française sur 2 se serait faite déjà harcelée dans sa vie.
Je ne sais pas à quel niveau se situe le curseur qui fait d’un acte mâle et déplacé un harcèlement patent. Je suppose que se faire siffler dans la rue n’est pas considéré comme tel, ni même se faire traiter d’escalope ou de butte, ça serait trop simple.
- Meuh si, qui viole un œuf, violente un bœuf !
Quoiqu’il en soit, à ma grande honte, je dois bien avouer que je n’ai jamais été harcelée. Je veux dire, au sens où il m’a semblé l’entendre ces derniers jours. Un peu plus vigoureux que de se faire traiter d’escalope ou de butte quoi.
Oh je n’en fais pas un complexe, Joëlle, n’allez pas croire. De même que je ne proclame pas en corollaire que toutes ces bonnes femmes doivent exagérer tout de même un peu (pour qui se prennent-elles merde ?!).
Ainsi, la ministre de la Santé, à qui ses chefs de service proposaient qu’elle s’asseye sur leurs genoux pour la réunion hebdomadaire du jeudi après-midi, a en effet eu raison de considérer que cette blagounette extrêmement fine et délicate relevait du harcèlement.
De même que Josyane V., secrétaire juridique, a eu raison de considérer qu’il n’entrait pas dans ses attributions de se faire malaxer la cuisse lors du point par le notaire effectué sur les dossiers en cours tandis qu’autour de la table, tout le monde buvait ses paroles (au pervers de notaire).
Dans une vie antérieure, moi aussi j’ai assisté à des réunions de service, et je dois bien admettre que personne ne m’a jamais fait une telle proposition ni opéré à une telle manipulation. Il est vrai que nous étions à 95% des femmes, 2% d’homosexuels hommes, et 3% d’individus mâles qui ont peut-être harcelé certaines des 95% mais dont je ne faisais pas partie.
- Ben en même temps Mimi, rappelle-toi Gérard, l’alcoolique du 3ème étage ?
- Ben quoi Gérard ?
- Ben il t’a pas harcelée ?
- Si, mais c’était pas sexuel.
- Ah bon ?
- Non, c’était euh… mental. Voire philosophique.
- Mental ? Philosophique ?? Tu situes son mental au niveau médian de son corps imbibé ?
- Euh non pas vraiment, mais son action relevait plus du fantasme. Il s’imaginait qu’il avait envie de euh enfin tu vois quoi.
- Non, pas vraiment.
- De toute façon, il était malade, impuissant et alcoolique au dernier degré, c’est comme les fous schizophrènes qui poignardent dans les rues, ça ne compte pas.
- Donc exit Guy Georges ?
- Oui, exit. Sur la question du harcèlement sexuel ordinaire, je veux dire.
Donc jamais harcelée la Mimi. Ni dans ses bureaux ni dans les rues. Cela tient-il à son physique ? Est-elle donc si ingrate facialement et corporellement parlant ?
- Oui !
- Non !
- Peut-être…
Je tiens à préciser que sans être Claudia Choufleur (jeune), je ne suis pas non plus Josiane Balisto jeune ou vieille (pardon Josiane).
- Surtout que je suis sûre, Mimi, Josiane a été harcelée, elle ! C’est le genre à exciter certains hommes, et tu devrais avoir honte de ce raccourci… belle femme = harcèlement, mocheté = non harcèlement ! La Beauté en plus est subjective…
- J’ai assis la Beauté sur mes genoux, et je l’ai trouvée amère…
- Merci, Arthur.
Ok, ok, ce n’est donc pas qu’une question de physique. Dans toutes ces stats et ces tweets qui pleuvent, il serait donc intéressant de dessiner le profil, ou plutôt les profils des femmes harcelées. Belles, laides, grosses, minces, sévères, drôles, sexies, sages ? Ainsi que les lieux de leur harcèlement, et le pourcentage d’éléments masculins s’y trouvant.
Ça me permettrait peut-être comprendre pourquoi moi je n’ai PAS été harcelée, puisque donc ce ne serait pas qu’une question de physique.
- Il faut quand même faire un peu envie.
- Ouais, faut être un minimum baisable.
- Cul ou miches, un truc qui excite un peu merde.
- Sinon une bouche à pipe.
- Du cul, du cul, du cul !
Mais pourquoi ce harcèlement perpétuel ? Pourquoi ce continuum de pulsions mâles y compris de la plus belle extraction avec diplôme de l’ENA ou doctorat en hiéroglyphes de la basse Egypte, déferlant sur les femmes ?
La jeune mère de famille et écrivain Nancy Huston, portant marmots et sacs de courses dans les bras, donc a priori totalement hors sujet, raconte qu’elle a pourtant senti la main d’un jeune homme bien sous tous rapports, fourrée sous sa jupe alors qu’elle remontait un escalier dans le métro.
- On nait femme et on est harcelée ! Hein la Simone ?
- Oui, mon Jean-Poulou, mais enlève tes mains de Marie-Thérèse, c’est moi qui l’avais vue la première !
