Avec la retraite à 70 ans, les bientôt
six millions de chômeurs, les classes publiques d'élèves de 45
têtes et la baguette annoncée à 1 €, cette année, le message
donné cet été aux ministres a été de ne pas rigoler avec les
congés.
De la jouer modeste, profil bas, goûts
simples et au maximum demie pension si on tient vraiment à aller
dépenser son traitement en hôtel. Alors… où vont-ils donc passer
leur mois d'août 2010 nos chers gouvernants?
Eh bien, Nicolas, lui, ira modestement
chez sa belle-doche qui lui fera des pasta tous les jours, des sucres
lents idéaux pour qui s'adonne à la course à pied, pendant que
Carla, elle, renoncera à la piscine du jardin pour faire des bains
de pied dans la cuvette des toilettes. S'ils veulent vraiment se
cogner un resto, ils iront au camion de pizza sur la grève, le
premier prix (la margarita à 6 € 50) leur ira très bien, et en
plus, ça les changera des menus sophistiqués des déjeuners et
dîners officiels. Ils étaleront leurs serviettes sur la plage parmi
le peuple et Nicolas ne dénigrera pas de participer à une petite
partie de volley de temps à autre (ça le changera du jooging),
pendant que Carla, elle, taillera la bavette avec ses voisines de
serviette après avoir fait la queue, comme tout le monde, à la
douche de la plage.
Brice lui ira en Auvergne. Sa famille
possède sur les causses un chouette petit buron où l'arrière-papi,
Emile, fabriquait l'été de merveilleuses tommes à base du lait de
ces belles Aubrac bien de chez nous dont Brice retrouvera les
arrières petites-filles alors qu'il prendra ses quartiers au buron
après avoir traîné sa valise à roulettes sur la sente pleine de
bouses. Il n'y a certes aucune connexion Internet mais pas d'Arabes
non plus. Entre quelques envolées à l'accordéon et tournées dans
les bars locaux où il racontera ses meilleures blagues, il visitera
avec sa femme le musée des arts floraux auvergnats ou suivra un
stage sur la récolte des champignons, à moins qu'il ne fasse un
saut à Vulcania en se mêlant un groupe d'ados de la banlieue
lyonnaise en colonie dans le coin.
Son alter ego, Eric, et sa jeune
compagne rebeu, eux, iront au pays. Celui d'Eric ou celui de miss
J'ai tous mes papiers en règle. On ne sait pas bien encore. En tout
cas, s'ils vont chez elle, ce sera en ferry, et Eric en profitera
pour lire Le quai de Ouistreham de Florence Aubenas que sa
collègue, Roseline, lui a chaudement recommandé et où il est
question de ménage dans les wc des bateaux. Il dénoncera peut-être
au commandant de bord son voisin de transat qui nourrit les mouettes
alors que c'est interdit, à moins qu'il ne compte le nombre de
burkas prenant un bain de soleil sur le pont.
Quant à Roseline, elle, elle ira aussi
au bord d'une mer mais froide, la Manche, où elle essaiera d'écouler
quelques lots de vaccins anti-grippe A en se faisant passer pour le
marchand de glaces et de chouchous. Elle louera un mobile home (à
mon âge, me plier sous une tente, c'est franchement plus possible),
et son seul extra sera le casino de Riva Bella où elle ira avec
Robert et les enfants titiller les machines à sous.
De même, Nathalie se repliera avec les
siens sur le Cotentin, où une vieille casemate familiale les attend,
le ménage n'y a pas été fait depuis l'année dernière et cette
année, on a prié la femme de ménage de se reposer, c'est Nathalie
qui passera la nénette en arrivant tandis que monsieur Morizet, à
quatre pattes par terre, essaiera de brancher la wi-fi pour que
Nathalie puisse avancer sur ses dossiers. Au programme de ces
vacances, il y aura le le GR des douaniers, en famille et sac au dos,
la pêche aux moules, les concours de châteaux de sable et une
visite à la centrale nucléaire de la Hague avec les enfants, pour
la culture.
A propos de culture, Frédéric, lui,
renoncera à ses habituelles échappées en Asie, il se rabattra sur
les quadragénaires bretons en mal d'affection et ayant troqué
l'élevage porcin pour la vente de leurs charmes. Il posera sa valise
à roulettes dans un hôtel quelconque du port de Brest ou de
Quimper, et pour rentabiliser son séjour, entre deux étreintes
maritimes, il rendra visite au musée du costume breton ou à celui
de l'art rural bigouden, ce qui le changera des opéras parisiens et
des pièces de théâtre avant-gardistes d'Avignon.
