Vaguement rose

Alors, le dimanche dernier, il y a eu la
presque vague rose, si on veut bien excepter en métropole l'Alsace
où, comme par hasard, Bécassine passait « en famille »
(UMP?) les deux week-ends des élections régionales.

A la maison,
à l'écoute des résultats, personne n'a vraiment triomphé. Cléa culpa a dit, j'ai pas voté,
vu que ça ne change rien, tous pourris et rien pour nous, la non
muse a dit qu'une non muse, par essence, ne votait pas, ça serait parfaitement
incongru, et moi, j'avais fait comme beaucoup de monde, j'avais voté
contre.

En arrivant au bureau lundi, j'ai vu
que la Cadette n'avait pas triomphé non plus, même si elle ne
faisait pas partie du gang alsacien. On s'est juste dit que c'était
bien agréable à voir cette presque déculottée de l'UMP mais que
si c'était pour se farcir une seconde tournée de chez Nicolas dans
deux ans, c'était peut être pas la peine de se dilapider aujourd'hui l'énergie dans une liesse aussi grotesque qu'injustifiée. Je crois
que nous appréhendions les amorces de la campagne avec Ségolène,
Martine et Dominique le fonctionnaire international érotomane qui
est de gauche comme le Pape est hippie. Rien que d'y penser, je
sentais un grand vide m'envahir…

Bécassine, elle, est arrivée avec sa
tête des mauvais jours à plus de dix heures. Elle a déposé sur
une table un sachet, nids d'alsace, elle a marmonné, servez-vous,
sont encore frais d'hier… puis elle s'est enfermée dans son bureau
où elle a passé des coups de fil toute la matinée.


A midi pétante, elle en est ressortie
avec un papier à la main et elle a annoncé qu'elle avait un
communiqué à nous lire.

Ah.

  • Suite aux résultats du second
    tour des élections, elle a démarré aussi sec, nous allons devoir
    procéder à quelques réaménagements de notre politique culturelle
    afin de montrer au peuple écarté des livres et qui, en tant que
    tel, se sent infondé à glisser un bulletin de vote UMP dans
    l'urne, que nous avons compris sa souffrance…

Avec la Cadette, on s'est regardé,
effarées. J'ai hésité à rire, Bécassine nous faisait-elle une
blague? Mais je n'ai pas rit car outre que ce n'était pas le genre
de Bécassine, la blague politique, elle n'avait pas l'air de rire du
tout. Son visage se détachait livide, au dessus de son chemisier
rouge écarlate pelle à tarte, et à la regarder de plus près, on
aurait presque juré lui voir les yeux gonflés.

  • Tout d'abord… a repris
    Bécassine, nous allons changer la disposition des bureaux… Mimi
    va prendre celui de la Cadette, qui prendra celui de l'Absent, qui
    prendra celui de la Cadette… je suis autorisée pour ma part à
    rester à mon poste… ce changement de disposition montrera aux
    usagers que nous avons pris en considération leur vote de défiance
    ou leur non vote!

  • Mais… a commencé de protester
    la Cadette.

  • Tutut, je n'ai pas fini… nous
    allons prendre ensuite comme secrétaire et pour preuve d'ouverture
    culturelle, Yolande Petitpoisdanslatête, afin de montrer que nous
    ne sommes pas de purs esprits élitistes qui rechignent à recruter
    pour taper leurs courriers, une secrétaire analphabète et atteinte
    de dépression aussi nerveuse que chronique…

  • Oh non! Avons-nous d'un même élan
    glapit. Pas Yolande Petitpoisdanslatête!

  • C'est jusqu'en 2012, courage les
    filles… a tempéré Bécassine. Après, on lui trouvera un poste
    de chargée de mission en colliers de trombones….

  • Mais où allez-vous la mettre?
    J'ai réussit à demander. Il n'y a plus aucune place dans le bureau
    et l'Absent sera présent au plus tard le mois prochain!

  • Ensuite, nous allons… Bécassine
    a poursuivi sans me répondre, je vais…

Bécassine a eu un trou et elle s'est
penché sur sa feuille d'un air soucieux.

  • Que pouvons-nous faire pour sauver
    le livre de droite? Nous a-t-elle demandé d'un ton presque
    suppliant, en relevant la tête. Quelles mesures verriez-vous?

  • Le livre de droite? J'ai demandé.
    Mais cela veut dire quoi?

  • Le livre de Nicolas Ier! A couiné
    Bécassine. La lecture UMP!

  • Mais… a repris la Cadette… ça
    ne veut rien dire… enfin, ça n'existe pas en soi… c'est…

  • J'ai trouvé! A braillé
    Bécassine. Nous allons bannir toute femme en burka des
    bibliothèques, nous allons traquer les Belfegor dans les Fnac et
    les librairies indépendantes… interdire les lectures faites par
    des femmes aux yeux dissimulés derrière leur bure… nous allons
    lancer un grand débat sur le Livre identitaire… qu'est-ce qu'être
    un livre français… nous allons…

  • Calmez vous Christine, j'ai
    réussit à articuler, ce n'est qu'un vote régional…

  • Vous qui disiez encore la semaine
    dernière que ça ne comptait pas, a renchérit la Cadette, que la
    Région n'avait aucune importance…

  • Nous allons aussi supprimer la
    taxe carbone inique que les khmers verts voulaient nous voir apposer
    sur les livres, un livre acheté, un arbre remboursé… nous allons
    mettre à la retraite les librairies de plus de 66 ans, et mettre le
    paquet sur le numérique…

  • Je ne vois pas bien le rapport…
    ai-je osé émettre.

  • … ou plutôt non, nous allons
    les mettre la retraite à partir de 60 ans, s'ils ont réuni leurs 52 annuités
    d'allocation chômage et lancer une grande lecture en ligne des
    oeuvres du général de Gaulle, ainsi que de Guy des Cars et Barbara Cartland… nous allons..

Avec la Cadette, nous sommes surtout
parties déjeuner à la cantine où tout le monde commentait la
dernière de Besson le pantalon. La convocation en
duel du Guillon pour avoir été décrit par ce dernier à 8 H 53 sur France inter comme un
individu aux petits yeux de fouine et au menton fuyant, alors que
tout le monde sait bien qu'il a deux grands yeux bien droits et un
menton proéminent. Et ce, sur la  seule foi de sms
d'amis bien intentionnés (Ségolène, François, Martine…) qui,
par ailleurs, lui avaient fait savoir que le Guillon avait affirmé mordicus qu'il lisait tous les soirs au coin de sa gazinière
Mein Kampf allongé nu sur une peau de juif d'Europe de l'Est.

 Précision que Besson le pantalon n'avait pas plus supportée que les yeux de
fouine car tout le monde savait bien qu'il était allergique aux acariens et ne s'allongeait en
conséquence jamais sur le sol, même protégé par une peau d'ex
être vivant, odieuse affirmation qui exigeait, selon lui, en plus du duel, un match de catch lors d'une célébration d'identité nationale. A la garden partie du 14 juillet de l'Elysée, par exemple.

Entre l'ananas et la crème caramel, nous, on
en a surtout conclu que le navire prenait l'eau et que se
pointer comme Besson le pantalon à France inter, le premier jour
post-claque, il fallait être ou masochiste ou parfaitement
inconscient. Ou bien les deux, plus doué d'une infatuation quasi
autistique. Sans oublier les petits yeux de… Enfin, ça, c'est une
autre histoire.

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