Profites en pour te reposer 1

La
Zouflette est arrivée!

Joli
paquet livré en temps et en heure, à l'ancienne mode puisque
l'anesthésiste, un sadique plutôt sympathique, ne s'est finalement
décidé, après étude approfondie de mon dossier, à m'autoriser la
piqûre magique qu'au moment où la Zouflette ayant amorcé sa
sortie. Ce qui fait qu'il m'était à peu près aussi impossible de
ne pas bouger pour recevoir la dite piqûre qu'à Sakineh l'Iranienne
de rester souriante et détendue sous la pluie de pierres de ses
bourreaux (malgré tout le soutien passionnel de BHL).


Après
avoir enfanté dans la douleur, conformément à l'injonction
biblique, j'ai poireauté toute la nuit dans une salle de réveil
glacée avec A endormi sur trois chaises disposées en triangle,
visitée toutes les heures par le médecin de garde, un sadique de
mèche avec l'anesthésiste, qui venait m'appuyer de toutes ses
forces sur le ventre au motif que je saignais de façon sub-normale
et qu'il fallait être vigilant dès fois que « je leur fasse
une hémorragie post-partum », ce qui les obligerait à me
transférer ailleurs, loin de ma zouflette tout juste née, afin
qu'on « m'envoie des ondes radiologiques cautérisantes »
(quelque chose dans ce goût là), à moins qu'on ne soit obligé,
carrément, « de procéder à une ablation de l'organe
saignant », extrémité cependant peu plausible « je vous
rassure ».

A
4 h 30 du matin, enfin, le corps médical considérant que je ne leur
ferai pas le sale coup de l'hémorragie post-partum, j'ai pu dormir 3
heures dans une salle de travail un peu plus chauffée (17 degrés)…
sommeil dont j'ai été extraite par l'arrivée de l'équipe de jour,
tonitruante et amnésique (qu'est-ce que vous faites ici?! Vous
accouchez?! Seule?! Voyons voir votre dossier…). S'en est suivi de
nouvelles pressions motivées sur mon ventre accompagnées d'une
série de prises de sang, à croire qu'ils allaient en faire du
boudin pour nourrir toutes les ex-parturientes du coin.

A
8 h 55, il fut enfin décidé de me transférer dans ma chambre,
hélas double, occupée par une passionaria des jeux télévisés et
des reality show sans oublier le télé-achat de 9 h 02, saines
occupations entrecoupées de coups de fil tonitruants où elle
racontait avec force détails son accouchement (« enfin, j'ai
réussi à la chier… ») avec en bouquet final, l'annonce du
prénom, Lily-Cassandra. Heureusement, après avoir raccroché à 9 h
58, la mère de Lily-Cassandra m'a annoncé qu'elle rentrait chez
elle, aujourd'hui même, et que c'était même tant mieux car ici ils
avaient ni M6 ni Canal +.

J'ai
soupiré de bonheur quand elle a franchi la porte à 10 h 07, me
préparant à pioncer un petit bout. La Zouflette dormait
paisiblement dans sa boîte en plexiglas, j'avais avalé mon
petit-déjeuner comme une rescapée d'une grève de la faim, tout
allait bien et j'ai commencé à m'assoupir. La porte s'est alors
brutalement ouverte sur l'équipe de jour, enfin, la puéricultrice
du jour, qui m'a annoncé qu'elle venait s'assurer de la bonne mise
au sein de la Zouflette (qui dormait et n'avait pas envie de
becqueter). J'ai donc dû extraire la bestiole de sa boîte, la
coller docilement sur un de mes seins pris au hasard et attendre
qu'elle se décide à téter. Ce qu'elle a fini par faire, avec une
avidité presque féroce.

  • Ah
    vous voyez, a dit la puéricultrice d'un air triomphant, elle avait
    FAIM!

Avec
tout ça, la bête était réveillée et n'avait pas l'intention de
me laisser pioncer. De toute façon, une sage-femme a surgi de
derrière les rideaux pour venir une fois encore m'appuyer de toutes
ses forces sur le ventre, ce qui est passablement douloureux quand
vous avez accouché à l'ancienne et n'avez dormi que 3 heures. J'ai
eu une pensée émue pour les gens qu'on torture, avec privation de
sommeil et pression sur le ventre.

Profites
en pour te reposer, m'a dit un peu plus tard ma mère, la grande
Simone quand avertie en songe par A, elle m'a passé un coup de fil
pour me féliciter (plaindre).

