Le poil de kiwi

Dans la vie, il y a les ennemis (pré)visibles et ceux qu’on n’attend pas. Dans la vie, il y a des ennemis qui vous tombent dessus et vous n’en revenez pas. Tel est le poil de kiwi qui s’en est pris à une amie.
Un matin, cette amie s’est levée, et elle s’est avalé un kiwi entier (après l’avoir épluché) accompagné d’un café noir, de dix tartines de nutella et des informations à la radio. Dix minutes plus tard, couvertes de boutons, elle commençait même à avoir des difficultés à respirer (et un moral en berne car elle avait dancing ce soir là). 

Emmenée d’urgence à l’hôpital par la BAPSA, enfin, chez son médecin traitant par le bus 69, ce dernier (la blosue, pas le bus) a de suite finement repéré une allergie. Il a tout d’abord accusé le nutella dont l’allergie principale est la fesse en trop, le ventre mou et la cuisse en boudin. Après lui avoir injecté du nutella sous la peau, il a bien du constater que rien ne se produisait (pas de nouveaux boutons). Mon amie a poussé un soupir de soulagement, elle ne se voyait pas continuer à vivre sans nutella. Ensuite, il est passé au café noir. De même, l’injection n’a rien donné, pas de boutons, pas de rougeurs. La copine allait pouvoir continuer à se droguer à la caféine pour réussir à garder les yeux ouverts dans ces lieux maudits que sont le bureau, la salle de réunion, le métro, la salle d’attente et le guichet de poste. Alors, le médecin a ouvert la radio et l’a forcée à écouter les infos pendant deux heures (il avait mis France Info). De même, malgré des nouvelles particulièrement épouvantables (massacres du Darfour, bombes en Irak, séisme en Iran, abandon par Zidane de sa carrière footbalistique et publicitaire sauf pour les lunettes Affelou qui vous considèrent comme une star jusqu’à 102 ans…), rien de rien ne s’est produit. Mon amie a même confirmé qu’elle était prête à continuer à ingérer de ce monde là.
Alors le médecin en a finement déduit qu’il s’agissait du kiwi et il s’est rappelé ce que leur disait le médecin en chef, chargé du tépé des maladies tropicales : rien n’est pire, mes enfants, que l’attaque du poil de kiwi chez qui en est allergique. Surtout, SURTOUT, ils avaient tous sursauté, dites bien à vos clients, patients professeur, patients d’accord, de ne jamais, JAMAIS, ingérer un poil de Kiwi ! Le client allergique, patient professeur, peut manger 100 kiwis, il ne se passera rien, RIEN, s’il n’ingère pas le plus petit poil, PAS LE PLUS PETIT POIL, de ce fruit maléfique… En revanche, un, UN poil de kiwi, et c’est la fin, LA FIN, la fin, avaient répété religieusement les internes.
Alors, le médecin a répété cela à mon amie, qui s’est dit qu’elle ne s’en tirait pas si mal, finalement. Il lui a montré comment éplucher un kiwi sans qu’un seul, UN SEUL, poil ne se glisse dans la chair. Elle a du répéter la manœuvre au moins dix fois, DIX FOIS, devant le praticien. A la fin, le bureau était trempé et gluant du jus des kiwis… et le chèque de mon amie est même resté collé dessus.
Pas un seul poil, PAS UN SEUL POIL, n’a cessé de lui répéter le médecin en la raccompagnant à la porte de son cabinet. Au revoir docteur, au revoir mademoiselle, et n’oubliez pas, oui je sais, surtout, SURTOUT, pas un seul poil, PAS UN SEUL POIL.
La copine s’est dit que pour sa part, que poil ou pas poil, elle s’abstiendrait de manger désormais des kiwis, Alors, n’oubliez pas, si vous mangez des kiwis, méfiez vous, n’en avalez pas un seul, UN SEUL, poil, POIL. Et méfiez-vous désormais des petits ennemis (in)visibles qui vous guettent partout, partout dans la vie… 

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