Take a chance of me… 2

La Princesse Chotek a le cerveau qui pèse moins lourd depuis mercredi 31 janvier.

Ses pires pressentiments se sont révélés vrais et c'est embarquée de toute urgence par le petit prince Sacha, qu'elle a atterri dans l'hôpital blockhaus de Créteil, Henri Mondore, pour s'y faire retirer une tumeur grosse comme une noix, logée dans son troisième ventricule (ceux du cerveau). Elle est passée devant tout le monde aux Urgences, chose qui ne lui arrive jamais dans la vie où elle a plutôt le ticket pour attendre, c'est dire si son cas était impressionnant. Elle confondait il est vrai les termes les plus simples (ordinateur avec télévision, homme libre avec homme marié, gauche avec droite, jambon-beurre avec raclette savoyarde…), ce qui avait alerté le petit prince Sacha qui savait que pour la Marie, toujours, un chat était un chat!

Le test classique de mémoire n'a pas été probant : incapable de nommer tous ses doigts devant toute une brochette de chirurgiens supérieurs ! Ce qui est habituel chez elle ! Si !

Mais l'IRM a été, elle, formelle, un sale machin truc avait installé ses pénates dans sa cervelle, lui valant migraines et nausées depuis des semaines. Sa Baba appelée toute affaire cessante a tout d'abord décrété que c'était du « chiquet », qu'elle était trop jeune pour avoir un truc pareil, qu'elle n'avait même pas encore donné la vie, quant à accoucher d'une tumeur de la tête… fallait pas se fiche de la tête de l'armée balkanique ! Mais si. C'était vrai. Archi vrai.

Le chirurgien, un homme charmant, était déjà sur le pied de guerre, disant cependant que ça n'allait pas être de la tarte, vu le lieu où la noix avait poussé, mais qu'on n'avait pas le choix. Glups. Une sale impression de mauvais rêve, c'est pas possible que ça m'arrive à moi, je vais pas mourir à l'âge de Molière ou de Mozart, même si certes, la veille encore, je me disais que c'était possible… Se raccrocher à l'hypothèse du médecin, comme quoi ce gros machin doit être bénin sinon, il aurait fait mal plus tôt… un cancer, ça ne reste pas sagement dans son coin! Repenser aussi à Pierre Desproges, au moment où on rentre dans le scanner, on aimerait savoir en rire comme lui, Pâques au Scanner, Noël au cimetière… ahah… mais on a juste peur et froid. Et mal à la tête. On se dit qu'on allait avoir 38 ans et puis que non. On doit quitter la scène. Un Dieu cruel ne veut pas que vous jouiez la partie trop longtemps. Pas d'enfants, pas d'orphelins (juste vos parents qui restent eux pour la fin du film). On allait être enfin publiée, en mai, aux éditions Arcadia, faisons au passage la promo, mais on vivra pas ça, les tournées en province, les signatures dans les librairies, les repas décalés avec des membres saouls d'association d'auteurs qui essayent de faire vivre leur région (et eux aussi) par le culturel…

  • Laissez-moi passer! A alors crié une voix dans le couloir.

C'était Baba qui arrivait telle l'armée bosniaque, inutile et trop tard. L'Ennemi (la tumeur) était déjà dans la place. Quand on pense que cette très vieille dame allait survivre à cette très jeune femme… ah le scandale des vieux !

  • Sauvez la! A ensuite crié sa Baba qui avait trop vu de mauvais feuilletons hospitaliers à la télé. Je vous en supplie, sauvez la!

Avec ça, il a fallut s'occuper de ranimer la Baba, complètement choquée (jamais vu ça depuis la guerre…) et prévenir ses honorables géniteurs, aussitôt accourus avec la Parfaite en tête, brandissant son parapluie comme si c'était une manif de mai 68.
 
Dans son malheur, la princesse Chotek a récupéré un chirurgien charmant et très doué. Qui a réussi à lui ôter sa noix. Sans lui bousiller complètement la cervelle. Plusieurs jours ont passé dans le service réanimation avec un dénommé Thierry, très agité, qui arrachait ses tuyaux dans la joie et la bonne humeur… Ensuite s'est installée la routine de l'hôpital, sans ordinateur, avec le ballet des infirmiers et infirmières, qui tenaient parfois des conversations dignes du bureau de la Princesse, madame Irma et compagnie (échange de propos aigres doux, racontars sur les autres…). Elle a eu droit à sa piqûre de morphine, comme tout le monde (allo maman bobo…) et a été libérée au bout de dix jours, une semaine après l'intervention, avec maux de tête et nausées, mais sans rapporter le crabe avec soi, ouf. Elle a pu constater qu'à l'hôpital, on dit bien toujours « elle va bien ? » « comment elle va aujourd'hui ? » etc…

Son style en a été transformé.

Elle a eu sacrément chaud. Malgré tout ce qu'elle a pu dire (j'ai plus qu'à crever…), elle ne s'est pas révélée du tout prête pour ça. Classique. Une malheureuse partageait sa chambre, malheureuse atteinte de sclérose en plaques (quel sale truc!), délaissée par son entourage, et cette malheureuse aimait cependant à répéter qu'elle était mariée depuis vingt cinq ans… mais quand la Marie a retrouvé la liberté, elle s'est noblement sentie presque injustement favorisée par rapport à cette pauvre femme, mariée certes, mère de famille, mais clouée de douleur sur son lit et visiblement pas très soutenue. A quoi bon la bague au doigt.
 
Elle attend présentement de récupérer et espère retrouver une inspiration un peu fâchée avec tous ces remue-méninges douloureux et angoissants. Elle va, en attendant, contribuer à agrandir le trou de la Sécu en restant deux mois dans ses pénates pour récupérer ses facultés. C'est pas gagné. Elle doit aussi préparer sa rentrée littéraire printanière, tenez vous prêts! Tous!

2 thoughts on “Take a chance of me…

  1. Reply bernard Fév 15,2007 19:44

    bon courage et prompt rétablissement.

  2. Reply ln22 Fév 15,2007 21:25

    chapeau bas, madame l\’écrivaine. La bosse de l\’écriture ne se cachait pas dans la tumeur. Trèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèèès contente de te relire. Mais attention va pas trop vite quand même, le cerveau, au repos, le cerveau, au repos, le cerveau, au repos………..

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