La haine du prolétaire



Bien la peine de crécher dans le fief du NPA pour titrer un
titre pareil… seulement voilà, j’ai droit à deux petites heures pour moi l’après-midi
pendant que Zébulon fait sa sieste et ce jour, un bourrin du chantier d’en face
s’est mis à taper avec grande régularité sur un morceau de tôle… et vlang et
vlang…  ce qui fait que, crispée sur ma
souris… et vlang et vlang… ma pensée a peu à peu quitté la page en priant… et vlang et vlang… pour que le Zébulon ne se
réveille pas… et vlang et vlang… incapable de faire autre chose… et vlang et vlang…  tant la chose paraissait
inéluctable.

Et effectivement… et vlang et vlang… au bout du dixième vlang et vlang… cela n’a pas manqué de
produire l’effet tant redouté par cette pauvre mère s’efforçant de devenir écrivain, du
moins blogeuse émérite… et vlang et vlang… le Zébulon dans la pièce à côté s'est ébroué, puis s’est mis à blablater dans son lit…. blablabla… et vlang et vlang… J'ai reposé la souris, abattue et bientôt envahie par cette rogne, cette colère qui vous fait soudain basculer du côté des amis du peuple à celui de ses ennemis jurés.

J’ai pensé encore une fois à la Femme gelée d’Annie Ernaux, quand elle n’avait que ses 2 heures par
jour pour potasser son Capes et que ses deux heures étaient suspendues à la
sieste effective d’un petit enfant, fragile et précaire, menacée par le moindre
coup de klaxon un peu insistant ou de tintamarre autre éclatant soudain en bas de l’immeuble. Ce
qui signifiait une journée de moins pour réviser son concours et une journée de
plus constituée que des seules tâches ménagères et des balades au square, donc une
journée nulle pour soi.

Maudit bourrin. A cause de toi, je n’ai pas pu écrire mon
billet, même pas quotidien, on dira tri hebdomadaire. A cause de toi, alors que
je me suis farcis le ménage, le linge et la vaisselle, avec un Zébulon qui en
avait ras le bol et qui s’est donc mis à jeter de la terre sur le sol que je
venais juste d’aspirer (la grande Simone parlait avec mépris du vain combat contre la poussière) accompagnant sa geste protestatrice de cris de même
protestateurs, ce qui fait que j'ai fini mes corvées dans les cris et l'énervement, je n’ai
même pas eu droit à ces deux heures bien méritées, indispensables à mon équilibre mental et à l’avenir
littéraire non pas national mais chotekien.

A cause de toi, ma journée n’aura
pas été une vraie journée, au sens, remplie de bébé et d’écriture, de corvées
et de repos, constituant ainsi ce qu’on appelle, à mon échelle, une bonne
journée, au sens où un équilibre de la terreur, entre soi et l’autre (le bébé)
a bien été respecté, ce qui fait qu’on ne va pas se coucher avec le sentiment
de n’avoir été qu’une mère et une femme de ménage. A cause de toi, Zébulon ce
soir sera fatigué car il n’aura pas fait sa sieste en son entier, il nous
pourrira donc la soirée et peut-être même qu’à cause de toi, A et moi nous nous
engueulerons, avec moi dans le rôle de la mégère frustrée et éreintée, qui
saute sur la première occasion pour, non pas le faire payer à son jules, mais
exprimer l’injustice et la frustration de sa condition (puisque le jules lui ne s’est pas farci
le ménage, ni la vaisselle, vu qu’il imprimait son mémoire et s’octroyait ensuite une petite sieste réparatrice avec
boules quiès pour avoir trimé jusqu’à 3 H 00 du matin).

Peut-être même qu’à cause de toi, si jamais d’aventure, tu
nous remettais ça demain, et après-demain, et encore après-demain, voire tous
les jours de 14 H 30 à 16 H 30, à force de fatigue et de frustration, je pourrirai tellement A qu’il finira par faire son sac à dos et se
tirer ailleurs. Peut-être qu’à cause de toi et de ta tôle, bourrin, je
retrouverai la triste condition de ma vingtaine et de ma moitié de trentaine, à
savoir la Robinsonitude absolue, tandis que toi, après avoir bien cogné ta tôle, tu
rentreras ensuite chez toi retrouver ta petite femme que personne n’aura empêché
de profiter de son feuilleton nunuche, en tapant sur une tôle et en réveillant
en conséquence ses enfants. En plus, si ça se trouve, en regardant le JT du
soir sur TF1, tu te payeras le luxe de taper en plus sur ces feignasses d’intellectuels qui n’en fichent
pas une rame car franchement, écrire un bouquin, c’est bien moins crevant que
de taper sur un morceau de tôle.

Et quand je pense que si ça se trouve, en plus, tu as peut-être voté Sarkozy comme un paquet de
prolétaires benêts qui ont cru dans ses promesses d’augmentation de pouvoir d’achat
avec fromage et dessert pour tous au Fouquet’s, une envie de meurtre se saisit
alors de moi et j’avoue que je te tirerai bien dessus à la carabine depuis la fenêtre
de cette chambre où je m’efforce d’écrire un peu chaque jour.

Sache que tu as de la chance, car je vis dans la maison d’un ami des
bêtes, ce qui signifie que nous ne chassons pas dans les bois de Montreuil ou
de Vincennes et que donc, nous n’avons pas de carabine à la maison. Pour le
moment du moins car ne t’avise pas de taper encore demain après-midi sur ta
tôle, si tu dois vraiment le faire, fais le le matin ou à partir de 17 H 00, mais
surtout PAS  de 14 H 30 à 16 H 30, sinon,
je cours m’acheter une arme dans la cité derrière le parc Montereau où paraît-il des échanges de tirs ont eu lieu il y a peu (un autre bourrin avec son morceau de tôle?) et je te
TROUE LA PEAU CONNARD !

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