Le suprême rien

En été, il se passe un phénomène curieux : il ne se passe plus
rien. L'information toujours très fournie en dehors des mois de juillet et
août, se tarit d'un coup. Je suppose que les guerres, les crises, les conflits
ethniques, les réformes ou du moins leurs conséquences sur notre société, tout
ceci s'arrête bien poliment passé le 30 juin, pour reprendre à la rentrée
(prévoir reportages de fond sur achat du cartable et des protège cahiers avec
courbe d'évolution du coût du panier de la ménagère à écoliers, sans oublier
interview de la dite ménagère expliquant pourquoi cette année elle a encore une
fois dû réduire ses dépenses, au risque de faire sacquer ses mioches par
l'instit très à cheval sur le respect de ses desiderata ultra-déterminés en
matière de fournitures).
 
Merci néanmoins aux ouvriers de New Fabris à Châtellerault et à la grippe A de sauver les
meubles de la science media… et merci aussi à notre vénérable Nicolas Ier de
tourner de l'œil dans sa propriété de Versailles en en arpentant
scrupuleusement par + de 30 degrés les allées bouillantes de ses grolles de
coureur du dimanche. En effet, sur France inter ce matin, alors que
j'atteignais péniblement la cuisine à 8 h 00, commençait le premier
reportage sur Le malaise du président, avec pied de poireau de journalistes devant
le Val de Grâce où la plus anonyme des aides soignantes se retrouvait
transformée en une star du moment, parce que dans le secret des Dieux, du moins
présente dans le Temple où un Dieu s'efforçait de recouvrer ses esprits (mes
sels vite)… et quand je suis enfin partie retrouver mes chiffres, à 8 H 30
bien passés, eh bien on était toujours devant l'hosto des verts de gris avec
cet art des medias dont je devrais m'inspirer, qui est de rien, de faire du
plein.
 
Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer ici quelques brides de ces
passionnants reportages.

Le journaliste d'un ton grave et pénétré : Monsieur Dugenou, vous êtes médecin spécialiste du sport, pouvez-vous
nous en dire un peu plus sur le malaise de notre grand petit homme ?
 

–         
Eh bien,
il s'agit de ce qu'on appelle communément un malaise vagual… vagual j'ai bien dit
… malaise qui survient lorsque vous additionnez chaleur + fatigue + pollution +
croissants gras du petit-déjeuner… + grossesse ?… non non le Président
n'est pas enceint enfin je ne pense pas… même si tout est possible avec Lui… la
grossesse serait alors, si grossesse il y a, nerveuse, car Nicolas Ier est
d'une extrême nervosité… concernant
ce malaise plus précisément, je ne peux en dire plus, il vaut mieux s'adresser
à un spécialiste du palpitant vu que moi j'opère que les genoux…
 
Le journaliste tout frétillant, se saisissant de cette nouvelle
perche : Monsieur Tictac vous êtes un cardiologue émérite bien connu de
tous les cardiaques de France, pouvez vous nous nous en dire un peu plus sur ce
malaise présidentiel dit vagual?
 
–         
Eh bien
cela est très simple, cela vient de valgus qui veut dire valve sisi et cela
signifie que soumis à une forte chaleur et non moins forte fatigue
essentiellement nerveuse engendrée par 150 voyages de ci de là sans oublier
1650 apparitions en tout lieu et 16890 interventions diverses et variées allant
du matage d'un rassemblement d'épiciers dans le maquis à l'organisation en
personne du concert de Johnny Affelou sans oublier le gras des croissants où en
étais-je… ah oui, en bref, la valve du cœur droit clapote et se ferme d'où
coupure du réseau, délestage impératif pour cause de sur-saturation de
l'ensemble et pof on choie on tombe on s'évapore…  c'est clair non ? pour le reste, je veux
dire, pour ce que cela signifie exactement d'un point de vue signifiant, moi je
ne suis que cardiologue, je m'occupe de la machine donc adressez vous aux
spécialistes intellos pour en savoir plus…
 

Le journaliste, qui commence à se sentir un chouille baladé, mais qui
reste stoïque : Monsieur Cogito vous êtes un philosophe bien connu des
plateaux télé… pouvez vous nous en dire un peu plus sur le sens profond que
revêt ce malaise que l'on qualifie de vagual et qui ne serait pas qu'un banal
phénomène physique…
 

–         
Eh bien…
cela signifie que Nicolas Ier est avant tout un être humain comme les autres
qui obéit à cette loi qui veut que tout corps soumis à une trop forte chaleur
additionnée de Co2 et de gras de croissant, sans oublier la fatigue d'une fin
d'année scolaire, tombe… concernant l'émoi suscité par ce malaise jusqu'au fin
fond des bergeries des causses cévenoles, eh bien cela signifie que Nicolas Ier
ayant le monopole symbolique de la fonction politique, lorsqu'il court puis
tombe dans les pommes, c'est un peu chaque Français qui ahane dans la côte et perd
connaissance… et surtout se sent déboussolé car le père est par terre et nous
n'irons plus au bois lalalallalala… à propos de père, faudrait voir à
interroger un spécialiste de la chose… un psy quoi.
 
