Requiem pour tartes à la crème

Une semaine que super Nana avait été enlevée et rien n’avait bougé sur ce front là. On sondait les fonds de l’océan atlantique à la recherche des macchabés du Rio-Paris, en évitant de trop penser aux images glauques soulevées par ce sondage, mais naturellement super nana n’y figurait pas. De même qu’au procès de madame Vivagel ou sur les plateaux télé des soirées électorales, pas de super nana en vue.

Nous nous étions organisées dans l’attente. Cadette était devenue super cadette étant donné que moi, mon âge, ma maternité, mes insomnies, mon blocage neuronale qui me faisait prendre un 3 pour un 6, mon ambition d’écrivain rentrée, ne me permettait certainement pas de devenir super aînée. Benjamine était restée benjamine, d’autant plus qu’elle nous avait annoncé qu’elle comptait quitter la place le 30 juin à 18 h 00 pétantes. En effet, elle avait bien réfléchi, entre l’enlèvement de super nana, mon spleen d’employée de bureau (mais surtout d’écrivain à ambition rentrée je le dis et le répète) et l’énergie déployée par super cadette qui super tenait le bureau, elle n’avait pas envie de finir « comme ça ».

           Comme quoi ? J’ai demandé mal à l’aise.

         Ben euh… comme toi… euh je veux dire pas toi,toi, mais toi, les autres…

         C'est-à-dire ? J’ai insisté, me préparant au traumatisme.

         Eh bien… tu rentres à 26 ans, pleine de projets créatifs en tête, toi l’écriture, moi le documentaire, en se disant que c’est super le pied, voilà un boulot qui va te permettre de gagner un brin ta vie, et puis…

         Et puis ? j’ai haleté.

         Et puis… tu en ressors à 60 balais, complètement lessivée, sans avoir fait paraître autre chose qu’une nouvelle dans une revue diffusée à 100 exemplaires… ou alors un docu visionné que par ta famille et tes amis… et encore, si t’as trouvé les moyens pour louer une salle et acheter un écran blanc de taille normale… à moins que tu ne te fasses kidnapper à la veille de la veille de ta préretraite, cf super nana. Tu vois ?

         Je vois… j’ai marmonné.

         Mais ne le prend pas pour toi Marie ! A protesté avec vigueur Benjamine. Je sais que tu as publié pour de vrai ! Et puis que tu as eu un adorable bout de chou, ça compte ça aussi !

         Des bouts de chou, beaucoup en ont par ici… a émis super cadette super pince sans rire.

         Oui mais Marie, c’était inespéré ! A presque crié la Benjamine. C’était comme… comme un miracle !!

         C’est pas tout ça, j’ai coupé court, mais y a la cérémonie des adieux qui commence là haut.

Discussion close. On est monté assister à la cérémonie des adieux. En effet, une des huiles évaporée le jour de la Pentecôte, s’était dévaporée quelques jours après, mais pour nous annoncer qu’au vu de son bulletin de santé, elle s’en allait finir son peu de vie au cimetière des éléphants. En effet, Gustave Chopin, car tel était le nom de l’huile, se trouvait atteint d’une maladie incurable, mais vraiment incurable, que le crabe à côté avec sa chimio et sa radiothérapie c’était de la rigolade, et donc, il se voyait dans l’obligation de cesser ses fonctions de grand gourou du syndicat du crime ès lettres, pour un poste que lui-même qualifiait de super croque-mort du cimetière des éléphants.

Malgré qu’un départ de ce type, c’était pas franchement l’hymne à la joie mais bien plutôt la marche funèbre, il avait décidé de quitter la place tête haute (malgré la maladie qui la lui faisait dodeliner), en sabrant le champagne tout en prononçant quelques mots d’adieux agrémentés de quelques ultimes piques à ceux et à celles (nombreux) qu’il avait dans le tarin.

Avec tout ça, je veux dire notre conversation sur le pourquoi du comment du départ de la Benjamine, on avait raté le discours, ce qui fait qu’on est arrivé pour trouver les gens le regard embué, mais la main déjà sur la coupette, tandis que démarrait le grand bal des hypocrites, le requiem des tartes à la crème comme a grincé super cadette qui avait composé de bonnes et belles valses avec monsieur Chopin.

