Si on est vivant au 31, c’est qu’on est pas mort encore cette année là* 3

Le 31 au soir était déjà là. Damned. Mais comme me dit chaque année Baba, si on est encore vivant au 31, c'est qu'on est pas encore mort cette année là… Ma mère, la Carla Bosse, m'avait plusieurs fois appelée dans la journée (que j'avais prétexté passer au travail « car le cabinet des nettoyeurs ne nous lâchait plus », avais-je assuré) afin de s'assurer que j'irai bien ce soir m'amuser follement chez la Parfaite.
 
A 19 H 00, la couenne récurée, je gisais sur le lit avec Ernesto qui testait son matériel de petit chimiste reçu à Noël des mains du professeur Colza, mon vénérable père qui s'était mis à écrire ses mémoires de famille et qui me dérangeait vingt fois par jour pour vérifier certains détails passionnants de notre vie jadis commune (ta mère, elle a adopté la Parfaite en été ou au printemps ? Je n'ai pas rêvé, tu m'arrêtes si je me trompe, surtout n'hésite pas à le faire hein choupette, mais tu ne nous as jamais présenté qui que ce soit destiné à partager ta vie quotidienne ? Etc). Ernesto m'avait demandé s'il pouvait m'accompagner à la soirée afin de nous « régaler de drôles de petites expériences chimiques »… J'avoue que j'avais dit oui avec une mauvaise arrière pensée : au vu de ce que je voyais, il y avait tout lieu d'espérer qu'Ernesto nous fasse tous sauter avec ces « drôles de petites expériences chimiques »…


A 19 H 30 pétantes la sonnette hurla. C'était LouLouLouis, le mari de la Parfaite qui faisait le tour des habitations célibataires pour cueillir les pauvres filles qui n'avaient même pas une bagnole pour convoyer leur solitude à une soirée.
 
Nous partîmes, trois filles et un homme qui n'en était pas un (vu qu'il était archi marié), les cheveux au vent car une des sœur solo qui était assise dans l'auto (la propre sœur de LoulouLouis) avait des fantasme Saganesques : elle voulait arriver à son lieu de crucifixion les cheveux dans le vent, un fragile foulard noué autour de son cou. La classe quoi.
 
Nous y arrivâmes donc dans cet équipage, accompagnés d'une odeur violente de pets mauvais car Ernesto, tel un vulgaire petit chef d'Etat autocratique, avait à tout prix voulu construire sa propre bombe puante… Le chauffeur, LouLouLouis, et les deux autres passagères protestèrent vigoureusement et Ernesto vit aussitôt son matériel de chimie confisqué par monsieur Parfait (le mari donc de la Parfaite). C'est donc en sanglotant follement qu'Ernesto pénétra dans le palais des tortures, où une longue table était dressée avec candélabres, serviettes pliées de façon tordue et étiquettes de couleur (rose pour les filles seules, vert pour les femmes mariées) qui annonçaient au tout venant nos noms. Moi, on m'avait mis comme nom Mimi, ce qui bien sûr m'exaspéra jusqu'au crime. M'enfin, j'avais réussi à récupérer le matériel de chimie de la grenouille, donc je me tus fort diplomatiquement. 
 
La Parfaite me serra follement contre ses seins pigeonnants (matos La Perla).

  • Bonne année ma mimi, ma sœur chérie!
  • Euh on est encore en 2006!
  • Mais on est si proches de 2007… ne mégotons pas! Que cette année, à défaut de l'amour, t'apporte au moins les joies d'une relation sexuelle à deux!
  • Merci perfecto, je marmonnais, pareil pour toi, avec quelqu'un d'autre que ton mari pour le renouvellement de l'imagination…
  • Oh tu n'y penses pas! Protesta avec vigueur la Parfaite. Il me comble trop pour que j'aille voir ailleurs!

Vision peu charitable d'une grosse quéquette comblant les intérieurs de la Parfaite menue.

  • Buvons à notre santé à tous!

Le pot lancé par la Parfaite fut interrompu par son fils chéri Orneille qui débarqua toute affaire cessante de sa chambre, nu comme un vers, braillant qu'il était malade (son sexe se tenait droit et dur). La Parfaite le remballa dans ses quartiers en rougissant (tout en nous faisant remarquer que pour un petit garçon de 4 ans, son fils était tout de même sacrément en avance). Puis ce fut le tour de la reine des chipies, Jade, de venir saboter notre champagne en faisant tomber la bouteille sur le sol parce qu'elle s'était jeté sur Ernesto pour lui ouvrir le ventre « comme dans son cours de biologie » (je n'élève pas mes enfants dans le coton, ils sont très tôt au courant des réalités de la vie grâce à l'enseignement très progressiste de l'école dans lesquels je les ai inscrits, Je sais tout sur tout…). 
 
