Parti

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 Parti

 

 

 Il avait tout du gars dont on dit, il est dans la force de l'âge. Il était beau, d'ailleurs, quand il était jeune, sa sœur disait que ça défilait et qu'elle n'arrivait pas à suivre les prénoms de ses conquêtes. Dans les choses qu'il aimait tout particulièrement, il y avait la musique classique, le chant qu'il avait longuement pratiqué, la Grèce, ses îles dans lesquelles il y avait régulièrement été, et où il avait décampé à l'annonce de sa maladie. Et Bouddha, à la fin de sa vie, qui l'aidait mieux que Jésus, Allah ou Yahvé semble-t-il à garder en lui le goût de l'étincelle et l'espoir d'autre chose.
 
On avait travaillé avec lui et si cela n'avait pas coïncidé avec l'annonce de sa maladie, peut-être nous ne l'aurions-nous jamais revu… mais l'amitié que nous avions pour sa sœur, par qui il avait dégotté ce job en attendant de savoir ce dont il souffrait, et la cruauté particulière du mal dont il était atteint, la maladie de Charcot, a fait que durant les 4 ans et demi qui lui restaient à vivre nous avons continué de nous revoir.
 
Je garderai personnellement le souvenir très réel de son sourire, la pétillance jusqu'au fond de ses yeux quand la maladie ne lui permettrait plus d'utiliser ses zygomatiques de façon ordinaire. Son goût pour l'humour, le rire, la vie, qui le faisait nous envoyer des blagues stupides par internet, l'informatique nous faisant oublier, à distance, qu'il n'arrivait plus à parler et nous le restituant ainsi en parfaite santé… Son intérêt aussi pour les voyages que nous faisions désormais à sa place et dont il accueillait les images sans qu'en apparence du moins, aucune rancœur ni indifférence ne se fasse jour. Son mental aussi qui demeurait vaillant, son entière conscience malgré l'avancée de sa maladie qui nous permettait de ne pas trop la voir, justement, cette maladie.
 
Je garderai aussi le souvenir parfaitement agréable du champagne qu'on buvait en allant le visiter, de Simone, sa garde-malade souriante et efficace, gloussant poliment à nos blagues pas forcément très fines, de sa sœur, notre collègue, souvent forte, malgré ces moments où elle sombrait, qui mettait une ambiance drôle, légère, et qui nous aidait vraiment à demeurer en contact avec lui, qui nous soufflait lettre par lettre ce qu'il avait nous à dire.

Nous avons eu le meilleur, nous, en allant le voir une heure ou deux, quand les autres, à commencer par lui, devaient souvent flirter de près avec l'enfer.
 
Il est parti vendredi rejoindre Bouddha ou je ne sais qui, quoi, et je garderai comme parfaitement bien résumé, le mot de mon collègue lorsqu'il m'a annoncé en fin de journée, ce départ de plus en plus attendu hélas, chic garçon…

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