Ça a commencé fort avec Mauricette, en charge des tables rondes sur le livre sa vie son œuvre sa suicidation par le numérique etc, qui a étreint sauvagement contre son opulente poitrine le pauvre Gustave Chopin (déjà malmené par la maladie qui lui liquéfiait le muscle) en bramant : « ah Gustave, ah… jamais JAMAIS je ne vous oublierai… ». Quand on sait que Mauricette avait juré d’avoir sa peau en raison de ce qu’il lui avait mis au dessus du chef, une sur-chef de département, et qu’elle s’était même vanté, lorsque la maladie du Chopin s’était sue en place publique, d’avoir consulté juste avant un scientologue vaudou qui visiblement avait de l’efficacité dans les aiguilles… ça faisait franchement courtisane pas gênée à l'entournure de ses gros nénés.

Monsieur Chopin s’est poliment dégagé du 110 D de Mauricette, en lui marmonnant un je n’en doute pas, je n’en doute pas, reste à savoir sous quelle forme votre non-oubli se fera… Ca s’est poursuivi par des toasts portés par ceux et celles qui l’avaient régulièrement insulté conspué (derrière le dos), voire haï, car Dieu sait si Gustave Chopin pouvait être haïssable quand il vous faisait passer au tableau en réunion de service pour moquer avec jouissance vos incompétences ou vos approximations. On lui comptait plusieurs victimes, dite de harcèlement moral certes non franchement avéré mais parfois assez fondé, dont une madame Petitbois devenue depuis d’une paranoïa et d’une susceptibilité himalayesque qui la rendait franchement imbuvable (même si la réalité objective des faits oblige à admettre qu’avant son harcèlement par Gustave Chopin c’était déjà là une indigeste personne).

          C’est étrange, ai-je murmuré à super cadette, j’ai l’impression que seuls ceux qui le détestaient bas et fort trinquent avec lui…

          Que des hypocrites, a-t-elle grincé, on avait le droit de le haïr mais bon, de là à aller ensuite trinquer avec lui…

          La mort ça calme peut-être ? S’est enquit la benjamine.

          Ça me rappelle Xu, j’ai gloussé, comme petit tracas, il y avait « être aimé parce qu’on est mort »…

          Mais ce n’est pas un tracas ! Ont protesté mes deux collègues.

          C’est ce que soulevait un des protagonistes de la pièce et…

A ce moment là, Mauricette a mis le cap sur nous et attrapant la cadette par le bras, elle a roulé des yeux luisant d’émotion difficilement contenue.

            Oh mon dieu seigneur, je l’ai touché sans faire exprès en mettant mon bras sur son épaule… il est si maigre… on     dirait… on dirait sentir sa sa sa…

          Sa canne ? Je l’ai poliment aidée car super cadette avait enfoui son nez dans sa coupette.

          Non ! Pas ça ! M’a lancé d’un ton méprisant Mauricette. Sa… sa m.

          Mère ?

          Non ! Non ! Sa m.

          Main ?

          Non ! Sa m.

          Mauricette, a alors lâché super cadette qui n’en pouvait visiblement plus, ce n’est pas avec votre bras que vous l’avez touché, mais avec votre sein, or je doute qu’un sein sente la maigreur d’un homme même malade !

          Sa m. Restait bloquée Mauricette. Sa m. Sa m. Sa…

          Ah mais c’est la petite Marie qui est de retour… petite Marie, je reviens du ciel et les étoiles ne me parlent que d’elle…  

Mon Dieu. C’était Gustave Chopin. Qui fonçait sur moi (enfin si on peut foncer avec une jambe raide des mains quasi inertes et une canne). Tout en chantonnant du Cabrel. Je me suis raidie, attendant la vacherie car je ne voyais pas du tout ce qui pouvait provoquait une telle démonstration à mon endroit chez monsieur Chopin que je n’avais fréquenté que le temps de signer avec délectation mon départ en congé zébuloniste, mais peut-être après tout que cette maladie horrible s’en prenait aussi finalement à la raison de ses victimes et que Gustave Chopin était en train de péter un plomb ? Et il fallait que ça tombe sur moi !!

SUITE AU PROCHAIN NUMERO EH OUI DESOLEE C'EST COMME CA!

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