  • Deux
    enfants, ma pauvre fille, tu n'as pas fini de ne pas réussir à
    écrire… j'espère au moins que tu n'auras pas l'idée rétrograde
    de demander à nouveau un congé parental…

J'ai
cru que c'était Cléa Culpa qui m'avait appelée mais non, c'était
juste ma mère.


  • en attendant,
    profites en pour bien te reposer, car de retour à la maison, finie
    la belle vie de poule en pâte à la maternité! Je te laisse, j'ai
    Badinter en double appel!

Et
toute la journée, j'ai alterné coups de fil et visites du corps
soignant. Puéricultrice (elle tète bien?), sage-femme (j'appuie une
dernière fois sur votre ventre), aumônière (voulez-vous que je
récite une prière à la petite?), et même l'anesthésiste sadique
(alors, toujours en vie?). Et toujours, à chaque fois, ce même
conseil éclairé, profitez-en pour vous reposer, avant la montée de
lait, avant de rentrer chez vous, avant de reprendre le travail,
avant…

Le
soir, j'étais ivre de fatigue, mais impossible de fermer l'oeil, les
hormones et l'excitation, a statué la sage-femme de garde, une
matrone à profil matone, et c'est pas avec la montée de lait qui
excite les bébés que vous allez pouvoir vous reposer… En effet,
l'enfant modèle qui avait gentiment dormi toute la journée, ses
menottes croisées sur le giron, est soudainement sortie de son
berceau tel Dracula de son catafalque, et a exigé d'être abreuvée
toutes les heures, crachant en geysers entiers un lait qu'elle avait
par trop goinfré. Alors qu'enfin je sombrais dans le sommeil, la
puéricultrice de garde a surgi de derrière les rideaux pour
vérifier que tout allait bien et que la Zouflette avait bien fait
caca dans ses couches, un caca ni trop vert ni trop brun, un caca de
deux jours avec des grains quoi.

  • Allez,
    reposez-vous bien avant le petit-déjeuner, elle m'a lancé,
    perverse, en sortant de la chambre, vous avez deux bonnes heures
    avant le petit-déjeuner!

Qui
a été servi en avance ce jour là, samedi oblige. J'ai mangé comme
dix obèses, la compensation sans doute. Je me suis demandé si tous
ces gens, intérieurs comme extérieurs, qui m'exhortaient à me
reposer savaient de quoi ils parlaient. S'ils avaient jamais vécu ou
approché de près la réalité d'une femme qui venait d'accoucher.
J'en ai déduis que non, ou bien alors, c'est qu'ils étaient
malhonnêtes.

A
10 h 00, alors que je resombrais dans les bras de Morphée, le
téléphone a sonné.

  • C'est
    l'heure du bain! A la pouponnière, vite!

En
titubant, je me suis donc dirigée, sagement, vers la pouponnière où
j'ai eu, au moins, la consolation de trouver d'autres mères hagardes
qui elles aussi avaient été tyrannisés par le divin enfant qui,
pour l'heure, dormait angéliquement dans sa boîte en plastique. A
croire que nous avions toutes donné naissance à une sorte de
docteur Jekill et mister Hyde.

Après
une nouvelle nuit draculesque où après 3 heures de sommeil, une
infirmière cette fois a surgi des rideaux pour me voler un peu de
sang afin de s'assurer que j'étais toujours raisonnablement
anémique, c'était l'heure de la sortie. A est venu me chercher, frais et rose, car il avait bénéficié
de 8 heures de sommeil en continu, le Zébuloon ayant été mis par
ailleurs en pension chez la grande Simone puisque A après tout avait,
lui aussi, le droit de se reposer avant le retour du nouveau petit
Dracula.

De retour chez
nous, la Zouflette dormait paisiblement dans son couffin et tout le
monde, A, la grande Simone et les voisins de palier, ont convenu que
cette enfant avait l'air bien paisible et facile. Je n'ai pas cherché
à faire entendre mon opinion personnelle, j'ai juste filé
discrètement dans la chambre et sous ma couette, j'avais au moins
une bonne heure de sommeil devant moi, profitons en pour nous
reposer, comme aurait dit le corps maternant.

One comment on “Profites en pour te reposer

  1. Reply ln22 Sep 15,2010 10:01

    bienvenue encore à la zouflette ! et repose toi ……………….des propos fatigants !

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