Pendant ce temps là, alors que les mères en présence, privées de leurs enfants restés cloîtrés à la maison avec la grand-mère ou la baby-sitter aigrie qui à 17 ans se tape déjà des 31 de merde (sans mec), rivalisaient d'invention et d'ardeur pour montrer combien leurs propres enfants étaient sur-doués, je regardai discrètement autour de moi pour voir s'il y avait du mâle solo… accompagnée en cela par les deux autres solotes, la sœur de Louloulouis, Vanessa, une blonde platine avec une bouche comme un fil, rose pâle, et des yeux d'eau sale, objectivement je vous jure, et une petite brune un peu ronde, Mélissa, qui avait l'air sympa, subjectivement je veux dire.
 
La Parfaite nous fit un petit discours rien que pour retarder le moment de boire notre coupe de champagne…

  • Encore une belle et grande année qui vient de s'écrou euh s'écouler… Mon mari LouLouLouis est toujours aussi adorable, et travailleur, il vient de décrocher le plus gros bonus de la boîte que la discrétion m'interdit de vous révéler… ainsi qu'une promotion… le voilà nommé auprès du ministre du budget afin de réfléchir à la nouvelle réforme de la fiscalité qui… blablabla…

J'avais craqué. Toute honte bue, j'étais en train de boire également à grands bruits ma coupe de champagne. La Parfaite me foudroya du regard puis elle porta une main à son ventre tout plat.

  • 2007 verra naître notre troisième enfant… une petite fille… je vous l'annonce ce soir…
  • Mais elle est enceinte de combien? Me chuchota Mélissa.
  • Chais pas, je lui répondis, trois semaines je crois…
  • Mais alors, comment elle peut savoir que…

La Parfaite tapa rageusement avec une cuillère sur son verre.

  • Je l'ai rêvé, glapit-elle, je l'ai vu en rêve!
  • Elle a vu en rêve une foufoune dans son ventre? Gloussa Mélissa décidément très sympa.
  • C'est de l'intox, je pouffai à mon tour, la Parfaite n'a qu'une dimension, le réalisme de réalité…

Nous passâmes enfin à table. La Parfaite nous annonça que l'on danserait au dessert en buvant à la bouteille tout en se roulant des pelles dans le noir car les plombs auraient sauté, mais non je plaisante.
 
J'avais pour voisin un homme qui relevait d'une grève de la faim, ou alors d'une attaque de sida, enfin je suppose tant il était maigre et chétif. Je ne suis pas grande pour mon âge, 1 mètre 65, mais lui, il était carrément petit vu que sa tête arrivait à peine au niveau de la table mais ça, c'était parce qu'il était à genoux.

  • Vous cherchez quelque chose? J'ai demandé à tout hasard.
  • Je prie, il m'a dit d'un ton vibrant, je remercie mon seigneur Jésus de m'avoir permis de rester vivant jusqu'à la fin de cette année…
  • Ce n'est pas TON seigneur Jésus! Protesta Vanessa.
  • Ah bon? J'ai demandé encore, poliment. Mais euh… vous êtes malade?

Mes doutes étaient donc fondés !

  • Pas du tout, protesta le garçon, je suis en très bonne parfaite santé! C'est juste qu'avec tout ce qui nous menace, la guerre, le cancer, la pollution, les impôts, je ne peux que me réjouir d'être encore de ce monde!
  • Certes, j'admis.

Les impôts ? Qu'est-ce que ça venait foutre là question santé ?

  • Je m'appelle Horace Fantin, m'informa le garçon. Je suis propre, sensible et travailleur, j'aime jouer au tennis, de table ou autre, je suis spécialiste en environnement, je donne des conseils pour améliorer la qualité de l'air….
  • Bien, je le coupai, mais pourquoi me dire tout ça là maintenant?
  • Il ne faut pas perdre de temps! S'excita le Horace, minuit est dans deux heures, il faut absolument trouver quelqu'un à embrasser sous Guy d'ici là!
  • … sous le gui, j'ai corrigé distraitement.

