Piégée par la bibliothèque de quartier 1


Dans la vie, pour s'accompagner dans le quotidien, il y a
les grands et les petits mythes. Mes grands mythes sont, nous allons partir
vivre en Provence, je vais me remettre à écrire, je vais réussir à être
publiée, on aura une maison 100% écologique, on achètera un van pour parcourir
la région, on fera un grand voyage avec Zébulon, A accueillera des enfants
difficiles dans la maison du bonheur, etc, la liste n'étant pas franchement exhaustive.

Et dans mes petits mythes, il y a… mince alors, je me rends compte que je n'ai
pas vraiment de petits mythes. Non pas que mes mythes soient tous grands mais
disons alors que dans mes grands mythes, certains sont plus petits, au sens où
ils ne se situent pas vers l'avant mais que situés au présent, ils permettent
d'y vivre plus confortablement.

Or lundi soir, un de ces petits mythes s'est effondré. Le mythe de super
Nounou.

Jusqu'à présent, quand on m'interrogeait à son sujet, je répondais
invariablement, super, ça se passe super bien, Nounou est une super nounou, etc. Je
taisais ses défauts qui de toute façon n'existaient pas puisqu'elle était
Parfaite. Ainsi en avais-je décidé par souci de ne pas charger la barque et
puisque parce qu'on le sait, les PMI nous le serinent, l'angoisse maternelle est un poison aussi inutile que
dangereux dans la besace que le petit emporte avec lui chaque matin chez sa nounou avec le
nounours crasseux et la petite voiture bleue.



J'aimais ce mythe, ce petit mythe qui me permettait de me
dire que, si mes journées étaient longues comme un jour avec pain mais rassis,
inutiles comme une prière à la vierge sourde, au moins, ma progéniture vivait
la sienne dans un univers (presque) de brioche au sucre. Ce qui me rendait (un
peu plus) supportable le fait de gagner dans l'ennui permanent, cet argent qui
me permettait entre autre chose de payer celle qui valait à Zébulon cet univers
protégé et joyeux de mangeur de brioche au sucre.

J'aimais (je l'avoue, pauvre bête) jouer les mères
énamourées à l'instar de celles que j'avais entendues au square quand j'étais
en quête de ma perle rare (et que je déprimais déjà à l'idée de ne rencontrer
que des tenancières d'enfants) et qui s'esbaudissaient avec grand élan, on a
une nounou formidable … avec elle, le petit passe sa vie au square, au relais
Petite enfance, au zoo… avec elle, la petite apprend toutes les comptines du
monde, elle mange bio, les légumes du jardin car mais oui notre nounou a un
jardin qu'elle cultive elle-même… sans engrais ni pesticides ça va de soi…
notre nounou est une nounou agréée bio… oui oui ça se fait maintenant… et cette
patience et cette douceur et de ce désintérêt (pour la chose sonnante et
trébuchante)…  c'est bien simple,
maintenant, on nous proposerait une place en crèche qu'on n'en voudrait plus….
Etc, etc..

Bull shit. Lundi soir,
le mythe de Super nounou a chu, piégée bêtement par une bibliothèque de
quartier.

Lundi donc, A a été récupérer un Zébulon comme d'habitude
survolté après une journée passée chez super nounou. Il a dû le rapatrier vite
fait à la casa, le petit ayant piqué au square une colère parfaitement surdimensionnée,
tout ça parce que n'ayant que deux fesses, il ne pouvait pas s'asseoir à la
fois sur les 4 tricycles en présence (humiliant par ailleurs A qui a dû
repartir avec la sensation d'être le père d'un monstre de caprices, le petit
machin rouge écarlate qui hurlait sous son bras).

Peu après, je suis rentrée, bien abrutie par une journée de
travail où les éditions du Piston alliées à celles de la Faillite Eminente n'ont
guère contribué à me faire aimer la race des éditeurs libéraux mais adeptes de
la chose publique. Sur ce, A m'annonce, tout content, que le petit a passé la
matinée en bibliothèque en compagnie de Donedone, son collègue de nounou et
super Nounou, venue rendre les livres d'une de ses filles. Et là, tous ceux qui
fréquentent une bibliothèque municipale, ne pourront que s'écrier, à mon
instar :

–         
Ils ont été à la bibliothèque ? Mais les
bibliothèques sont toutes fermées le lundi ! Tu es sûr qu'elle t'a dit
ça ?
–         
Ben oui…
–         
Elle a peut-être juste été rendre des
livres dans la boîte prévue à cet effet ?

Moi, pleine d'espoir, désireuse que je suis de pouvoir
continuer à croire au mythe de super nounou.

–         
Euh non, elle m'a bien dit je cite « ils
ont joué sur la moquette de la bibliothèque pendant que je rendais les livres à
Jennifer »
–         
De Jennifer…, je reprends mécaniquement.
–         
A
Jennifer, je cite nounou, répond A, l'air énervé. Elle m'a bien dit qu'ils
étaient entrés à l'intérieur… je cite, « pendant que je rendais les livres
à Jennifer, les enfants ont joué sur la moquette et ont feuilletés les albums à
la bibliothèque », fin de la citation.
–         
Mince alors… je fais d'une voix blanche. Cela
voudrait dire que…
–         
Nounou a…

Nous nous regardons, sans oser lâcher la bombe.

