La conseillère personnelle du Président

Cette semaine, jugeant sans doute le
délai écoulé suffisamment décent, le saint patron a fait venir sa
sainte-patronne, La muse Pia, une quinqua à cheveux argentés qui a
a aussitôt cloué aux murs de son bureau, des icônes de la vierge à
l'enfant ainsi qu'un énorme crucifix en bois d'olivier avec un
christ sculpté façon rescapé d'Auchwitz qui vous jetait un regard
de noyé à chaque fois que vous entrouviez la porte, oubliant que ce
bureau qui avait été celui des passages et des courants d'air,
comme celui de soeur Sourire et de Bras cassé, illico déménagées
dans la soupente, était désormais interdit au public sous peine de
mort (symbolique).

Les réductions budgétaires comme la
réduction du personnel de la fonction publique n'étaient
visiblement par pour tout le monde puisque claudie von der truyot
nous a révélé à la cantine que la muse Pia était rémunérée
dans les 9500 € pour assister le saint patron dans ses oeuvres.

  • Ra elle a dû récupérer la
    cagnotte de la Boutin! S'est exclamé soeur Sourire qui attendait un
    peu pour faire comme Bras cassé, à savoir se mettre en arrêt
    maladie en matière de protestation politico-sociale.

  • Peuh penses-tu, a rétorqué
    Claudie, il été décidé qu'elle viendrait avant même que la
    grenouille ne songe à renoncer de son mal gré, à son denier du
    culte! Quand on veut trouver de l'argent pour ces gens là, il y en
    a toujours!


Ce qui était juste. Ce qui l'était
moins, c'était que cette bonne femme squattait un bureau et une
fonction censée être occupée par la Colonette qui paraît-il avait
mis le cap sur le Corse pour se ressourcer avant d'entamer la lutte,
tout en envoyant un mail avant de partir qui réitérait son
attachement profond à l'impression recto verso (quand les nouvelles
dispositions budgétaires et le bilan attendaient toujours son
verdict).

  • Je t'envie de quitter cette maison
    de fous, a soupiré la Cadette alors que nous rentrions.

  • Sûr que je m'en réjouis, j'ai
    admis, mais j'espère que ça ne sera pas si… si pire que ça
    semble devoir l'être…

Entre un Président omnipotent et
caractériel, méprisant pour le personnel forcément petit, certes
attaché au respect du denier public, mais à condition que cet
attachement ne concerne pas ses intérêts à lui, une secrétaire
générale aux fraises (ou affectant de l'être), prenant des
décisions comme le Bush qui jouait à pile ou face avec sa voyante,
et une secrétaire générale adjointe qui rendait son tablier en
laissant derrière elle un joyeux foutoir qu'elle avait à la fois
contribué à créer comme à maîtriser, on peut dire que les
perspectives de travail n'étaient pas des plus affriolantes.

Le moral des troupes s'en ressentait.

Soeur sourire avait parlé d'une
éventuelle énième tentative de suicide ce week-end, Claudie von
der Truyot s'était plaint d'une douleur au côté droit (j'ai le
syndrome cancer du foie dès que je suis stressée) tandis que
Petitdoigtsurlacouture s'était inscrit à un séminaire L'orthodoxie
pour les nuls
, afin de ménager ses arrières et que Jean de la Bibine
avait visiblement doublé ses doses de rouge.

De retour au bureau, on a regardé le
pedigree de sainte Piapia qui était en train de rencontrer les chefs
de bureau, « et que les chefs de bureaux, pas leurs adjoints ni
leurs secrétaires » avait bien précisé le président en
effectuant une légère génuflexion, à moins que ce ne soit un bref
salut militaire, va savoir.

Et que disait le pedigree de la sainte
conseillère personnelle?

Pia de l'Opportune, née en 1955 (comme
Bécassine, a soufflé la Cadette), verseau ascendant gémeau (mince,
comme moi, j'ai remarqué), a débuté dans la carrière au cours
Florent où elle s'est exercé à préparer le concours d'entrée au
Conservatoire national d'Art Dramatique (drôle de début, a soufflé
la Cadette, elle a peut-être confondu avec l'ENA? J'ai émis). Après
deux échecs successifs, elle y renonce pour rentrer à la télévision
publique où elle présentera la météo pendant cinq ans, avant que
d'animer une émission consacrée aux ustensiles électro-ménagers
en compagnie de l'inventeur de Casimir, le dinosaure orange le plus
connu de la Planète (on est loin du livre, a grincé la cadette).

Suite à cela, elle est embauchée pour
s'occuper de la communication au ministère de l'agriculture (ah, on
se rapproche de la Culture… j'ai gloussé), puis à celui de la
santé, on lui doit notamment les brillantes campagnes de prévention
sur le sida et les dossiers de presse sur le sang contaminé (mais
là, on s'en éloigne… a grondé la Cadette), avant que de rentrer
ensuite comme assistante de Direction chez les parfums Lauréole (là
on est carrément aux antipodes, j'ai ricané).

On a fait une pause. Le soleil revenait
tout doucement, les oiseaux chantaient, mais on frissonnait. C'était
à la fois délicieux à lire, ce pedigree, délicieusement
surréaliste et éminemment… révoltant? Déprimant? Inquiétant?
Nous avons replongé le nez dans l'écran de la Cadette car le temps
pressait, Bécassine allait revenir et il allait falloir préparer
les compresses et la sainte onction.

Parallèlement à ce parcours atypique,
Pia de l'Opportune a entrepris et décroché un master en droits
divins, avec un travail de fin d'études consacré à l'influence de
la parfumerie dans le culte religieux (je suis paumée là, j'ai
émis, ouais mais je crois que l'on s'approche de la Vérité, a
chuchoté la Cadette) chez les orthodoxes (ahaha, avons-nous crié de
concert).

On a sauté quelques lignes.

En juin 2010, le président du Syndicat
du crime ès livres, arrivé en mai de la même année, fait appel à
elle en tant que conseil en matière de contrôle qualité, qu'il
s'agisse de l'impact des aides de cet établissement sur le marché
du livre ou du bon usage de ses fonds eu égard à la lourdeur de son
corps bureaucratique.

Ce qui veut dire?

Nous nous sommes regardées. Ce qui
veut dire que la muse Pia était peut-être une sainte, mais aussi
une potentiellement fouteuse de merde et aussi que quelqu'un mentait.
En effet, si on nous l'avait bien présentée ainsi, pas en chair en
os, juste par le web, comme une conseillère ès qualité, elle,
claironnait à qui voulait l'entendre, Je suis la conseillère
personnelle du Président. Un peu comme si un contrôleur de gestion
se gargarisait d'un Je suis le directeur financier.

  • Je vais regarder les avis d'offres
    de poste… a dit d'une voix sinistre la Cadette. Le temps où l'on
    suce la bête jusqu'à la moelle est arrivé, et celui où on va
    l'abattre ne va pas tarder…

Et sur ce sinistre mantra, elle s'est
remise le nez dans son ordinateur tandis que moi, égoïstement, je
me suis répété, encore une semaine et je suis sauvée, encore une
semaine, et je suis sauvée…

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