Mes hommages, mâdâme, môssieur…

Le Seguin est mort, flanqué au sol par
une crise cardiaque, et les hommages, depuis, ne cessent plus de
pleuvoir.

Pourtant, on ne peut pas dire qu'on en
entendait beaucoup parler de son vivant, au moins dans les derniers
temps. Pour ma part, j'ai juste retenu qu'il était contre la réforme
des régions, à moins que ce ne soit le bouclier fiscal, sais plus
bien (j'opterai pour le bouclier fiscal). Il semblerait qu'on se
souvienne surtout de lui en maire d'Epinal dans les Vosges, en énième
cocu du roi des infidèles (Chichi), ou en ancien président de
l'Assemblée. Ce qui n'est déjà pas si mal me direz-vous.

On tend également à le présenter
comme un Républicain gaulliste attaché à l'aspect social des
choses (ouais ouais c'est possible ça), or il semblerait que la
seule fois où il a été dans un gouvernement, cela a été pour
prendre des décisions pas franchement portées sur le social, comme
supprimer l'autorisation administrative de licenciement.


Ne croyez surtout pas que je vais me
mettre à taper sur un mort (comme si c'était mon genre, pfuit…),
ne croyez pas non plus que je sois atteinte de séguinisme primaire.
Je ne connaissais pas grand chose du bonhomme, sinon qu'il était
tonitruant et gros, mal rasé, une sorte de sergent Garcia (la
bênitude en moins) et qu'on l'aurait bien vu à une table de
mariage, taper sur la table avec sa chaussure en chantant des chants
grivois après s'être empiffré, du vin d'honneur à la pièce
montée (je crois que c'est pas si faux que ça, comme image). Je
crois que je l'aurais bien vu aussi en patron terrorisant ses troupes
(moi du moins), en leur gueulant dessus avec cendriers volant à
travers la pièce (choses vues paraît-il).

Non, je ne taperai pas sur son cercueil
avec ma propre chaussure, je me ferai juste une fois encore cette
remarque que vous avez certainement dû vous faire : on est toujours
mieux aimé de sa mort que de son vivant. Est-ce parce que la mort
effraie et que l'on espère la tenir à distance en cajolant le
nouveau cadavre? Est-ce par compassion pour ce dernier qui a passé
l'arme à gauche à un âge (66 ans) désormais vert sous nos
latitudes, compassion que l'on déploierait là aussi pour se
prémunir d'un sort identique? Est-ce parce que ce serait vraiment
trop vilain de dire du mal d'un tout jeune mort? En même temps, il
faut reconnaître qu'il n'y avait pas franchement de raisons de dire
du mal de lui, mais bon, les phrases de circonstance zwinguaient un
peu trop follement dans mon Libé de ce matin.

Une référence, une boussole (Martine
Aubry), un ami personnel et fidèle (Ben Ali, Tunisie), un gaulliste
social (VGE), une profonde estime (Alain Juppé), un respect pour le
travail du président de la Cour des comptes (Marie-Georges Buffet),
un vrai passionné de football (Frédéric Thiriez, ligue de foot
professionnelle), une droiture durant la campagne pour la municipale
de Paris (Bertrand Delanoë)… N'en jetez plus!

Et si c'était Jean-Marie Le Pen qui
avait été étalé au sol par une crise cardiaque, qu'aurait-on
entendu? J'ai du mal à croire (j'ose espérer même) que tout le monde, de l'extrême
droite à l'extrême gauche, se serait fendu de ces mêmes
commentaires.

Un ex tortionnaire exigeant
(Bouteflika), une référence en matière de xénophobie (Dominique
Sopo, président de SOS racisme), un regard droit et fixe (Haffelou),
un ami fidèle et personnel (Benoit 16), un passionné de boxe arabe
(Thierry Rolland), un excellent ex (ex-madame Le Pen), etc.

Je suppose qu'il y en aurait bien
quelques uns qui, parce que haut placés, auraient été obligés de
s'y coller. Je ne pense que cela aurait été trop pénible pour
Besson le pantalon ni trop insurmontable pour Brice Boutefeux, un peu
plus sans doute pour Nicolas Ier (encore que), mais bon, il aurait
été bien obligé, et son premier ministre aussi, de se fendre d'un
petit mot pas trop salaud parce que hein, la mort pourrait le prendre
mal, et un mort même FN, ça reste un mort. Alors, respect, même
d'un ex vivant répugnant.

Et si Marie Chotek, l'écrivain inconnu
mourrait, est-ce que ce serait le même florilège hein?

Une talentueuse auteure passée en coup
de vent dans mes services (Antoine Gallimard), une plume et pas que
d'oie (Pierre Assouline), une future feu-prix Goncourt (Edmonde
Charles-Roux, 2éme couvert du jury Goncourt), une regrettable et
très dommageable omission de nos services secrets (Barack Obama),
une chienne de garde dont le ouaf ouaf va nous manquer cruellement
(monseigneur Gaillot, chienne de garde et ex Evêque d'Evreux), une
employée de bureau sérieuse et ayant le sens du service public
(Mitrand, ministre de la Culture), une qui aurait mérité d'être
publiée pour de vrai (Justine Levy, auteur connue et amie inconnue
de l'auteure inconnue).

Etc.

Bon, je vous lâche avec mes hommages,
et mes fantasmes enfantins façon enfant puni que se dit « ah
ben quand je serai morte, ils vont rudement me regretter ». Je
préfère me remémorer en guise de conclusion le débat qui animait
les comédiens de la pièce Xu (objet bien rangé mais où?) et
auteurs du Baleinié, dictionnaire des petits tracas, qui se disputaient au sujet de savoir si « être
mieux aimé mort que vivant » était un vrai petit tracas ou
pas (puisque, argumentait l'un d'entre eux, quand on est mort, on est
mort et on s'en fiche de ce que les autres disent de soi).

Je vous laisse méditer à la
question…

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