Le pari d’Ernesto

Si vous vous demandez encore qui est ce Marc et il y a-t-il eu coïtation… après une nuit passée sous le corps de la grand-mère de celui qui devait être son amant de l'année, la princessse Chotek a regagné ses pénates, la quéquette entre les dents… elle est alors en proie à un doute quasi jospino-cornélien.  

Suite à ma non nuit d'amour avec Marc, le Doute m'a assailli. Phénomène bien connu des services intérieurs Chotek, et sans doute d'une bonne partie des fifilles égarées dans la Modernité (ou ailleurs). Que dois-je faire? Et surtout, question absolument sans réponse, est-ce lui le bon chameau sur lequel je traverserai le désert pour écouler la fin de mes jours non ménauposés dans l'oasis éternelle blabla?
 
J'étais (en partie) décidée à couper cette branche pourrie sur laquelle je comptais m'asseoir toute ma vie, car je mentirais velument en ne dévoilant pas ce que je m'étais dit tout bas sous mes draps, oui, j'avais cru voir la petite lumière au bout du tunnel, m'informant que mon chemin de croix phalliques était terminé, j'allais enfin pouvoir commencer l'atelier, j'ai un mec et je m'en sers (au sens c'est pas de la chimère)… Là, il fallait bien convenir qu'à moins de vouloir rejoindre la cohorte des filles inscrites à l'Atelier, j'en prends plein la gueule mais je lâche pas la perche, il fallait que je mette cette énième entreprise en liquidation amoureuse non amiable.
 
Seulement voilà : le Marc m'a rappelée dès le lendemain matin, message téléphonique, et le soir, j'ai trouvé dans ma boîte aux lettres, enfin, entre les mains de Baba qui y avait de suite fourré son gros nez balkanique, l'anthologie des poèmes de Mahmoud Darwish… Tout ça parce que je lui avais dit, incidemment, que j'aimais beaucoup ce poète dont je saisissais à peu près 14,5% de la substantifique versification.

Ca m'a fait quelque chose quand même, ce cadeau symboliquement fortiche. Ce à quoi, Baba m'a répliqué que l'on ne rattrapait pas une première nuit désastreuse par le simple don d'un recueil de poésies farfelues et inintelligibles, écrites par un Arabe qui plus est. 

Quand il m'a appelée un peu plus tard, alors que Baba écoutait le JT (Journal Tragédique) à fond les ballons, je n'ai pas su décliner sa prochaine invitation : sa grand-mère, après avoir écumé tous les musées de la Capitale, s'en regagnait enfin son île au large des côtes bretonnes, la voie était libre, et si je venais demain soir… Je me suis entendue dire oui, j'apporte quoi, moi qui, quand j'étais une jeune Amazone dans une vie antérieure (et imaginaire), me serais coupée un néné plutôt que d'abdiquer devant un garçon qui n'aurait commis que le simple forfait de me faire attendre 5 minutes de trop.
 
J'ai ensuite été saisie d'une crise de doutes, où un savant ressac va et vient en vous, sans que jamais, vous ne puissiez transformer la marée houleuse en un lac raplapla. C'est quelque chose de si épuisant que vous finissez par prier pour ne pas avoir rencontré l'objet de cette marée. J'ai décidé de faire la liste des points positifs et négatifs :
 
Positifs :
Il est bien physiquement, ce qui est très rare chez un homme qui a dépassé 30 ans et qui vit seul
Il est très intéressant (j'ai séché à dire en quoi exactement)
Il a un métier éthiquement fort jouissif (prof dans un lycée rempli de cas sociaux)
Il me fait rire (j'ai séché à dire en quoi)
Il a un bon air franc
 
Négatifs :
Il est petit de taille
Il parle pas beaucoup
Il est fonctionnaire
Il est pas tordant
Et il est franchement pas digne de confiance
 
Ce à quoi Aveline, mon pilier mental, m'a répondu :

Ce n'est pas un nain
Il monopolise pas la conversation
Il a la sûreté de l'emploi et exerce avec cœur un métier pas facile
Seuls les homos sont vraiment très dôles, les hétéros drôles sont à 95% des mecs égocentriques, cruels et dépressifs
Il a des circonstances atténuantes, qui assumerait d'avoir sa grand-mère couchée chez soi dans son propre lit?
 
Ce à quoi Baba, qui a surgi dans ma chambre pour me rappeler que l'on allait déjeuner chez mes vieux dimanche, a répliqué :

Il fait petite chose carencé
Il n'a pas grand-chose à dire
C'est normal, il est prof d'éco, la matière la plus rasante qui soit
Il n'a pas une once de cet humour qu'ont les Bosniaques et qui vaut toutes les Ong et philosophies du monde
C'est un type franchement pas franc du collier, t'es sûr qu'il n'a pas une nana ?
 
Avec tout ça, je ne savais plus où donner de la tête. Le petit prince, qui m'a invitée sur sa petite planète à faire de la balançoire pour me détendre, m'a dit :

  • Il faut laisser parler ton cœur, que dit-il?
  • Chais pas…
  • Marie enfin voyons, si y a bien un truc qu'on sait, c'est ça!
  • Pas moi… je crois que j'ai pas de cœur… tu crois que j'ai un cœur?

Nouveau doute. Existe-t-il des filles sans cœur ? Le cœur disparaît-il si on ne s'en sert pas pendant longtemps ?
 
C'est Ernesto, curieusement, qui a mis fin aux doutes. Il m'a conseillé de pratiquer le pari à la Pascal :
 
Si tu dis oui et que tu te trompes, tu n'auras rien perdu, alors que si tu dis non et que c'était lui, tu auras tout perdu.

Je me suis préparée mentalement à le revoir (trois verres de rouge, test des réussites sur ordinateur, si on gagne du premier coup, c'est que ça va marcher, j'ai gagné au bout de la troisième, ça m'a mis dans un état pas possible, test de la grand-mère, si Baba ne dit pas une seule fois, pichku maternu -vagin de ta mère- de la soirée, c'est que ce sera bon, etc…).
 

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