ILS ONT ARRETE VINCENT ! M’a hurlé ce matin Bastille
dans les oreilles alors que j’étais au square en train d’essayer de convaincre
Zébulon que non, il n’était pas possible de monter au toboggan par la pente, surtout
la tête en bas.
–
Non ?! J’ai fait, avant que de demander,
mais euh… qui est Vincent au juste ?
Imaginant déjà un énième plan galère de Bastille, genre
folle passion de deux jours au moins avec un dealer d’origine française.
–
LINDON ! Elle a braillé. VINCENT LINDON
VOYONS ! QUI VEUX-TU QUE CE SOIT D’AUTRE ?
Mon cousin par exemple, j’ai un cousin qui s’appelle
Vincent, j’aurais pu lui rétorquer, au lieu de ça, je lui ai posé la question que
vous aussi vous auriez sans doute posée ensuite :
–
Mais qu’a donc fait Vincent pour être
arrêté ?
–
A ton avis patate ? s’est énervé la
passionaria perpétuelle.
–
Euh… un de ses tics a été mal interprété par un
membre de l’ordre ?
–
Ahaha, très drôle, elle a glapit, tu ne suis
donc rien de ce qui se passe en dehors de Boboland ?
–
…
–
Eh bien figure toi que Vincent a été arrêté
parce qu’il avait logé des sans papiers chez lui, à qui en plus il avait offert
l’offre d’abonnement en cours super mirifique de SFR qui offrait la gratuité
pour les appels concernant notamment le Kurdistan…
–
Ah bon…
–
Oui ! On en est dans ce pays de MERDE qu’on
peut être ARRETE rien que parce qu’on aide a minima son prochain !!!!
Vincent risque 5 ANS DE TOLE et 5000 € d’amende RIEN QUE PARCE QU’IL A
LAISSE DEUX KURDES DORMIR SUR SON CLIC CLAC, C’EST PAS LA GERBE CA ?!
METTRE SUR LA PAILLE ET DERRIERE DES BARREAUX UN TYPE SIMPLEMENT PARCE QU’IL A
DU CŒUR ?!
J’ai gardé pour moi le fait qu’à mon avis, Vincent, comme
disait Bastille, arriverait facilement à
se relever des 5000 € d’amende, j’ai juste demandé :
–
Mais euh… c’est bizarre mais ça me rappelle le
film à l’affiche en ce moment, dans lequel il joue un personnage qui rencontre
le même problème…
–
Oui et alors ?
–
Tu ne serais pas en train de faire une
confusion ? J’ai demandé prudemment.
–
Comment ça ?!
–
Une confusion entre le film et la réalité… j'ai avancé, de même prudemment.
–
Et alors ? Qu’importe ! A bramé la Bastille. Puisque, que
ce soit dans le film ou dans la réalité, c’est la même chose ! Tu peux
être poursuivie pour avoir aidé un sans papiers, rien qu’en le prenant en stop,
rien qu’en lui offrant même un coca cola même périmé !!!!
–
Comment te dire Bastille… j'ai cherché mes mots… ne va pas croire que je défends les autorités
(pourries) de ce pays (moisi)… mais il y a quand même une différence entre le
Vincent du film et le Vincent de la réalité… je veux dire… il y a celui qui interprète
dans un film un personnage qui aide un sans papiers et il y a l’homme, dans la
vie, qui n’a rien à voir avec ce personnage…
–
Tu veux dire que Vincent est un salopard qui
s’en tape des Kurdes ?! S'est outrée Bastoche.
–
Non, pas du tout ! J'ai protesté avec vigueur. Je dis juste qu’on ne
peut tout de même pas t’arrêter dans la vraie vie parce que dans un film, tu
joues quelqu’un qui ne respecte pas la loi… tu vois ?
–
Mais je viens de l’entendre à la radio ! elle a protesté. Il
est révolté par cette situation ! Il dit qu’on devrait au contraire se
réjouir de voir les indifférents devenir conscients, et tendre la main à leur
prochain dans la misère…
–
Mais l’un n’empêche pas l’autre ! On peut
jouer un personnage qui aide un sans papiers, et considérer que si quelqu'un fait la même chose dans la vraie vie, il a raison…
–
Ben tu vois que j’ai raison alors ! A-t-elle exulté.
–
Bastille, je ne crois pas que Vincent Lindon
loge chez lui des Kurdes sans papiers…
–
Tout le monde n’est pas comme toi, Marie Chotek,
une bobo égoïste et sans coeur !
–
Bastille bordel, peut être que Vincent Lindon
pourrait le faire, j'ai grogné, je ne mets pas en doute ses qualités de cœur, je dis juste
qu’en attendant, ce n’est pas le cas, et il n’est pas poursuivi pour entrave à
la loi et…
–
A QUI APPARTIENT CE MOUFLET ? C’EST A VOUS
MADAME ?
J’ai sursauté. Deux types en uniforme se tenaient devant
moi, brandissant le pauvre Zébulon qui serrait contre lui bien que loin, loin
du sol, sa poussette de poupée dès fois qu’un autochtone essaierait de lui
faucher.
–
Euh oui… j’ai fait, piteuse.
Vincent et Bastille m’avaient embarquée loin de mon devoir
de surveillante mère générale.
–
Dass, service sociale aide à l’enfance,
disposition relative à la non surveillance et non assistance d’un petit de
moins de trois ans, embarquement immédiat, placement provisoire en famille, en
attente d’un jugement pour placement peut-être définitif…
Les deux types ont récité ça, tandis que moi, je me suis dit, c’est
pas possible, c’est un cauchemar, je vais me réveiller. A ce moment là, j’ai
entendu, coupez, coupez !! on la
refait, la mère est vraiment trop trop mauvaise ! J’ai réalisé que nous étions
au milieu d’une scène de tournage, j’avais lu des affiches sur les grilles du
square comme quoi ils cherchaient des figurantes (des mères) et des figurants
(des petits) mais je n’avais pas fait gaffe à la date. Un Ier avril.
Les deux types m’ont rendu Zébulon, en s’excusant, ils
pensaient que nous faisions partie des volontaires pour le tournage et je me
suis enfuie avec mon fiston serrant toujours sa poussette loin de ce monde fiction-réalité
aux frontières troubles et troublante dans lequel visiblement, je n'étais pas bonne comédienne.