Fuir


Nous n'avons fait que fuir. Nous cogner dans les
angles. Nous n'avons fait que fuir. Et sur la longue route, des chiens
resplendissants deviennent nos alliés…

J'ai démarré cette
journée sur fond d'un vieux Cantat and co, cru peu connu d'avant qu'il ne tape
la tête des femmes à Vilnius sur un radiateur avant de les abandonner sous un
oreiller. J'aimais ce titre, longue mélopée aux accents parfois désespérés de
quelque 20 minutes, pas le genre c'est sûr à vous pousser à le faire enfin ce
bilan de compétence depuis les années que vous en parlez, mais bon, les odes
nihilistes ont parfois aussi ce côté revigorant qui vous font monter dans le
métro avec la force de celle qui a tout compris de l'inanité de ce monde.

Côté ravigoration, je
suis arrivée pour recevoir à pleine main un dossier que Bécassine m'abandonnait
avant de filer à une table ronde sur la lecture numérique (tu sais Mimi, tout
Zola en texto sur ton portable…), car concernant ce dossier, il fallait faire
vite, façon Jésus Christ en vacances à Lourdes car le manant (comme disait
Bécassine) avait déjà fait la danse du tapis au Ministère qui nous l'avais
aussitôt transmis, selon la procédure démocratique en vigueur du Qui peut nuire
doit être aussitôt écouté, la carrière (le poste, la réélection) de tout à
chacun étant en jeu…  sauf concernant le
pion (moi) qui en bout de course n'avait rien à perdre et qui, en conséquence
de quoi, s'y collait.

Je me suis néanmoins
immergée avec bon cœur dans l'affaire car ça me changeait de mes copier-coller
(informatique rime avec danse classique), quand l'idée m'a prise de passer un
coup de fil à Aveline, partie au fin fond du Berry dans une des demeures de sa
mère (qui en est à 3 mariages) en compagnie de son semi-Maori (motivé par
l'idée de visiter cette contrée de réputation magique au point que l'on y
trouvait encore des sorcières à balai et des sorciers à Ipod) ainsi que d'une
série de demi-frères et sœurs désireux d'être dans ses jambes pour l'aider avec
sa paire de.

J'ai lâché l'Urgent
Potentiellement Nuisible  et dring dring,
j'ai fait sonner longuement en rase campagne. Une voix de femme m'a répondu.
J'ai eu un haut le cœur en me semblant reconnaître la voix de la non cupidone
de Soledad.



–         
Allo !
Qui est à l'appareil ?!
–         
Euh, c'est
Mimi… je cherche à joindre Aveline…

Ai-je lamentablement
bredouillé.

–         
L'est pas
là ! A répliqué la voix désagréable.
–         
Savez-vous quand
pourrai-je l'appeler ?
–         
Non !
–         
Mais… elle
n'est pas là ? Elle est partie  ?

No panic. Une mère d'une
paire de 3 mois ne pouvait pas être bien loin.

–         
Nul ne le
sait ! A ricané la voix.
–         
Comment
ça ?!
–         
Aveline a
disparu !

La voix avait l'air
satisfaite, du genre, je vous l'avais bien dit, une paire de à 40 ans, c'est de
la goinfrerie.

–         
Non……….. ?
–         
Pfuit !
Comme ça ! Envolée !
–         
Et ses
filles ? Envolées avec elle ?
–         
Vous êtes
sourdes ? Vous ne les entendez pas en fond de téléphone ? ça braille
ça hurle ça veut toujours becqueter et ça becque jamais assez donc ça en
redemande et…
–         
Mais excusez
moi… qui êtes-vous ?
–         
Sa
coach ! Sa conseillère en maternage et conjugalité !
–         
Mais euh…
vous ne coachez pas déjà une autre fille… Soledad ?
–         
Et
alors ? c'est la crise, deux filles au feu c'est mieux qu'un fer tout
froid au cul !

Très joli adage tiens.

–         
Mais comment
pouvez-vous conseiller quelqu'un qui s'est enfuit… ai-je demandé d'une voix
fort ferme, de celle que l'on prend pour dire aux éditions du Piston que la
responsable qu'on entend souffler dans son dos n'est pas là du tout.
–         
Ah ça…
j'attends qu'elle revienne pour reprendre certains termes du contrat qui
tiennent compte de cette nouvelle situation…
–         
Mais si…
–         
Si
quoi ?
–         
Si elle ne
revenait pas…

J'ai eu un frisson
désagréable.

–         
J'appellerai Christadine
Moroutin, je lui filerai la came (la paire de), et je me contenterai
d'accompagner ma petite Soledad dans sa quête de l'amour…
–         
Depuis quand
est-elle partie ? J'ai demandé, la voix blanche.
–         
Deux
heures…  J'vous laisse, j'ai les biberons
à goupiller, les bodies à plier, les hochets à agiter… tcho !

Deux heures. Et elle
appelait ça une fuite. Mais peut-être que lorsqu'on était seule avec une paire
de, partir sans elle deux heures durant c'était comme un abandon ?

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