Je ne veux pas faire ma vie avec un roi du pétrole 2

Bon, je vous avais promis un récit de l’apéro avec ma mère et sa Parfaite (tête à claques), je m’y plie donc même si, justement, ça me plie en deux (la nausée).

Elles sont arrivées pile poil à l’heure, et ça déjà, ça m’énerve. Dans la vie, on est toujours en retard quand on est normal, les gens qui reçoivent comme les gens qui sont reçus. Les gens qui sont à l’heure sont les vrais mal polis. Ma mère Carla Bosse et sa fille la Parfaite sont donc mal polies.


Ma mère a commencé par faire tout le tour du château (52 pièces – 50) avant de s’écrier :

– C’est sale !

– C’est mal rangé !

– C’est sans goût !

– C’est digne d’une bohémienne !

Quelle c… Notre aïeule, sa grand-tata Sophie en l’occurrence, est peut être née à Stuttgart, Allemagne, elle n’en était pas moins Tchèque, Tchéquie, alors si c’est pas la Bohème ça.

Ernesto, mon Jiminy grenouille, a surgi comme une bombe H de derrière le frigidaire où il s’était planqué (il croyait que c’était des arracheuses de cuisses de grenouille). Il avait la bouche remplie de vers de terre que je lui avais rapportés de la forêt de Vincenniande, et Parfaite l’a regardé d’un air parfaitement dégoûté.

– Quelle horreur… mais quel est donc cette « chose » ?

A fait cette pétasse.

– Chalut cha va ?

Leur a demandé Ernesto (sans se formaliser) avant de se jeter littéralement sur elles pour leur faire un bisou à la russe (il est en train de lire les auteurs slaves à l’école des Grenouilles). Carla Bosse l’a repoussé et elle m’a dit en soupirant :

– Tu es trop vieille pour avoir un Ernesto grenouille…

– Il m’aide beaucoup, tu sais, j’ai plaidé.

– Je l’empêche de boire toute seule ! A fayoté ce salaud d’Ernesto.

– Formidable, a grincé ma mère.

– Et je repère pour elle des keums sur le web ! ! ! ! A insisté (lourdement) Ernesto.

– Plait-il ? a demandé ma mère, qui a un côté tristement collé monté et qui, en conséquence, a un vocabulaire limité à la fin du 19ème, début du 20ème siècle.

– Pourquoi faire ? A fait Parfaite en ouvrant des yeux ronds.

– Ben pour rencontrer l’âme sœur tiens pardi ! A gloussé ma bête de grenouille.

– Mais elle ne peut pas en rencontrer naturellement… dans la rue… en soirée… dans un cocktail… ? s’est étonné stupidement la stupide Parfaite.

– Non, j’ai dit, elle peut pas.

– Parce que moi je vois, a précisé cette grue, je n’ai AUCUN mal à en rencontrer… c’est fou le nombre d’hommes qui m’accostent dans la rue sous les prétextes les plus fallacieux… alors que je n’en ai pas besoin…. puisque je suis mariée ! Hihihihi !

A-t-elle éclaté bêtement de rire. Gourde. Cruche. Maudite.

– On ne prête qu’aux riches… j’ai grommelé.

– Et ce prince, le prince Marcellin de Salicorne… a dit ma mère d’un air intensément pensif, il t’a emmenée au macdo comme promis… pour peut être, qui sait, on peut toujours rêver, tout est possible (etc), te déclarer sa flamme… ?

– Il est mort, j’ai répliqué.

– Non ? ! A-t-elle sursauté.

– Non, je rigole, j’ai rétorqué.

– C’est en effet très drôle, a répondu d’un ton glacial ma mère.

– Il est comme mort, j’ai précisé, vu qu’il travaille dans le pétrole.

– Je ne vois pas le rapport ! S’est exclamé Parfaite.

– Je ne peux pas faire ma vie avec un roi du pétrole, j’ai grogné, IMPOSSIBLE !

– Mais POURQUOI ? A glapi ma mère. Pourquoi PAS ?

– Parce que ce sont, ce sont de de… vilaines gens ! J’ai bégayé en désespoir de cause.

– De vilaine gens… a articulé lentement ma mère.

– Oui ! J’ai presque crié. Ils exploitent des pays entiers !

– Avec leur accord, a finement fait remarquer Parfaite.

– L’accord de leurs gouvernements corrompus ! J’ai rétorqué. Et ensuite, le pétrole, c’est la guerre !

– Cette lumière, cette eau chaude, ce frigidaire que j’entends ronronner sourdement, n’est-ce pas du au fruit maléfique du pétrole ? A déclamé Carla Bosse.

– Peut être, j’ai admis, mais de là à épouser un roi du pétrole…

– Je vois, le sans grade est toujours innocent et la conscience de la duchesse, blanche comme neige, a ricané ma mère.

– Vous avez pas autre chose à raconter ? A râlé Ernesto. C’est d’un chiant votre conversation.

– Salut la compagnie !

C’était mon père, le grand professeur Colza qui venait d’arriver sur son vélo à propulsion hydraulique, ce qui fait qu’il était trempé jusqu’au caleçon et qu’il a commencé à mettre de l’eau partout sur mon parquet non ciré. Il s’est assis sur les genoux de ma mère et il s’est mis à la bécoter follement.