Le journaliste, de plus en plus essoufflé mais qui continue néanmoins
bravement sa course vertigineuse dans le vide : Monsieur
Lacantuserasgrand, pouvez vous nous éclairer a minima sur les tréfonds sans
doute inconscients qui sous-tendent ce malaise présidentiel ?
 
–         
Oedipe,
c'est clair… c'est Oedipe qui a fait le coup… Œdipe a voulu tuer le père ce
dimanche là, car Œdipe voulait se taper Carla… et par ailleurs, ce malaise nous
renvoie à cette condition d'un homme qui veut être à la fois le père de 66
millions d'enfants, l'amant d'une gigasse aux appétits latins, tout en étant le
fils qui a tué le père symbolique (Chichi) pour se hisser à la force de ses
petits mollets sur un trône qu'il veut occuper sans discontinuer jour et nuit…
sans oublier que son père biologique à lui, l'évaporé, l'a abandonné à l'âge
tendre, alors voilà, y a malaise, y a forcément malaise… mais il faudrait
interroger les astres pour savoir ce qu'il sortira de cette complexité de liens
père fils père dans lesquels eh bien je me perds…
ahahahahahahahaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa
 
Le journaliste, pas loin du malaise vagual, mais qui s'accroche aux
astres : Madame Soleil, que pensez-vous du fait que ce malaise soit
intervenu le 26 juillet alors que saturne amorce une chute dans le décan de la
vierge ?
 
–         
Ça
signifie que ça pouvait pas être le décan du cancer, et que si c'est Saturne,
ça pouvait pas être Mars ou Jupiter. Après, tout ça c'est de la politique et la
politique, c'est pas mes oignons… faudrait demander à ses adversaires, s'ils
n'ont pas tous été jetés en prison pour tentative d'assassinat.
 
Le journaliste, assis sur une civière devant l'hôpital militaire, avec
un tensiomètre accroché au bras : Madame Royal, Nicolas Ier a été votre
prétendant euh concurrent il y a deux ans à l'élection présidentielle quelle
morale tirez-vous de ce malaise vagi euh vagual ?
 
–         
Je dirai
que ce n'est pas là ce que j'appelle l'ordre juste. Quand on a 54 ans, que l'on
est natif du verseau d'origine austro-hongroise, on ne va pas courir comme un
freluquet par 30 degrés à l'ombre comme si on était une sorte de sur-homme qui
ne craint ni le chaud ni le Co2 ni le gras de croissant… ce n'est pas bien, ce
n'est pas responsable, ce n'est pas ce que j'appellerai faire preuve
d'humanitude… non… c'est robotoïque à souhait, je demande que le Président
démissionne immédiatement, moi, Ségolène Royal, si je suis élue, je m'engage à
ne pas faire de jogging par 30 degrés fahrenheit, je ferai tout au plus le tour
du pâté de maison en tutu rose… démission, j'exige ! démission mon cochon !
 
Enfin, à bout de course, le journaliste ayant réussi à plaquer au sol
une malheureuse aide-soignante qui s'en allait vider les haricots des super
patients du lieu… : Madame Rosa, vous êtes aide soignante au Val de grâce,
pouvez-vous nous en dire plus sur l'état de santé de Nicolas Ier, de grâce, donnez nous des
détails !!!!
 
–         
Ye dirai
que le président va aussi bien qué possiblé… é un humbre charmant qui a mangé
tout son plateau télé… sans télé… car les médecins y ont dit que la télé elle
pouvait l'énerver avé le tour dé Franche et les flonflons autpur… s'il a été
aux cabinets ? écoutez y ne pas vraiment droit de vous le dire… c'est
quand même un secret d'Etat que le caca du président et pis je vais vous devoir
vous laisser… avé la réforme des hôpitaux ye suis seule pour nettoyer les 305 chambres
de malades… yé aussi 305 haricots à vider avant lé déjeuner… hava la vista !
 

Au fond j'imagine que Nicolas Ier, si soucieux de l'intérêt de ses amis
(dont quelques grands patrons de presse) s'est creusé la cervelle pour trouver
de quoi alimenter leur moulin à infos et a ainsi décidé d'aller gambader par 30
degrés sur fond de pollution le dimanche après le brunch afin d'être l'objet
d'un petit malaise qui sauverait ainsi l'Information du moment.
 
Franchement, je ne vois pas d'autres explications à cette incongruité
parfaitement imbécile qui est d'aller courir en plein cagna un dimanche en fin
de matinée dans une zone polluée (car même quand on est le guide suprême, on
n'échappe pas à la surdose de Co2 des belles journées d'été franciliennes). A
moins que ce n'ait été pour ravir la vedette au maillot jaune du tour des toxicos
à pédales qui s'apprêtait à franchir la ligne d'arrivée ? Qui sait…

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