Les enfants de Louxor

Il a dit plus que chanté ses enfants de Louxor, gracieux, misérables et immortels, volés comme on vole le feu aux Dieux, à cette lumière si belle de la vallée des rois et des reines, quand la pierre devient ocre au soleil du soir et que le Nil se met à ressembler à un serpent de feu.

L’Egypte lui a conquis le cœur, venant habiter de ses lumières, ses chansons de poète parigot, mais il n’aura pas vécu si vieux que les Dieux, pauvre Bernard Dimey… Il est mort à 50 ans, sans le sous et solitaire, avec sa bouteille de vin rouge comme une petite barque pour traverser sa vie plutôt obscure et y demeurer entier, malgré tout.

 

Quand je sens certains soirs, ma vie qui s’effiloche

Qu’un vol de vautours s’agitent autour de moi,

Pour garder mon sang froid, je tâte dans ma poche

Un caillou ramassé dans la vallée des rois

Si je mourrais demain, j’aurais dans la mémoire

Le dessin impeccable d’un sarcophage en or

Et pour m’accompagner au long des rives noires

Le sourire éclatant des enfants de louxor

Au fonds de soi, je sais qu’il faut descendre

A pas lents, dans le noir, sans lâcher le fil

Calme et silencieux, sans chercher à comprendre

Au rythme des bateaux qui glissent sur le Nil

C’est vrai, la vie n’est rien, son songe est trop rapide

Mais j’aurais aimé pourtant bâtir ma pyramide

Et que tous mes amis puissent dormir dedans

Combien de papyrus enroulés dans ma tête

Ne verront pas le jour… où seront oubliés

Aussi vite que moi… ma légende s’apprête

Je suis comme un désert qu’on a mal fouillé

Si je venais à disparaître, je n’aurais plus la crainte

Du bec du vautour, de l’œil du cobra,

Ils ont régné sur tant de dynasties éteintes

Et le temps, comme le fleuve, à la force des bras…

Les enfants de louxor ont quatre millénaire

Ils dansent sur les murs, toujours de profil

Mais savent sans effort s’arracher aux pierres

A l’heure où le soleil se couche sur le Nil

Je pense m’en aller sans que l’on remarque

Ni le bien ni le mal que l’on dira de moi

Mais je déposerai tout au fond de ma barque

Le caillou ramassé dans la vallée des Rois

Bernard DIMEY, Le milieu de la nuit

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