Si on veut bien faire un effort, on se rappellera que nous
avons démarré l'année 2009 par quelques nouveaux milliers de cadavres de tout
âge et de condition mais essentiellement civils, étalés dans les ruines de la
bande de Gaza.
Encore eux… ra la barbe, diront certains en s'en allant
cliquer sur « l'enfant enfermé dans un ballon d'hélium était un canular ».
Un cri de lassitude, un peu à l'instar de celui de cet ami qui s'était écrié
fin décembre 2008 alors qu'Israël ne faisait pas mystère de son intention
d'attaquer la bande de Gaza et qu'il préparait tranquillement cette opération
pendant que nous sabrions le foie gras, ah mais qu'ils se fichent donc une
bonne fois pour toute sur la gueule et qu'on en parle plus !
Consternante exclamation qui se devait d'être entendue cependant
ni dans un sens israélophobe voire antisémite ni dans un autre, palestinophobe
voire islamophobe, mais plutôt comme la marque de cette redoutable lassitude pour
qui suit ce conflit de loin, et qui a ainsi l'impression que ces braves gens là
bas n'ont rien d'autre de mieux à faire que de s'entretuer régulièrement, et
surtout de s'entretuer à égalité, au
sens armes et légitimité égales, depuis tant de temps qu'on n'a plus envie de
prêter attention à leurs mesquines querelles.
1 315 morts et plus de 5 000 blessés côté palestinien contre
126 morts (dont 123 soldats) et environ 84 blessés côté israélien plus tard, où
en est-on ?
Pas fort loin, ça patine sec sur la mer morte. Si on résume,
et si on a bien suivi le tortillard de la justice internationale, il y a eu essentiellement,
après les concerts de protestation, les vagues menace de panpan cucul tout
aussi vaguement agitée à l'intention d'Israël, le rapport du juge sud-africain Gladstone
très critique à l'égard de ce pays, avec pour faire pendant, une condamnation
également des actes de guerre commis par le Hamas.
Là encore semble-t-il, dans ce conflit où le dix poids une
mesure est le plus souvent observé, on ne tique pas de mettre sur le même plan
une organisation à peine étatique et universellement (ou presque) jugée
terroriste, fauteuse de 126 morts, très majoritairement des soldats, et un Etat
qui ne cesse de se dire démocratique, fauteur de plus de 1300 morts, la plupart
civils. Mais bon, admettons, il fallait sans doute pousser les hésitants et les
frileux à voter, donc on peut supposer que la mise de conserve dans le même panier
des protagonistes relève d'une tactique diplomatique rudement maline.
Ce rapport Gladstone, donc, a été approuvé jeudi 15 octobre au
Conseil des droits de l'Homme à Genève, ou plus exactement a été adoptée une
résolution soutenant les conclusions du rapport Goldstone qui accuse donc et le
Hamas et Israël d'avoir commis des crimes de guerre, voire d'humanité, lors du conflit de Gaza, et qui demande la
mise en place de commissions d'enquête nationalement indépendantes.
Les Etats-Unis et l'Italie, entre autres pays, ont voté
contre, ce qui fait chaud au cœur quand on pense à la suite des opérations, à
savoir un plan de paix équitable entre Israéliens et Palestiniens sous l'égide
du prix Nobel de la paix, par ailleurs président de cette grande puissance qui
a plutôt pas mal contribué au pourrissement du conflit dans cette région. La France
et le Royaume-Uni, quant à eux, se sont courageusement abstenus. Concernant la
France, ce vote lui a semblé « prématuré », tant il est vrai que cela
ne fait jamais que 9 mois que ces faits de guerre ont eu lieu, dans un conflit,
qui, évaluation basse, existe depuis une bonne soixantaine d'années. Il est
vrai aussi que dans ce genre de situation, des populations civiles massacrées,
il y a tout lieu de prendre son temps, de bien peser le pour et le contre,
avant que de voter pour une résolution dont la finalité ultime n'est jamais que
de demander à ce que chacune des parties mette en place une commission
d'enquêtes nationales indépendantes relativement aux faits en question. Rien
que ça d'ailleurs, déjà, ça augure mal. Cela fait un peu comme de demander à
une association de viticulteurs d'enquêter sur les décès routiers suite à l'ingestion
de son pinard.
Attendons donc, patience… Car ensuite, ce rapport devrait
être présenté aux instances onusiennes : à l'Assemblée générale et au
Conseil de sécurité de l'ONU. Ce dernier pourrait décider, en cas d'échec des
enquêtes nationales, de saisir le procureur de la Cour Internationale de
Justice (CPI). Quant on sait que chaque membre du Conseil de Sécurité a un
droit de veto, que les Etats-Unis en sont membres et qu'ils ont voté contre le
rapport Goldstone, on se dit que voir les morts de Gaza attendant non pas d'être
vengés mais légitimement reconnus comme des victimes innocentes peuvent
continuer à se décomposer gentiment sous leurs pierres tombales.
Si le Conseil de Sécurité de l'ONU ne vote pas cette saisine
de la CPI, que se passera-t-il ? Eh bien il y aura un lot de consolation.
Cela s'appelle une résolution panpan cucul de l'Assemblée générale de l'ONU, ça
ne sert à rien, ça n'est même pas un zéro pointé puisque si Israël nous remet
ça pour le nouvel an 2010, ça ne sera peut-être même pas pris en compte dans
son passif mais ça donne l'illusion qu'on a bien noté que quelques part, au
début de l'année, un des membres de la Communauté internationale, ne s'est pas
tout à fait bien conduit à l'égard d'une partie de ses congénères.
Par ailleurs, côté Israël, le côté officiel du moins, on se
dit choqué pour ne pas dire révolté par la violence à son égard du rapport
Goldstone, quand on sait qu'Israël dans cette opération a agi « avec un
gant de velours », selon le bon mot d'un responsable militaire israélien.
Une fois encore, quand on voit le résultat après le passage du gant de velours,
on se dit que tout compte fait, on aurait préféré le fouet à cheval ou le nerf
à bœufs…
Mais consolons-nous. Si les Etats-Unis n'ont pas voté ce
texte, ce serait pour ne pas indisposer leurs alliés israéliens et donc faire
capoter avant même leur amorce, les nouvelles négociations de paix à venir on
ne sait quand au juste. C'est là une habilité diplomatique qui leur fait
honneur mais si mais si, surtout quand on sait que dans le même temps, comme
sorte de préalable à ces négociations de paix, Israël continue à tenir sa
promesse de ne pas poursuivre ses constructions de colonies en Cisjordanie… en
en construisant chaque mois un peu plus.
Et pendant ce temps là, le blocus de Gaza continue… au nom
là encore de la sécurité d'Israël, tant il va de soir que le fait de se
chauffer ou de prendre un cachet d'aspirine contre la migraine est une menace
immense à l'égard de son voisin.
Patience, donc, les Gazéens et avec vous, tous les
Palestiniens. Au train où vont les choses, celui d'entre vous qui naquit le 13
janvier 2009 d'une mère morte dans la foulée des suites de son accouchement
pour cause de blocus et donc d'impossibilité d'accoucher dans un hôpital, verra
peut être à l'aube de son centenaire, s'il passe à travers les bombes la
malnutrition le désespoir et la drogue, non pas un Etat palestinien digne de ce
nom, mais du moins la reconnaissance avérée, c'est-à-dire suivie d'effet, de la
culpabilité absolue d'Israël dans sa façon de traiter les civils ennemis depuis
même avant sa création. Mais faut dire aussi que naître un 13 janvier, c'était
chercher la poisse…