Que va-t-on faire de Bécassine ?

D'une certaine façon, la semaine a été calme.
 
On avait fini par abandonner tout espoir de revoir super Nana, du moins en lieu et place du syndicat du livre ès lettres. Notre indic de nouveau chef nous a juste indiqué qu'elle aurait été aperçue sur une plage de l'Atlantique avec une plage de surf, ce dont nous avons douté car super Nana n'était pas super sportive et aurait bien trop craint, à l'aube de la veille de sa préretraite, de se briser bêtement le tibia ou le poignet, voire carrément de décéder stupidement avec, bien cachés au chaud au fond de sa combi, ses 38 trimestres de cotisation. Quant à Joseph l'indic, ainsi que nous l'avions appelé, il nous a fichu une paix rare car il avait d'autres chats à fouetter.
 
Il s'est avéré en milieu de semaine que les dits chats ressemblaient étrangement à une partie de chaises musicales post-européennes. Jo l'indic gardait l'œil rivé sur son écran avec en oreillette France info en continu, et quand Nicolas Ier a prononcé son discours de grand perruqué post-moderne à la cour de Versailles, il s'est enfermé à double tour dans le bureau.

  • D'ici à ce qu'il remplace le Pommier à la revue de presse de France Inter… a marmonné super cadette.

Car si la semaine pour nous était cool, ce n'était pas le cas pour tout le monde. Charlie Tango, le petit dictateur anti-barbichu, avait effectivement été propulsé à la direction de France inter après plusieurs semaines de flou (le goût de cette sorte de mystère pacotillesque me dépasse) et avait commencé de suite son travail de petit dictateur avec sa tête de maniaque échappé du ministère de l'information sous le IIIème Reich, en virant comme un qu'on trouve dans le lit de sa femme, le Pommier de la revue de presse de 8 H 30.

  • S'il vire le Guillon, je boycotte! J'ai lancé avec un ton digne de Jeanne d'Arc montant quatre à quatre son échafaud.
  • Me fait pas rigoler du tout moi ce gars, a pesté super cadette.
  • Eh bien moi si! J'ai vibré. Enfin, pas tout le temps mais suffisamment pour que je prenne cette grave décision…

Que je ne prendrai pas plus d'une semaine, car sans télé et avec juste les journaux parcourus comme on effeuillette des soldes pourris (pléonasme), je ne tiendrai pas longtemps en cette ère où il faut être au courant de tout ou presque pour exister.
 
A ce moment là, Jo l'Indic a surgi en braillant de son bureau.

  • C'est injuste! C'est vraiment trop injuste! C'est Grace Kelly qui a eu le Poste! C'est Dégueulasse! Salope! Chienne! Vendue!

Etc. Avec les filles, on s'est regardé, abasourdies. Mais Jo l'Indic avait déjà filé, en poursuivant sa harangue… que l'on a entendu progressivement décroître au fur et à mesure où Jo l'Indic s'éloignait du bâtiment.

  • M'est avis qu'on est à nouveau sans chef de bureau… a dit pensivement super cadette.
  • Mais qu'est-ce qui lui a pris? J'ai gloussé. Comment une reine morte pourrait-elle lui voler un poste?
  • Les filles, on a un nouveau ministre de la Culture… nous a annoncé Benjamine qui s'était connectée sur valsedeschaisesmusicales.com. Il s'agit de Freddy Mitrand!
  • Ra ben mince alors, s'est écrié super cadette, moi qui pensais qu'on allait récupérer Jack Tongue!
  • C'est plutôt pas mal non… a émis d'un ton interrogateur Benjamine.
  • A voir, a répondu super cadette, de toute façon, ce sera toujours mieux que l'autre nunuche… exit donc Bécassine…