Selon cette écrivain, Nancy Huston donc (une belle femme sexy soit dit au passage), objet au moins une dizaine de milliers de fois de harcèlement dans sa vie, il entre dans le harcèlement masculin un élément d’ordre biologique et capitaliste.
- Hein ? Capitaliste ? Elle peut toujours courir pour que je daigne la harceler ! C’te vielle coco !
- Et alors ? Tu crois que Jeanne Moreau ne se faisait plus harceler ?
- Et la Deneuve, les hommes dans le métro, ils gardent leurs mains sur la barre à ton avis ?
- Non, ils la posent sur la leur, ahahahaah !
- Morte de rire, surtout que je ne prends jamais le métro.
La toujours belle Nancy rappelle en effet que le mâle, y compris humain, est programmé pour assurer la reproduction de l’espèce en fécondant toutes les femelles que le hasard met sur sa route. Et qu’en ce sens, le nier ne permettra ni de comprendre ni de régler le problème. En corollaire, l’exciter en lui montant un peu partout, notamment via la pub, des cuisses, des seins et des paires de fesses avec des regards entendus d’escalope ou de butte, n’est pas très malin.
- C’est bien ce que je disais, c’est pas ma faute, c’est plus fort que moi !
- On ne place pas un plateau de petits fours à côté d’un gros gourmand comme moi !
- C’est nous qu’on est les Victimes.
En ce sens, la société capitaliste encourage ce genre d’attitude phallocrate et sexiste. Elle transforme la femme en objet et qu’est-ce qu’on fait d’un objet ? On s’en saisit !
- Ah ouais, c’est vrai qu’en URSS on n’a jamais vu de femmes harcelées !
- Ni à Cuba, malgré le nom ahahahahahhaah !
- De même, on parlait bien d’amour courtois au Moyen-Age non ? ça veut tout dire, la société féodale était un paradis pour les femmes qui pouvaient prendre le métro en mini-jupe…
- J’ai pour ma part gardé le souvenir d’hommes délicieux à la préhistoire…
De plus, selon Nancy, que j’aime beaucoup malgré le vieillissement de sa pensée parfois un peu préoccupant, la religion était là pour refreiner toutes ces vilaines pulsions de ces sales bonshommes à queue télescopique.
- Y a qu’à voir les prêtres pédophiles, un modèle de contention !
- Et puis les bonnes engrossées par les patrons catholiques pratiquants c’était plus une tradition culturelle que du harcèlement…
- Oui, une forme de rapprochement des classes.
Cependant, Nancy n’a pas tout à fait tort. On ne peut à la fois faire de la femme un objet sexuel, exciter les pulsions du mâle dominant ou dominé tout en s’offusquant de certaines vilaines pratiques de ces derniers sur ces dernières.
- On n’est que des bêtes, merde ! C’est humain !
- Ta main sur mon sein, ça ne te dérange pas ?
J’ai gardé souvenir d’une collègue qui avait accompagné un homme de plume arabe dans sa chambre d’hôtel pour boire un whisky avec lui et s’était offusquée qu’il lui propose la botte, très étonné qu’elle ne soit pas venue pour ça.
- Je lui ai dit qu’en France, ça ne se passait pas comme chez lui, qu’est-ce qu’ils sont réacs et machos ces Arabes…
Personnellement, sans être bigote, je pense qu’accompagner un homme, même de plume, même berrichon dans sa chambre d’hôtel pour y boire même un lait grenadine, ben c’est chercher la verge pour se faire baittre ahahahahah !!!!!
- Excusez-moi, j’ai dérapé.
- Tu vois, tu es en train de dire que les femmes le cherchent ! Jalouse !
Ben oui, je gage que sur une proportion de femmes harcelées, certaines l’ont peut-être un poil cherché, ce qui n’excuse en rien le passage à l’acte de l’harceleur. Un peu comme cette jeune fille de 13 ans habillée en escalope doublée d’une butte par sa maman et poussée dans les bras de Roman Peaudezizi qui s’est ainsi cru autorisé à violer la gamine.
Mais en même temps, Nancy n’a pas tout à fait raison. Non. La biologie a bon dos, parce qu’à ce compte-là, tous les hommes devraient être des harceleurs (et moi alors je devrais tout de même être harcelée !!).
Tous les hommes, même mon vénérable Papa, devraient se jeter sur les femelles dans la rue.
Je me pose donc la question que tout le monde se pose. Parmi nos amis, nos maris, nos amants, nos frères, nos pères, nos oncles, nos.
- Oui c’est bon, on a compris !
Combien de harceleurs se cachent-ils ? Combien de sifflements, de propos grivois, de SMS salaces, de mains baladeuses, de coïts imposés, de viols en réunion, de serial killers violeurs, de, de, de…
- Calme-toi, Mimi, calme-toi, ça doit pas être tant que ça !
Quel est le profil, quels sont les profils de l’harceleur ?
Est-ce que pépé Jean qui a ravi Mémé à Papi après une cour ultra assidue entre dans cette catégorie ? Est-ce que les blagues vaseuses de Tonton Bébert sur une ministre de la défense au physique peu avantageux au point que même un vert de gris soumis à 365 jours d’abstinence sexuelle n’en voudrait pas, le fait entrer dans cette catégorie ?
