Allo, j’écoute… (Partie II)


C'était Bécassine qui revenait, en furie. Une fois encore,
j'ai dû raccrocher au nez de cette pauvre future jeune mariée.

–         
Comment ça ? Que racontez-vous là ?
J'ai balbutié.
–         
Mimi, je suis rentrée dans le petit salon etc,
et là, sur le sofa des invités, que vois-je ?
–         
Mitrand ! A presque crié la cadette que
tout ceci amusait prodigieusement.
–         
Himself ! A glapi Bécassine. Alors comment
savais-tu cela, Mimi ? Comment se fait-il que toi, rédactrice catégorie B,
tu es dans le secret des Dieux, quand moi, sur-chef catégorie A+++, ex
ministred e surcroît, je ne le suis pas ?
–         
C'était lequel de Mitrand ? J'ai demandé,
prise soudain d'une inspiration.



En effet, des Mitrand, y en avait plusieurs, y en avait eu
d'abord un et puis les autres, alors…

–         
Comment ça lequel ? Le nôtre, bien évidemment,
qui veux-tu que ce soit ! S'est excité Bécassine.
–         
Parce que moi, je pensais plutôt à l'autre… j'ai
articulé d'un ton pénétré.
–         
Lequel autre ? A glapi Bécassine.
–         
Le mort… j'ai soufflé. J'étais dans les années
1982 avec monsieur Cachalot alors c'était plutôt au tonton mort que je pensais
et…
–         
Je vais devenir folle, a hululé Bécassine en
partant chercher son Lancel dans son bureau, je pars déjeuner…

Il était 11 H 40, et avec tout ça, on ne savait pas pourquoi
Mitrand était assis sur le sofa des invités.

–         
Tu le savais toi ? J'ai demandé à la
cadette.
–         
Bien sûr que non ! Qu'est-ce qu'il
viendrait foutre au Syndicat ès livres hein ?
–         
Chais pas… comme il est un peu paumé depuis
l'affaire  Polanski et celle des gigolos
thaïs, il s'est peut-être égaré et a cru rentrer au Ministère en poussant la
porte du Syndic ?
–         
Va lui demander ! Gloussa la Cadette.

Driiiiiiiiiiiiiiiiiiiing.

–         
Allo mademoiselle Chotek ? Vous avez bien
reçu ma télécopie ?
–         
 Non euh
oui enfin c'est-à-dire que…
–         
Parce que concernant l'état des ventes de ces
ouvrages, j'ai retrouvé dans ma poche de veste de jeune marié… ah à l'époque je
croyais que la vie était aussi claire et lisse que la robe de mon ex épouse…
–         
Vous avez retrouvé quoi monsieur Cachalot ?
j'ai demandé d'une voix morne.
–         
Ah oui… j'ai retrouvé un petit carnet dans
lequel j'avais rapporté au crayon à papier chaque vente effectuée de chaque
ouvrage dans la France entière… si on additionne chacune d'entre elles, on
arrive ainsi au nombre total de ventes effectuées par les éditions du Néant Méritant
et…
–         
Additionnez, Monsieur Cachalot, additionnez…
–         
Seulement voilà, mademoiselle Chotek, je suis
bien embêté… je ne sais comment vous le dire…
–         
Dites sans crainte, monsieur Cachalot, je suis
prête à tout entendre aujourd'hui…
–         
Eh bien voilà… avec le temps… l'humidité… les
chiffres se sont presque effacés… il faudrait voir peut être avec une loupe ou…
–         
Je vous laisse voir ce qui est le mieux,
monsieur Cachalot, j'ai coupé court, maintenant, excusez moi, Mitrand attend
que je lui signe son parapheur.

Klong, j'avais raccroché. La Cadette a levé un pouce en
l'air, chapeau, tu manques pas d'air, elle a ajouté. Driiiiiiiiiiiiiiiiiiing…
Ah mon dieu seigneur.

–         
Allo ! J'ai presque crié.
–         
Mimi, c'est toi ?

C'était Aveline, avec une voix toute mouillée.

–         
Oui, c'est moi, comment ça va depuis une
heure ?
–         
Mal, très mal… Claude m'a avoué que non
seulement il n'avait pas encore demandé le divorce à sa femme, mais qu'en plus,
il ne lui en avait jamais parlé !
–         
Non ?!

J'ai essayé d'avoir l'air surpris mais j'avoue que non, je
ne l'étais pas du tout.

–         
Si… je pensais qu'il était en bonne voie… il
avait l'air si serein tout à l'heure…
–         
Serein, serein… quelqu'un qui s'apprête à
divorcer peut difficilement avoir l'air serein…
–         
Lui si… c'était pour lui un tel soulagement que de
rompre avec vingt ans d'existence catatonique auprès d'une épouse
maniaco-dépressive à tendance thatchérienne…
–         
Qu'il dit…
–         
Que dois-je faire Aveline ? M'a soudain
demandé d'une voix anxieuse Aveline.

M'envoyer une télécopie avec la liste des fautes et
mensonges du semi-maori, accompagnée de, celle recensant tous les moments de
leur histoire d'amour passionnelle mais passée, et on verra pour un effacement de la dette par le
conseil d'administration. Voilà ce que j'aurais bien aimé lui répondre.

–         
Je ne sais pas, j'ai juste répondu, je vais y
réfléchir…
–         
Tu as raison, a dit d'une voix soudain
rassérénée Aveline, à croire que je lui avais donné le conseil du siècle. Je
vais retourner m'occuper des filles, on verra ça plus tard.

Et elle a raccroché. Et moi j'ai débranché mon téléphone,
contrairement au règlement intérieur qui nous l'interdisait formellement, dès fois qu'un lettré tenterait un dernier appel avant de se suicider, mais
j'avais décidé que pour aujourd'hui, j'avais eu ma dose.

Avec tout ça, on ne savait toujours pas ce que fichait
Mitrand sur le sofa des invités du petit salon au piano à queue sans queue… et
si c'était bien lui, et non pas la mâne de son tonton, hein, qui sait ?

Leave a Reply