Pauvre Bécassine, que la France entière avait pu voir le soir des élections opiner vigoureusement du bonnet en souriant comme Chantal Goya à son premier récital, la frange suivant le mouvement du oui-oui-oui comme chez Mireille Mathieu, derrière un super trou duc en train de faire bisque bisque rage aux opposants de son parti, l'Union des Méprisants Politiciens. Pauvre Bécassine, qui avait dû défendre un projet parfaitement mal fichu anti-populaire et stupide mais porté à bout de bras comme le calice suprême par Nicolas Ier. Pauvre Bécassine, gentille et rigolote paraît-il, qui était toujours au courant la dernière des réformes concernant son ministère, telle la suppression de la pub sur les chaînes publiques, elle qui quelques heures avant défendait encore l'idée d'en introduire plus sur les radios, et qui devait néanmoins prendre la grosse baffe en continuant de sourire telle Chantal Goya (encore elle) à son ultime récital.
 
Bref, tout ça pour ça. Elle eut été mieux à Versailles ou à continuer à écrire les discours lyriques du Jacquot dans son virage de cuti révolutionnaire, le pouvoir, pourquoi pas mais faut y regarder à deux fois pour pas se fourvoyer moi je vous dis (moi à qui personne ne risque jamais de proposer le moindre maroquin).
 
On est sorti du bureau, pour trouver tout le personnel très agité dans la cour des lieux. Les clients du café restaurant étaient montés sur les tables pour mieux regarder le spectacle. Quel spectacle ? Eh bien, notre Jo l'Indic en train de lacérer le drapeau national en psalmodiant salope, salope, c'était à moi d'avoir ce poste, Carla m'a dit, m'avait dit, me l'avait dit… Il a fallu, pour le maîtriser, plusieurs auteurs futurs boursiers saisissant l'occasion de marquer des points, plus quelques éditeurs pensant ainsi se voir accorder l'effacement de leurs dettes, et on l'a enfermé dans la chambre froide du resto pour qu'il se récupère un peu avant l'arrivée des secours culturels.

  • Mais que va-t-on faire de Bécassine? A demandé quelqu'un.
  • C'est pas notre problème! Avons-nous tous protesté en chœur.
  • Eh bien si! A glapi une voix.

Nom de Proust. C'était Gustave Chopin, qui a fait théâtralement son entrée dans la cour, en boitillant avec sa canne et l'air aussi harassé que s'il venait d'écoper de 3 ministères à la fois, alors qu'il était censé attendre la dame en noire au cimetière des éléphants.

  • Si! A-t-il repris. Car il faut trouver à Bécassine un point de chute…
  • Mais pas parmi nous! A protesté le délégué CGT. On n'a pas la place et madame la Ministre de toute façon ne s'abaissera pas à venir pointer chaque jour ici bas!
  • Madame feue la ministre, a repris Gustave Chopin, sa voix hoquetant quelque peu, est fatiguée… elle veut juste trouver un poste pour aller jusqu'à la retraite…
  • Mais elle n'a que 54 ans! A protesté super cadette.

Comme super nana tiens.

  • Elle a pris trop de coups, a expliqué Chopin, Hadopi ça a été le pis de grâce…
  • Mais euh… j'ai demandé d'une voix faible. Vous allez lui confier quel poste? Secrétaire général?
  • Vous plaisantez j'espère? M'a vertement tancée Gustave Chopin qui, du coup, en a eu comme un regain de vigueur. Vous croyez que c'est un poste peinard pour attendre la retraite?
  • Non mais… j'ai balbutié. Je ne vois pas trop ce qu'une ex ministre pourrait…
  • Jo l'indic est au frais, m'a coupée le Chopin, les gars de la Défense, ils ont les nerfs trop fragiles pour la Culture, vous voilà donc de nouveau sans chef de bureau, n'est-ce pas…

Avec les filles, on s'est regardé. Abasourdies pour la seconde fois de la journée. Bécassine. Bureau des chiffres et des lettres. Cherchez l'erreur.
 
La semaine n'a pas été si calme que cela, en fait.

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