- Ne tombons pas dans le sexuellement correct comme on l’a fait avec le racismement correct : de nos jours, on ne peut plus dire ni youpin ni nègre ni même crouille !
- Tiens c’est drôle mon correcteur automatique indique « évitez ce terme racialement sensible » pour youpin mais pas pour nègre ni crouille, je dois en déduire quoi ?
Oui, évidemment il y a des degrés. Ni pépé Jean, ni tonton Robert, s’ils sont indéniablement machos, ne sont des harceleurs. Impossible de ne trouver aucun homme qui ne soit, même infimement, sexiste, comme aucun être qui ne soit, même infimement, raciste.
- Si, y a moi.
- Euh là je crois vraiment pas, Jean-Marie…
Et puis, ce qui fait la différence entre tous ces mâles, c’est la question d’éducation, de ce qui a été fait à la racine des choses. Quand les enfants sont encore petits et qu’on peut leur apprendre à respecter la fille qui est en face (et en eux).
- Ah non, pas du rose c’est pour les filles !
- Il a un pull violet, c’est un pédé !
- La maîtresse, elle met jamais de robes, c’est une gouine !
- Une fille qui fait du foot moi je dis quelque part, c’est une perverse…
Etc, etc.
Enfin, outre l’aspect biologique de la chose où c’est toujours la femelle qui est harcelée par le mâle, il serait intéressant, toujours dans le cadre des profils de harceleurs, d’étudier la position de pouvoir éventuellement exercée par le harceleur sur la harcelée.
Je veux dire, a-t-on déjà vu une Directrice générale harcelée par le réparateur du photocopieur ? Une ministre, pelotée par son chauffeur ?
- Moi, Christiane T., 65 ans, ministre et harcelée par son secrétaire et chauffeur.
- Non ?!
- Non, c’était juste pour dire. Jamais entendu parler d’homme harcelé par une femme, même très supérieurement hiérarchique… d’un point de vue sexuel, j’entends, après pour le reste…
Et il semble bien qu’aucun milieu social ne soit épargné puisque, on l’a vu, même les mandarins, supposés hautement éduqués, désirent voir installées sur leurs genoux, des fesses de femme, internes qui plus est, donc potentiellement leurs égales dans quelques années.
Des hommes hiérarchiquement supérieurs harcelant leurs collègues femmes, classique. Des hommes sans pouvoir hiérarchique harcelant leurs consœurs, vu aussi mais je pense de façon moins flagrante. Car en milieu professionnel, je gage que l’équation hiérarchie + sexe est explosive.
Aussi, il semble bien que dans le domaine du pouvoir suprême, c’est-à-dire de la politique, le harcèlement sexuel soit au top du top. Sexe, pouvoir, argent, tous les ingrédients réunis pour cet éternel feuilleton de cette toujours aussi mauvaise série, Harcèlement, saison 122222222.
- Si vous pensez à moi, mon cas est différent… moi, c’est comme Gérard, je suis malade, pas du vin mais du sexe.
- Je ne pensais pas qu’à vous, Dominique, rassurez-vous, des hommes politiques harceleurs, y en a un paquet…
- Moi j’ai peut-être détourné des fonds publics mais je n’ai jamais peloté quiconque, sauf mon attachée parlementaire mais c’était ma femme alors hein…
- Ça reste à prouver François Filtonfion !
- Ah ça, si on est bien sûr d’une chose, le Juge et moi, c’est que Pénélope est bien ma femme !
En tout cas, une chose est sûre, c’est qu’aucun homme n’a jamais connu ça, le harcèlement puisque comme le faisait remarquer Christina T. c’est toujours dans le même sens que cela opère.
- Erreur ! Grave erreur ! Tu fais quoi du Kevin Spaillssi ? Le gentil Kevin de American beauty avec ses yeux doux et son air de poète sans vers égaré dans l’American Way of life ?
- Ben quoi ?
- Ben il est poursuivi pour harcèlement très chère Mimi !
- Non ? Pas lui ! Ce gentleman ! Ce grand ami des femmes !
- Rassure-toi, c’était sur des hommes !
- Non ?!
- Si, un membre de son équipe a déclaré qu’il suffisait d’être un homme de moins de 30 ans pour être peloté par l’ami Kevin ! Notons au passage qu’avec lui, l’établissement du profil du harcelé est des plus simples…
En tout cas, une chose est sûre, c’est que moi, Mimi Chotek, si j’ai pu être sifflée, draguée (au moins une fois merde), c’est que je n’ai jamais été harcelée dans le sens ici largement développé.
- Prends patience, avec tes réunions en industrie, y a bien un gazier ou un DRH qui va craquer…
Ma citation du jour, Joëlle, la désormais classique du grand Pierre qui, si ça se trouve, en était (des harceleurs).
Plus je connais les hommes, plus j’aime mon chien. Plus je connais les femmes, moins j’aime ma chienne.
Pierre Desproges