La Grande Léchouille 1

Je voudrais exprimer ici mon ras le bol de la grande léchouille (je développerai ensuite la petite léchouille).

Qu’il s’agisse d’une émission de radio, de télé ou même une rencontre avec un auteur, un artiste (conférence, lecture ou conversation au coin du feu), je ne peux PLUS supporter que l’on lèche ainsi l’invité qui, parfois, soyons juste, tente de se défendre de ce léchage comme il peut, y compris en simulant un évanouissement (Pierre Desproges, invité le 9 mai 2006 sur France inter, ah bon il est toujours mort ?!). 

Parfois, c’est un journaliste qui lèche tout seul. Je pense à Stéphane Paoli qui était assez exceptionnel dans ce genre d’exercice, la grande léchouille, mais comme il a été malade, mon éducation chrétieno-bourgeoise m’interdit de me défouler sur lui. Sachez juste que le matin, dans le 8-9 de France inter, il m’a souvent léché le moral de mauvais poil, tant le bruit de sa langue en train de lécher l’invité me hérissait. Il pouvait aussi bien lécher mère Thérésa que Jean Bouddha, l’ambassadeur d’Israël que celui du Qatar, Nicolas Sarkosy ou Brigitte Bardot, qu’importe, il léchait tout ce qui passait à portée de sa langue, vous vous rendez compte ?! Mais il a été malade, donc je ne dois pas m’acharner plus avant sur cet homme, grand léchouilleur professionnel devant la reine Lèche et digne héraut de sa profession qui, je dois dire, globalement, est une des championnes incontestées de la grande léchouille.

Que la grâce soit tout de même rendue à certains d’entre eux : Bernard Lenoir ou Daniel Mermet, qui ont, chacun, résolu le problème à sa façon. Le premier passe plus de musique qu’il ne parle et je cherche encore un invité léché à ses black et white sessions où la musique règne en reine absolue. Le second parle beaucoup mais tout seul, on vit dans sa tête et si c’est parfois migrainant, c’est jamais léchouillant vu qu’il n’y a personne à léchouiller. Il y en a d’autres, il y en a d’autres… mais je vais quand même pas me farcir les émissions de la France entière pour vous en dresser la liste.  

L’invité peut être également léché par plusieurs personnes de concert qui, parfois, se lèchent de fait sur la langue. Le léché est envahi littéralement par les léchouilles au point que l’auditeur, parfois, ne sait plus qui est léché. Pourquoi est-il si sauvagement léché cet homme, qu’a-t-il fait, du foot, un livre, ou un détournement de fonds euh pardon de la politique ? Nul ne le sait ! Dès fois, le léché ayant été à fond léché, les lécheurs se mettent à se lécher mutuellement (lecture du score de l’audimat qui, on le sait, intéresse toujours prodigieusement les auditeurs de la grande léchouille).

J’avoue que la grande léchouille à la télé m’échappe un peu. Je ne la regarde pas, elle est placée en haut d’un meuble et je n’ai toujours pas refait mes lentilles de contact. Je sais par des amis, des collègues, que l’on se désole actuellement parce que deux très grands lécheurs mettent les bouts : Thierry Ardisson et je ne sais plus qui, désolée. Fatigués de lécher ? Je l’ignore mais selon mes informateurs, le grand lécheur lèche jusqu’à la mort, à moins qu’il n’ait une révélation d’ordre mystique (auquel cas, me direz-vous, il pourrait bien se retrouver à lécher rapidement son gourou). On peut donc penser que ces deux grands rois de la léchouille ont encore de beaux jours de lèche devant eux.  
Un ami qui écrit une thèse sur le sujet, La grande léchouille sous la cinquième République, veut me voir préciser que certains, comme le royaliste Ardisson, pratique une léchouille inversée. C’est à dire que, parce qu’ils anti-lèchent parfois leurs invités, on pourrait avoir l’impression qu’ils échappent à la grande léchouille, mais en fait, primo, ils se lèchent eux-mêmes avant tout, et secondo, ils font ce que fait celui qui veut se taper Simone : il la persécute pour mieux la faire tomber dans son pieu car on ne résiste pas à qui, après vous avoir descendu, vous offre soudain de vous remonter. Rusé n’est-il pas ?
Cela rejoint ceux qui écrivent pour dénoncer la grande léchouille tout en ne voyant pas (volontairement ou non) qu’ils y réchappent uniquement parce qu’ils sont léchés par un autre cercle de lécheurs : il y a les lécheurs de droite et les lécheurs de gauche, les alter-lécheurs comme les post-lécheurs… voire ceux que personne ne veut tout simplement les lécher.

