Ainsi Besson le pantalon signe et
contresigne dans le Libé du lundi 29 mars. Guillon est un
lâche (il refuse et le duel et le match de catch), un acteur raté
(qui joue certes à guichet fermé mais son public est sans doute un
public raté), un raciste xénophobe (et Besson le pantalon sait de
quoi il parle) et par ailleurs, un bobo de gauche (vous en connaissez
beaucoup des bobos de droite?).
Cela dit en passant, c'est fou comme
c'est devenu l'insulte suprême, bobo de gauche, dès lors qu'on est
pas pour les renvois en charter de sans-papiers ou qu'on trouve qu'il
y a un tantinet trop de gardes à vue, hop, bobo de gauche fuse.
Quoiqu'il en soit, il se trouve que par
ailleurs, le dimanche précédant ce lundi, une fois n'est pas
coutume, Mimi est sortie seule de chez elle, sans poussette ni
trottinette, sans sac informe (achat de légumes bio) ou caddie
mémère (opération Rosny 2). Non, Mimi est sortie pour aller au
cinéma avec son poteau d'Aveline, elle-même délestée de sa
poussette double, de ses packs de médicaments anti-gastro infantile
ou sinusites bronchiteuses à répétition, sa paire étant aux mains
du semi-maori pas tout à fait encore reparti en Nouvelle Zélande
mais pas franchement encroûté non plus chez la mère de sa seconde paire de.
Et qu'avons-nous été voir? Eh bien
nous avons été voir, le Guillon justement, en Afrique, dans Le
temps de la kermesse est terminé,
au motif qu''Aveline en avait envie (ça nous rappellera nos voyages
de jeunesse là bas et ça me fera un peu d'appel d'air, même si
paraît que c'est pas l'hymne à la joie). Et certes, si ce
film ne s'est effectivement pas révélé être un hymne à la joie
ni une ode à l'Afrique éternelle et mythique, ce fut une bien
heureuse surprise où, à travers la situation d'un blanc à tendance
beauf bloqué dans un bled du désert africain à cause de sa voiture
en panne de batterie, sont analysées plutôt finement les relations
blancs-noirs en terre d'Afrique.
Le Guillon y est très bon, il joue un
sale type avec des côtés presque attachants, en tout cas plus
complexes que le simple côté pur toubab bouffi de sa blanchitude,
de son fric et de son mépris pour les ex colonisés. Un gars qui,
par exemple, ne fait pas que sauter Martina, cette jeune noire prête
à tout pour pouvoir partir en France puisque le chef du village en a
décidé ainsi (ce sera elle qui, une fois là bas, fera vivre tout
le bled en envoyant de l'argent) mais qui se soucie aussi, au moins
un peu, de ce qu'elle est, à savoir un être humain qui est en train
de courir droite toute à sa déchéance et dont il se fait fort de
déciller les yeux concernant le miroir aux alouettes français.
Un gars qui se heurte par ailleurs à
la fausse complaisance du lieutenant du coin (dont l'armée stationne
dans les dunes) qui, tout en badinant dans un français précieux, en
arrosant ses salades et en se baladant avec une Encyclopédie des
jardins sous le bras, se fait for, pour sa part,t de signifier à ce toubab qui
pensait que sa couleur et son argent seraient son sésame pour
quitter ce bled paumé, que le temps de la kermesse est terminé.
Le temps de la kermesse, c'est ce temps
où le riche donnait une fois l'an une grande fête dans laquelle il
y avait bombance pour tous, et notamment pour tous ces pauvres qui,
ainsi, avaient droit aux quelques miettes du système et s'en
trouvaient ainsi tout apaisés.
Quoiqu'il en soit, kermesse ou pas, le
lieutenant qui proférait de grands idéaux de moralité empoche
finalement sans sourciller le bakchich du blanc (car le noir en
définitive ne vaut pas forcément mieux que le blanc) dans
l'objectif pour le moins flou de lui trouver un camion de passage et
le Guillon, lui, finit par s'évader de sa prison de sable avec sa
vieille caisse dans une sortie qui est sera bien celle d'un sale type
(mais que je vous tais, dès fois que vous iriez voir le film).
Et puis le lendemain, en ouvrant son
Libé , on tombe sur cet article de Besson, et on se dit,
tiens, c'est marrant ça. Le Guillon est dans le film comme Besson le
pantalon prétend qu'il est dans la réalité (le bobo de gauche en
moins car le Keller du film ne fait pas franchement bobo), sachant
que lorsqu'on lit ce qu'il juge être la personnalité de Guillon, on
croirait que le Besson parle de lui-même, l'acteur raté en moins
(quoique, être un homme politique c'est pas un peu du cinoche ça?),
et le traître à la place du lâche. On se dit aussi que le Guillon
du film pourrait fort bien être interprété par le Besson de la
réalité, dans un cadre néanmoins plus… bureaucratique, disons.
Il faudrait sans doute conseiller au
Besson d'aller voir ce film, ça serait intéressant que lui aussi il
se penche sur cette mise en abime. Quoique. Il est foutu de penser
que le Guillon du film est le vrai Guillon. Il est foutu aussi de
ficher Martina et de l'attendre à l'arrivée de l'avion. Quand on ne
veut voir que ce que l'on veut…