Le mythe de super nounou vient de s'effondrer. Et du coup,
toutes les craintes, les soupçons que nous avions pu commencer de nourrir, mais
que nous avions écarté d'une main, non pas désinvolte mais lucidement raisonnable
(nous ne serons pas comme ces pauvres hères de parents obsédés par la sécurité
de leur trésor), ont peu à peu refait surface. La boîte de Pandore des doutes
et méfiances s'est ouverte d'un seul coup d'un seul… et tous se sont mis à
tourbillonner comme des phalènes autour d'un halogène de 1500 watts.

Zébulon est agité le soir ? Normal, quoiqu'elle assure,
il n'a pas été au square ! Zébulon dévore son dîner ? C'est qu'il n'a
pas été nourri de la journée ! Zébulon boude sa soupe ? C'est qu'il
s'est empiffré de gâteaux au goûter ! 
Zébulon s'écroule le soir dans son lit ? C'est qu'il n'a pas pu
faire la sieste ! Zébulon refuse d'aller se coucher ? C'est qu'elle a
passé la journée à le faire dormir ! Etc, etc.

Déjà, l'affaire du pantalon-trop-serré survenue la semaine
d'avant, nous avait mis un puceron à l'oreille. Zébulon était en effet rentré
de chez nounou avec son pantalon puant roulé dans un sac et sur les fesses, un
pantalon inconnu qui s'est avéré appartenir au dernier fiston de nounou. Sur
ses cuisses à la peau de bébé si fine, les marques du frottement du soit disant
pantalon-trop-serré.

A avait cogité, reniflé le falzar qui sentait la ferme,
fouillé dans sa mémoire et déduit que nounou avait traîné à changer le Zébu,
d'où fuite, d'où frottement, d'où brûlures légères sur le cuisseau. La même
chose lui était arrivée cet été alors que, pendant que je m'adonnais à l'ivresse des
exports de base de données, il avait gardé le fiston et connu ces moments de
relâchement où profitant de quelques moments de répit, on se colle sur l'ordi,
oubliant petit et couche culotte.

La même chose était donc arrivée à super nounou qui, au lieu
de nous dire La vérité, tout à fait avouable de temps à autre (difficile de la
féliciter pour laisser tous les jours déborder les couches du Zébu), avait
préféré raconter cette histoire de pantalon-trop-serré. Un jean tube super chouettard
que j'avais dû remiser avec grande déception…

Nounou avait donc menti. Après l'ère du mythe de super
nounou, allions-nous tomber dans celui du toutes pourries ? Sombrer dans
cet engrenage infernal où la moindre information serait de prime abord suspecte ?
Faudrait-il s'interroger sur tout et rien comme des parents psychothés qui
voient des menaces partout planer sur leur cher trésor dès lors qu'ils ont le
dos tourné, surtout si le trésor se trouve chez une professionnelle de la
petite enfance ?

Toutes ces questions qui tournicotent autour de l'halogène
surchauffé… Mange-t-il vraiment des fruits comme nounou l'assure mordicus
quand chez nous il bombarde le parquet avec les rondelles de banane et fait une
mine horrifiée quand on lui tend un morceau de poire ? Et les dessins,
sont-ils de sa main ? Ou nounou les a-t-elle aussi bidonnés après
que, mine de rien, avec délicatesse et psychologie, je lui ai demandé si les
petits dessinaient avec elle…

Pauvre de nous… Pourtant, nous rassurons nous, nounou a
travaillé auparavant en crèche, elle connait son travail… mais au fait,
qu'est-ce qui nous prouve que nounou a vraiment travaillé en crèche ? Il
est vrai que nous n'avons que sa parole… Mais enfin, elle n'a jamais eu de
problème avec des familles avant, elle a même gardé de si bonnes relations
qu'elles s'envoient des cartes postales… mais où sont-elles ces cartes ??
Pourrait-elle les produire si un huissier de justice mandaté par nos soins venait
le lui demander ??

Que faire. Fallait-il au nom de la paix des braves jeter un
voile pudique sur ce mensonge sans doute classique dans ce corps de métiers ou
au contraire, fallait-il la provoquer en duel devant la PMI, du moins, débouler
chez elle en agitant la fiche horaires de la bibliothèque en la traitant de
menteuse devant toute sa famille réunie pour la post-rupture du jeun de ramadan ??
 Devions-nous l'enjoindre de prendre en
photos chaque moment de la journée et chaque activité ? Mais peut-être son
fils de 6 ans qui avait déjà une télé et un mini ordinateur, serait-il capable
de les bidonner ?

Etourdis, attristés, pire, déprimés et angoissés par cette
pénible métamorphose de super nounou en hou l'affreuse menteuse, nous avons fini par aller
nous coucher, chacun ruminant dans son coin sa déception, après qu'on se soit juré
craché d'aller vraiment taper un
scandale à la Mairie pour avoir une place en crèche l'année prochaine…

One comment on “Piégée par la bibliothèque de quartier

  1. Reply ln22 Oct 8,2009 20:41

    ouh là là ça va pas fort le mode de garde en ce moment ….euh parfois les enfants font des choses avec la nounou qu\’ils font pas avec les parents genre manger les fruits ! mais bon, j\’dis ça , j\’dis rien !

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