La profitation

Lundi matin, sans doute mal réveillée, alors que je fais chauffer le lait marketing de Zébulon (2 fois le prix d'un lait normal mais plein de B de A et de C), j'entends le jeune Olivier, le nouvel anticapitaliste, dénoncer avec la vigueur juvénile qui le caractérise la profitation. Je crois avoir mal compris mais alors que Zébulon avale son biberon en gloussant sur mes genoux (est-ce là l'effet Besancenot ?), j'entends à nouveau ce terme, inconnu de mon ordinateur qui ne cesse depuis tout à l'heure de me le souligner d'une vaguelette rouge.
 
Soit je suis devenue mal entendante, soit Olivier a inventé un nouveau terme, en même temps qu'il a créé un nouveau parti.

Je dis Olivier, non pas que j'en sois sympathisante, car je ne voudrais pas tomber trop vite dans le cliché « non prolétaire vivant à Montreuil» (= donc bobo) complétant le tableau par un vote bien rouge (= super bobo). Oh la ferme, me direz-vous, y en a marre de ce terme « bobo » mis à toutes les sauces… d'autant plus que je me suis rendue compte en discutant avec une Mexicaine de Montreuil, présentant tous les signes (pas que négatifs) de la boboïtude, qu'elle ne se considérait pas du tout comme telle parce que Mexicaine tout en me considérant elle, comme telle, j'en suis sûre (alors que franchement, vous trouvez ça glamour comme profession celle de non-cadre B de la fonction publique occupée à compter des livres et des auteurs?). Bref, bref, je dis Olivier car il a, je suis sûre, auprès de moi comme beaucoup de personnes pas forcément sympathisantes, un parfum de naturelle familiarité, sans doute dû à sa jeunesse et à son parler vrai (non, non, pas comme Sarko), sans oublier sa profession de facteur qui apprend à être à l'aise avec tous et toutes (y a qu'à voir le facteur des cht'is… en espérant qu'Olivier boive moins).
 
Profitation… terme utilisé pour décrire (et dénoncer) cette attitude ataviquee du patronat qui consiste à accumuler des profits pour lui et pour lui seul, dans la mesure de ses moyens (un petit patron, profitationera petitement mais profitationera un peu). J'ai retenu de mes passionnantes études que l'ajout d'un -ion, fait souvent référence à un processus, ici, celui qui mène à l'accumulation de profits (iniques par définition) par une seule caste, aux dépens forcément de ceux qui n'ont pas ce pouvoir là. Zébulon continuant de glousser et de glouglouter plutôt que boire, j'ai un peu décroché, surtout qu'il était ensuite question des fronts et des alliances concernant les élections européennes avec le Bernard Guetta qui comme d'hab mettait dix siècles à pondre sa phrase à force de l'allonger à coups de voyelles et de consonnes sur-appuyées sans oublier tous les mots qu'il parsème depuis le début jusqu'à la fin au point que moi, je me dis, ah ce qu'il cause bien mais je me suis encore paumée en cours de route.
 
En tout cas, quelque chose m'a plu dans les réponses d'Olivier. C'est que contrairement à la plupart des politiciens, de gauche comme de droite, il sait répondre par oui ou par non. Pour ou contre l'intégration de la Turquie ? J'y suis favorable. Pour ou contre un front de gauche ? Non, si c'est pour faire le jeu d'un PS qui cherche à gagner tout seul les élections. D'autres questions, que j'ai oubliées car vraiment ce matin Zébulon était très joyeux et très distrait dans son lait matinal, mais toujours cette réponse, oui, non, d'accord, pas d'accord.
 
Eh bien, même si je ne voterai sans doute pas pour lui aux prochaines élections, j'ai trouvé ça extrêmement reposant cette façon claire et franche de répondre aux questions, sans tout entourtourner dans des tas de mots, de si de mais de en revanche, ce qui donne au final une réponse moins claire que la question. Vous me direz, ah mais c'est comme Sarkozy ma bonne dame… sauf que Sarko fait des fautes quand il parle, parle comme un café du commerce à lui tout seul, et surtout, surtout il MENT ! Mais Olivier, le petit Olivier, peut-être mentit-il, lui aussi… par exemple, quand il dit que les méchants policiers les ont coincés dans un coin, les manifestants anti-OTAN à Strasbourg pour faire monter la pression, en les arrosant qui plus est de bombes lacrymo, au point que forcément, il y a eu ensuite grand défouloir sur les mobiliers urbains alentour sans oublier une innocente pharmacie, tandis qu'un chef quelconque de cette police assure qu'Olivier ment, que c'est de l'appel au meurtre en puissance, que les choses ne se sont pas passées ainsi… qui croire alors ?
 
Eh bien, en ces temps de forte présence policière, de bavures et de bleus tout partout dans les rues, on croira tout naturellement le jeune Olivier plutôt que le super flic interviewé. Oui, c'est peut-être injuste et plein de préjugés, mais à force de profitationer indûment de la force publique, qu'il s'agisse de faire une haie en forme de cache sexe au petit président ou de vider tout un quartier de ses habitants pour que rien ne vienne troubler les grands de ce monde, ça pousse à crier l'inénarable mort aux vaches de nos ancêtres et à croire le révolté plutôt que l'autorité. 

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