Christine elle ira plonger en mer
chaude, la Méditerranée, puisqu'elle y tient tant. Il a été
impossible de lui faire comprendre que la plongée sous-marine
n'était aucunement un sport de pauvres. Elle est passionnée et son
année a été suffisamment dure, alors Nicolas s'est montré chic
avec elle. En échange, elle logera sous tente au camping de la
Pinède et participera aux concours de pétanque organisés chaque
soir par le proprio du camping. On murmure qu'elle sera sans doute
également obligée de s'adonner à la danse du tapis et des canards
lors des soirées dansantes du samedi. Le soir, elle épluchera les
dossiers délicats de la rentrée à la lampe torche de sa tente de
camping tandis que son jules fera la tambouille sur un réchaud
devant la tente.
Eric W lui est celui qui a le plus
besoin de vacances. Liliane, avec sa délicatesse habituelle, a
maintes fois insisté pour qu'il vienne se reposer sur cette île des
tropiques qu'elle souhaiterait tant lui offrir quand elle cassera sa
pipe. Il a presque dû la frapper pour qu'elle renonce à le
tarabuster avec sa p… d'ile. Non, il ira en famille, lui aussi,
s'entasse à sept dans son soixante mètres carrés de Chamonix et
les Chamonois auront ainsi le privilège de le croiser au Carrefour
du coin, poussant son caddie et clamant aux caisses, c'est moi qui
paye! c'est moi qui paye! Il n'achètera plus aucun journal,
n'ouvrira plus aucun poste de radio, fuira Internet, au besoin en se
réfugiant au refuge du goûter, comme ça, il n'aura plus à savoir
si Liliane lui a encore fait un donc quelconque, ou si, à l'insu de
son plein gré, il est intervenu dans une affaire quelconque de
redressement fiscal. Il mangera au couteau de la tomme de Savoie et
du pain noir, contemplant la vallée à ses pieds et tout le reste
lui semblera… dérisoire.
Valérie, pour se remettre de ses
émotions estudiantines, ira comme chaque année en Corrèze
profonde, pioncer dans la petite maison au fond du jardin de ses
beaux-parents où elle cueillera les haricots verts et les tomates de
son déjeuner et de celui de ses trois enfants en stage chez un
fermier du coin qui les fera trimer à nettoyer le caca des vaches
dans l'étable. Un chapeau de paille sur la tête, elle recevra pour
un thé des plus simples ses amis babos du coin (colliers de perle en
bois et serre-têtes en paille) tandis que son mari, torse nu, binera
les patates de ses vieux dans un autre carré du jardin.
Enfin, seul François, au vu du poids
écrasant de ses responsabilités, sera autorisé à franchir les
frontières. Il se rendra ainsi en Toscane où il alternera camping
et auberges de jeunesse, en famille comme toujours et comme les
autres (sauf Frédéric, dispensé d'obligations familiales pour
cause d'orientation sexuelle). Il visitera la région en vespa, à
moins qu'il ne pratique le stop sur les nationales. Il ne prendra
qu'une semaine en Italie, le reste se passera eh bien famille mais en
France dans la campagne champenoise et sa seule folie sera une visite
au parc Astérix.
Voilà en quelques mots les vacances
fenouillardes de quelques uns de nos dirigeants. Vous me direz, ah
ben ouais mais ils partent quand même EUX! N'ayez crainte… sans
doute que l'année prochaine, la barre franchie des 10 millions de
chômeurs aidant, la baguette à 2 € de même, sans oublier
quelques nouveaux scandales juteux comme l'honnête Eric lavé par la
justice sans enquête ni procès parce qu'il le vaut bien, ou Nicolas
couché sur le testament de maman Bruni lui offrant sa maison dans le
Var en échange d'une prime pour l'emploi versée à la rentrée, les
ministres seront alors carrément privés de vacances et obligés de
rester à demeure. Ils iront à Paris plage en métro, bronzeront
entre le périf et les zonards, devront supplier Nicolas pour avoir
une glace et n'auront droit qu'au macdo pour dîner en amoureux. Ce
sera encore la crise mais elle sera vraiment pour tout le monde,
cette fois.