– Tryphon ! A protesté vigoureusement Carla Bosse. Qu’est-ce qui vous prend ? ! Même après un mois de mariage, vous ne faisiez pas cela !

– Je fais des essais sur le courant électrique ! Il a gloussé. Tous les courants électriques !

– Je ne vois pas le rapport ! A protesté ma mère.

– Le courant électrique, c’est de l’électron en mouvement, or tout est électron et le baiser plus particulièrement !

– N’importe quoi, a grogné Parfaite.

Qui n’aime pas mon père au motif que ce n’est pas son père. Stupide.

– Tu as emmené ta poupée ? A dit mon père à ma mère en désignant Parfaite. Elle a pas ses enfants à cuire à cette heure ci ?

Mon père a parfois des problèmes de vocabulaire, ses électrons sont un peu mal organisés et ils sèment ainsi la pagaille dans ses dires.

– J’ai un mari PARFAIT qui s’en occupe, a rétorqué froidement Parfaite, et qui plus est, j’avais envie de voir ma SŒUR.

– Elle est pas là, j’ai grommelé, elle est restée bloquée dans le moule.

– Marie ! A protesté ma mère. On ne parle pas ainsi à sa sœur, le fruit de mes moullailles !

– C’est prêt, a crié Ernesto à ce moment, j’ai servi l’apéro !

– Comment vas-tu mon grand ? A fait mon père en prenant ma grenouille de conscience sur les genoux.

Il en raffole parce que c’est une marionnette. Ernesti avait servi du Chianti dans les verres à dent avec des morceaux de pain trempés dans l’eau des cornichons. Il s’est mis à ronronner sur les genoux de mon père qu’il appelle Papitry.

Je vous passe bien sûr les commentaires des unes, et les blablas des autres au féminin toujours, sur l’apéro de ma petite grenouille et mes verres à dents comme verres. Parfaite s’est ensuite lancée dans un énorme solo, comme elle a l’habitude, on appellerait ça bœuf en jazz, sauf que là, c’était juste cacaphonique. Mon père, sans gêne aucune, a sortit son compteur à blabla, et l’a posé sur la table, juste sous sa bouche, à la Parfaite. A la fin, alors que je commençais à m’endormir en pensant au petit prince Sacha qui m’avait appelée pour me dire qu’il voulait venir en Inde avec moi, oui, non, j’ai entendu Parfaite énoncer ceci :

– Bref, tout ça pour dire que tout le monde a dit que j’étais géniale et que je t’invite à une fête au manoir de Glace-nichons, pour une super fiesta destinée à saluer mes premiers pas dans la fiction documentaire…

Hein quoi pardon ?

– Parfaite est en train de dire qu’elle t’invite dans une superbe fête où tu pourras peut être, qui sait, on peut toujours rêver, allons y, soyons fous, tu rencontreras peut être le gagne-cœur de ta vie… a traduit aimablement ma mère.

– Mais j’ai pas envie, j’ai commencé par dire, pas du tout envie moi !

– Chouette ! A fait Ernesto qui a surgit de derrière le frigidaire où il se remise souvent car il y fait tropical, c’est quand ? !

– Sameudi-diss-septeu-join, a articulé cérémonieusement Parfaite. Mais tu n’y es pas invité !

– Bien sûr que non ! S’est exclamé la grenouille. Mais pour Marie, c’est une sacrée occase !

– Vas y ma chérie, a dit mon père, tu feras peut être des expériences intéressantes, qui sait…

Et pour qu’ils dégagent tous mon appartement et que je puisse enfin au moins jouir un peu de cette solitude qui fait qu’on est peut être seul mais parfaitement soi-même (absent et invisible aux yeux des gens heureux), j’ai du promettre que oui, j’irai, habillée en décence et coiffée avec des cheveux sages.

Je me suis dit que je trouverai bien un moyen d’y échapper le moment venu.

2 thoughts on “Je ne veux pas faire ma vie avec un roi du pétrole

  1. Reply Emir Juin 14,2006 12:18

    Salam!

    Je suis un roi du pétrole et je suis quelqu\’un de très bien. Je gagne honorablement ma vie et je n\’exploite personne. Je suis un petit Emir qui gère 50 employés, tous ont des chèques déjeuner, des vacances payées et une place par an à l\’Opéra. Je pense que l\’on a besoin du pétrole pour vivre, on a besoin de moi et j\’en abuse pas. Vous devriez me rencontrer et vous changeriez complètement vos préjugés. Je connais un éducateur spécialisé atroce, une assistance sociale ignoble et une chargée de mission auprès de sidéens très très méchante.

    Je vous embrasse

    Emir, petit roi du pétrole :zzz

  2. Reply la2nio Juin 16,2006 00:09

    Hello
    ma mère à moi elle a pas dit \ »c\’est digne d\’une bohémienne\ » quand elle est venue dans mon château, elle a dit \ »c\’est ziganesque\ ». On pourrait peut être organiser un bal avec Ernesto en chambellan pour les présenter les reine Chotek et reine la2nio? :zzz
    Biz à la princesse !

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