Bon sang, j'aurais du y penser. Les couples présents étaient des alibis pour me faire rencontrer Horace Fantin, à moi et aux autres solos de la salle. Cela partait d'une bonne intention me direz-vous sauf qu'avec la Parfaite, fallait se méfier des bonnes intentions… Il y avait très peu d'étiquettes bleu roi (la couleur des hommes seuls), et concernant ces dernières, Vachelor, le frère adoptif de la Parfaite (me demandez pas adopté par qui, sans doute ses vrais parents à la Parfaite) en avait une alors qu'il était marié depuis deux ans, bientôt père de son second enfant.
 
Quant aux autres « bleu roi », c'était pas des régnants j'aime mieux vous dire. Si je vous dis par exemple que Horace Fantin, avec ses 39 kilos, son mètre soixante, et sa logorrhée des affreux malheurs terrestres était le top, vous m'aurais comprise… Le voisin de Mélissa par exemple portait encore des bagues aux dents et celui de Vanessa arborait un uniforme genre cours privé catholique. Horace Fantin était maintenant lancé dans une sorte de prosodie, façon charte du Hulot, où tous les malheurs écolos de la Terre nous étaient énumérés avec constance. Avec Mélissa, on a échangé un regard de sympathie mutuelle, en étouffant un sourire pas gentil, on était le 31 quand même, on aurait quand même pu avoir droit à quelque chose d'autre. Alors qu'Horace Fantin abordait la problématique de la la fonte de la banquise, on a entendu justement un énorme crack… Tout le monde a bondit sur son siège, croyant voir déjà l'eau monter le long des tables…

  • Un tsunami! A hurlé une mère de famille complètement terrifiée. Oh secours! Un tsunami de Seine!
  • C'est pas possible, l'a rassurée gentiment Vanessa, y a pas assez de fond pour!
  • Qu'est-ce que tu en sais, pauvre onaniste que tu es! Lui a rétorqué salopement la mère de famille.
  • Je crois que c'est… j'ai commencé.

Je fus interrompue par des chants de Noël que la Parfaite avait lancés aussitôt pour faire diversion. Tout le monde s'est saisit la main pour chanter à tue tête, les textes nous étant distribués, chants de Noël, cantique de la célibataire joyeuse, odes à l'amour etc.
 
Je cherchai Ernesto du regard. Je ne le voyais pas. Je sentis alors quelqu'un tirer sur le bas de ma robe. Une petite main verte… c'était lui.

  • J'ai fait une boulette je crois Marie, il a pleurniché.
  • Quoi? J'ai glapi.
  • J'ai transformé Orneille en crapaud pas beau… d'où le bruit…
  • Qu'est-ce que c'est que cette histoire encore? J'ai grogné. En quoi transformer Orneille en crapaud pas beau peut-il faire un tel bruit?
  • Si! Je te jure! Ca fait du bruit parce que les molécules de…

Il a été interrompu par une voix.

  • Maman! Je crois que je suis malade! Je suis tout vert regarde!

Un crapaud en pyjama venait de débarquer dans les lieux, traînant le doudou d'Orneille (Sarkozy en peluche) et pleurant à grands bruits alors que la dernière note du dernier chant mourrait sur étoile des neiges quand te reverrai-jeuh… Il était suivi par une drôle de créature à moitié nue, couverte de crasse, avec une sorte de pagne autour de la taille…

  • Aveline! Ai-je crié.
  • Orneille! A braillé la Parfaite.

Aveline a disparu en direction des cuisines. Je l'ai suivie tandis qu'Ernesto me braillait, me laisse pas tomber, Chotek, me laisse pas tomber ! Je l'ai retrouvée le groin enfoncé dans le frigidaire, avalant à grandes pelletées des tranches de foie gras, de saumon, de bœuf en gelée… J'ai entendu la Parfaite vociférer, qui a fait ça ? qui a fait ça ?, alors, saisissant la main d'Aveline, je nous ai enfuies vers la sortie…

 

* Je dédie humblement cette news à celles de mes copines qui se sont encore tapé un réveillon de merde avec 1 mec (pas beau, pas drôle, pas touchant) pour 10 nanas (drôles, belles et touchantes).

3 thoughts on “Si on est vivant au 31, c’est qu’on est pas mort encore cette année là*

  1. Reply Aveline Jan 12,2007 22:02

    J\’vois pas ce que tu veux dire…. :zzz

  2. Reply ln22 Jan 27,2007 11:28

    HORACE FANTIN, il existe ! mais quel âge aurait-il maintenant?????????

  3. Reply Aveline Jan 30,2007 13:53

    Salut LN !
    c\\\’est qui cette Horace Fantin ? un Breton ?

    Aveline (pas celle du Mauri, une autre)

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