Notons enfin la grande léchouille institutionnalisée. Rosace au sein gauche, légion d’honneur, palme des chiffres et des lettres, oscar du tricot, je vous en passe. Le comble de la léchouille étant de gracier un léché qui était devenu un mal léché :  pensez à Guy Drut qui a léché, a été léché, lâché, re-léché à nouveau par quelqu’un qui lèche tout le monde (quand il ne dort pas dans son coin en consultant sur le minitel ses comptes au Japon) au motif qu’il fallait lécher les gens du CIO (sinon ils n’auraient pas compris qu’on ne les lèche pas). Comme dit une collègue de bureau, dans notre monde, on s’encule en couronne, ce qui est là, vous en conviendrez, le stade terminal de la grande léchouille. Je t’invite à la télé, tu m’invites à Matignon, je te publie ta fille et on échange, tu fais de mon fils un chargé de mission à Bercy, bureau 609, gestion des médailles. Ok, on s’appelle et on se fait une p'tite léchouille ?  

Je sais qu’il est dur de résister à la léchouille. Nous en faisons chaque jour l’expérience, même en tant que simple employé de bureau. Cela provient de notre désespérant besoin d’être aimé, même pas des gens pas franchement aimables, et cela nous est inculpé dès notre plus jeune âge : applaudissements fayots parce qu’on a réussi à mettre un cube l’un sur l’autre, applaudissements encore de même parce qu’on a fait quatre pas tout seul sans tomber, susucres et images à l’école, booms au lycée parce qu’on a su lécher la bonne personne (celle qui a des parents cools et un appartement de dix pièces, inutile de lécher le ou la malheureuse qui partage avec sa mère un deux-pièces sans sono), grande lèche des oraux et entretiens professionnels, ah ce que la vie nous pèse sur la langue…

On lèche parfois par pure lâcheté ou hypocrisie, mais parfois, nous léchons aussi par charité toute aussi pure : léchez ceux qui ont mal, léchez votre prochain pour qu’il se sente un peu moins déléché. On lèche la copine qui s’est faite plaquer et qui pleure, engoncée dans ses 87 kilos, c’est évident, belle comme tu es, tu vas en retrouver un autre dans les 24 heures, on lèche l’amie malade et déprimée, pauvrette, en lui disant, chouette ta perruque, rouge vif, c’est osé c’est culotté c’est le pari de la vie ! Après tout, on lèche son petit même s’il est laid, pas vrai ?

Comment se défendre de la léchouille ? La grande léchouille nous épargne à peu près car il est rare que l’on passe à la radio ou à la télévision. C’est déjà ça (une léchouille de moins). Ensuite, concernant la petite léchouille… il faut se donner un quota je pense de léchouilles. Et s’y tenir. Tant de léchouilles par jour, et pas plus. Je dirai une léchouille professionnelle, nécessaire peut-être pour ne pas se retrouver à chanter dans le métro, pour certains, ou disons, mal léchés pour d’autres, et 2 à 3 léchouilles de bonne compagnie, allouées à des collègues ou personnes proches, qu’il faut bien lécher pour vivre. Si on est trop prisonnier de la léchouille, alors, se mordre la langue, porter un appareil de correction orthodontique, sucer des pastilles contre la toux, s’enfermer dans les chiottes, que sais-je, c’est à vous de faire preuve d’imagination et de pragmatisme ! Dites vous que moins on lèche, mieux c’est, la léchouille qui s’approche de son authenticité est une léchouille de qualité, qui procure au lécheur, la même sensation d’agréabilité qu’au léché.  

Léchez peu mais léchez bien, tel sera notre recommandation pour cette journée, nous reviendrons ultérieurement sur l’enculation en couronne qui nécessite un travail de documentation et une autorisation ministérielle pour ce faire. Eloignez vos enfants et vos chats des écrans ! 

One comment on “La Grande Léchouille

  1. Reply La2nio Juin 16,2006 00:31

    salut
    ici la2nio
    j\’ai pas résisté au désir de lire la grande Léchouille comme nombre de mes petits camarades, si si on a bien vu que le nombre de \ »clicks\ » était supérieur que pour le texte sur la charité…..

    Marie oh Marie si tu m\’entends, fais comme tu as dit dans l\’intro et mets le paquet : attire donc l\’éditeur au \ »schlirp\ » et au \ »schlourps\ » et quand il est bien ferré, tu lui lis un peu de Yourcenar pour voir si il a du goût, un peu de Desproges pour voir si il a de l\’humour, et beaucoup de princesse Chotek pour qu\’il se fasse l\’esprit à quekchose de plus corsé que les gorgées de bières apéritives ou les codes de Michel Ange…

    `la2nio, Dame d\’honneur de la Princesse

Leave a Reply