Vacances j’écris rien



Ma non muse a été heureuse. On est
partis en famille 15 jours au vert, vive les vacances scolaires de A, elle n’a
pas arrêté de chanter dans les bouchons sur la route, tandis que je tentais d’organiser
par la pensée mon grand roman sur la solitude tout en agitant toutes ses
petites voitures à Zébulon hors de lui d’être ficelé pendant plusieurs heures
sur son siège.

A la campagne, elle a eu limite 2 orgasmes quand elle s’est aperçu que je ne
pouvais résister à être tout le temps dehors avec Zébulon tant il faisait vert
et beau, et que surtout, A monopolisait entièrement le portable, nuit et jour,
et que donc, je devais renoncer à écrire quoique ce soit, y compris sur mon
blog.

Je l’ai emmenée en vélo faire les
courses au village d’à côté où la caissière limite post-retraitée discutait
avec une autre post-retraitée. Elles parlaient de la crise comme on parle d’un
proche en stade terminal, le mari de la caissière a surgi des rayons pour
ajouter qu’il pensait qu’ils allaient droit dans le mur, sa femme a ajouté, mais
on est déjà dans le mur, on ne fait plus que le pousser, et elle a lâché dans un souffle dramatique… on mourra avant elle,
la crise. Du coup, j’ai vu la crise comme une dictatrice très mauvaise qui régnerait
sur ses sujets en les martyrisant comme il se doit, jusqu’au fin fond de cette
campagne qui bien qu’à 3 heures de Paris, a un côté un peu reculé.

Ce serait
maintenant,  je crois que je n’aurais pas d’enfant, a ensuite précisé la caissière, largement ménopausée.Tout le monde a opiné du bonnet, sans relever ce que cela avait vraiment de
radical comme conception, et cela a dérivé sur la pollution, qu’est-ce qu’on
leur laisse à ces pauvres petits, les sacs plastiques, les abeilles disparues, l'air pourri, et ça c'est fini sur Oradour. Car de la crise, on était
passé à la guerre (qui n’était pas une période marante non plus), et de là, à
Vassieux en Vercors (mémorial de la résistance et des massacres dans la région)
et à Oradour. Tout le monde s’est remonté le moral en passant en revue tous ces
objets laissés en place, comme au moment où le massacre a eu lieu, ça
serre le cœur, ah faut voir ça, il faut absolument, mais c'est affreux affreux.

J’ai payé la queue basse
mes petits Lu tandis que ma non muse chantonnait, du caviar, du caviar pour le
peuple… et on a retrouvé Cléa Culpa, arrivée
entre temps en stop et assise sur le porte-bagage. Elle nous a fait remarquer que
tout le monde ne pouvait pas se payer le luxe d’aller au marché comme nous, ou
dans ces supérettes hors de prix, et que la crise quelque part, elle la sentait
plus à la campagne qu’en ville, car en ville, il y a tous ces bobos (nous) qui
cachent la forêt.

Avec tout ça, j’avais pas encore
écrit une seule ligne. J’ai décidé d’abandonner, et de me consacrer à la
lecture de ces classiques jamais lus (Balzac par exemple) en une sorte d’antidote
au dernier Emmanuel Carrère qui m’avait collé un Oradour d’angoisses. Les 20
pages de description minutieuse du logis des Grandet m’ont aussitôt fait du
bien, je n’allais certainement pas être menacée par le trop plein d’émotions
que m’avait valu D’autres vies que la
mienne
.

 A la fin du séjour, ma non muse a
exulté quand Zébulon, échappant à la vigilance de sa mère qui voulait juste
enfiler son slip et ses chaussettes, a réussi à démonter un interrupteur de
lampe, histoire de se prendre le jus et de se brûler lourdement le doigt.
Panique, panique, elle a chanté, c’est la panique sur le périphérique, tandis
que nous partions battre la campagne pour trouver un médecin pour le pauvre
zébu, qui, épuisé par la douleur et les cris s’était endormi, la tête sur l’épaule
de ma non muse. Cléa Culpa, surgie entretemps, n’a cessé de me reprocher mon
manque extrêmement coupable de vigilance :

         
Mais je voulais juste mettre ma culotte, j’ai
faiblement protesté.

         
Taratata, elle a grondé, on va la fesse nue s’il
le faut tant que son petit n’est pas en sécurité…

Après
avoir fouillé la campagne, nous sommes tombés sur une caricature de non George Clooney qui a presque
engueulé Zébulon parce qu’il hurlait alors qu’il lui faisait son pansement.  Peut-être que ce monsieur au fond était
écrivain et qu’on l’empêchait chaque jour d’écrire le roman du siècle ?

Et dimanche, ma non muse a été
ravie de voir nos vacances, de retour à Montreuil, finir aux urgences où nous
avons emmené Zébulon tout ça parce que le matin, tante Dolorès a appelé et nous
a fichu l’angoisse du siècle.

         
VOUS N’AVEZ PAS ETE A L’HOPITAL ?!

         
Ben non… on a juste vu un médecin…

         
MAIS VOUS ETES TOTALEMENT INCONSCIENTS ! ET
VOUS ME DITES QUE SON DOIGTS EST ROUGE ?

         
Un peu… sur le bord quoi…

         
FILEZ ! FILEZ IMMEDIATEMENT AUX URGENCES !
A CET AGE, LES INFECTIONS VONT TRES TRES VITE !

 Ce qui fait que nous avons filé,
la non muse chantonnant, qu’est-ce qu’on s’amuse, ah lala qu’est-ce qu’on s’amuse,
on écrira plus tard, quand on aura fini d’autant s’amuser héhé… Urgences où
nous avons dû patienter 3 heures parmi une cour des miracles certes plutôt
soft. Sorte de crèche déglinguée qui avec un pansement au front, qui avec un au
doigt, qui à la tempe, tout ça se disputant les jouets et courant partout. Zébulon
a eu droit au masque à gaz hilarant qui l’a fait pousser des soupirs extatiques
tout le long de l’opération, l’interne transformant sa petite main en une sorte
de moignon blanc qu’il a ensuite regardé l’air de dire, j’avais une main avant,
elle n’était pas comme ça, bizarre.

Le soir, ma non muse est venue me
border en me disant, dans 2 semaines, tu retournes au boulot, profites en bien,
après finie l’écriture, bonjour les chiffres… elle m’a aussi rappelé de prendre
RV avec une infirmière et d’aller acheter des légumes bio au fin fond de Montreuil
pour qu’au moins, Zébulon mange bien à défaut de pouvoir se servir de sa main
droite. Je me suis endormie sur ces bonnes paroles, en me jurant de réussir à
la semer avant le début de l’été.

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