Ah Barbara (Messaoud, Idriss et les autres), quelle connerie la guerre… 1

On a déjà beaucoup fait couler d'encre sur Indigènes, je ne vais donc pas m'étendre sur le sujet, encore moins vous raconter le film. J'y suis allée en m'attendant à, dixit des amis, « apprendre des choses sur des faits historiques sur lesquels on ne nous a pas dit grand chose » mais aussi « à ne rien ressentir de particulier, avec des acteurs ne jouant pas toujours très bien et une façon de filmer plutôt nulle »… Mon niveau baisserait-il si je puis me permettre ? Personnellement, j'ai trouvé le film très réussi !

D'abord, effectivement, j'ai appris des choses, parfois anecdotiques : les « vrais » soldats Français ont droit à la cantine à des tomates, pas les Indigènes, les Indigènes ne sont jamais promus ou presque, on commence par les « vrais » Français, puis par les Pieds noirs, et enfin, s'il reste du métal, on voit ce qu'on peut faire pour les Indigènes… Ces anecdotes, en plus de faits historiques difficilement niables, ont travaillé à constituer cette toile de fond psychologique qui a conduit la France à prendre ses clics et ses clacs en Algérie et ailleurs. De même, on peut raisonnablement supposer que le sentiment fondé de l'injustice et la rancoeur qui ne peut manquer d'en naître, font partie de la toile de fond actuelle, au moins dans le tissage en profondeur, qui est celle de nos banlieues car si certains des descendants de ces soldats utilisent à tort et à travers la mémoire de leurs grand-parents, d'autres la portent, je veux bien le croire, dans leur chair.
 
Et la terre se transmet comme la langue, écrit le poète Mahmoud Darwish, sans doute en est-il de même pour la mémoire, même indistincte, le souvenir de s'être fait même non pas rouler (les Indigènes étaient volontaires, si j'en crois le film) mais humilier et mépriser, pour ne pas dire briser, qui a traversé les décennies, alourdi au passage par les années de l'émigration où l'ouvrier étranger logeait parfois en bidonville, pour venir gangrener la question actuelle des enfants issus de l'immigration maghrébine et africaine.

Quant au film proprement dit, le jeu des acteurs m'a paru juste et personnellement, question émotion, j'ai été bouleversée tout au long du film. Bouleversée par l'injustice faite à des hommes méprisés pour des questions d'origine, c'est vrai, mais aussi, bouleversée par ces images de guerre et de désespoir, amitiés brisées au front par la mort du camarade devenu comme un frère, amours piétinées par la Censure (un bicot qui aime une blonde de Marseille… à la poubelle sa lettre!), cadavres à la pelle, peur de la mort, de la souffrance…
 
Par delà le sort fait aux indigènes, c'est tout le sort fait aux simples soldats (ah toujours cette sempiternelle image des généraux qui observent la boucherie à la jumelle du haut de leur colline…), et le poème du grand Prévert n'a cessé de me tarauder pendant tout le film. Ah Barbara, quelle connerie la guerre…

One comment on “Ah Barbara (Messaoud, Idriss et les autres), quelle connerie la guerre…

  1. Reply Paul Jan 8,2007 20:14

    Même chose pour les martiniquais. D\’autres oubliés qui ne se sont pas posés de questions pour s\’embarquer dans la grosse galère de la résistance et ce qu\’il restait de l\’armée française à cette époque. On en a fait un régiment qu\’on n\’a même pas pris la peine de citer sur les monuments officiels du débarquement en Provence. On pourra dire que ce n\’était qu\’un erstaz du 6 juin ! Mais c\’est un peu honteux tout de même.

    Vive la France ??? Celle là j\’en veux pas. C\’est mon pote Roger, mon fournisseur de Rhum (Neisson, qu\’il recommande le black-pote) qui m\’a montré le reportage.

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