Marie au pays des cabanes, des fjords ou des sushis?

Je
voyageais beaucoup en ce moment, le tout sans bouger d'un rayon de 2
km autour de Montreuil la grise.

En
effet, A, de plus en plus remonté contre ces entrepreneurs français
qui ne se décidaient pas à reconnaître ses compétences de nerd
senior, surtout ceux d'entre eux situés au sud de la France dans un
rayon de 30 km autour de l'axe Montpellier-Aix en Provence-Sofia
Antipolis, s'était tourné résolument vers l'International.

Après
avoir grogné que my english level, my golden place et my destiny of
french writter (certes under construction) ne me permettaient pas de
m'éloigner de Montreuil la grise d'un rayon de plus de 2 km, je
m'étais rendue à ses arguments.

  • Ton
    niveau d'anglais? Eh bien justement, voilà une occasion de
    l'améliorer en parlant peut-être, en plus, une nouvelle langue!

  • Ta
    place en or? Fais moi rire! Mis à part le chauffage central et
    l'assurance de croupir en paix jusqu'à ta retraite, je ne vois
    vraiment pas ce qu'a de doré, ton job de soutier du Livre!

  • Ton
    destin d'écrivain en devenir? Eh bien justement, partir t'ouvrira
    des horizons insoupçonnés quand on est condamné au ciel bas et au
    métro-boulot-dodo! Tu vas entièrement renouveler ton écriture ce
    qui, par parenthèses, ne sera pas du luxe te concernant ma
    vieille…

Comment
devais-je prendre? (améliorer, soutier du livre, renouveler). Comme
je voulais le prendre car cause toujours, A s'était déjà mis en
quête et moi, ma foi, je me disais que cette fois, si je passais à
l'International, le Syndicat du crime ès livres serait loin, très
loin derrière moi, la vie antérieure même.

A
a mit tout d'abord le cap sur le Canada, Montréal, un plan qui
semblait tellement acquis (je converse sur twitter avec un gars qui
connaît un gars qui a un contact chez Bibisoft qui lui a dit que…)
que je me suis précipitée chez Folies d'encre pour y acheter des
guides sur le pays et sur Montréal avant même qu'il n'ait
véritablement envoyé son CV. Le gars qui connaissait un gars qui
etc lui avait assuré que la vie à Montréal y était douce, les
habitants, extrêmement sympathiques, les espaces verts, nombreux,
les appartements, pas chers, la nature, grandiose, l'automne indien,
sidérant, etc n'en jetez plus, je fais les valises.

Je
me voyais déjà patiner sur le lac du Luxembourg local…

  • Ouais
    sauf qu'il y a pas de lac… (A feuilletant le guide)

Eh
bien nous skierons chaque week-end aux alentours de Montréal, les
plus proches stations étant situées à à peine 1 heure de route.

  • Sauf
    embouteillages, là ça monte à 3 h 00, et y en a forcément car
    tout le monde a la même idée le week-end… (A toujours)

Et
sinon, l'été nous aurions une petite cabane en rondins au fond des
bois, et au bord d'un lac somptueux dans lequel se reflèterait les
sommets des monts euh chose et truc tandis que A, une toque en poil
de castor sur la tête…

  • Pour
    un végétarien, bravo la toque en poil de castor (Cléa Culpa,
    envieuse forcément).

  • Je
    risque de ne pas avoir beaucoup de congés tu sais… (A réaliste)

  • L'été
    il y a des moustiques épouvantables qui hantent les bords de lac
    qui, de fait, ne sont accessible que de la mi-juillet à la fin de
    ce mois (Cléa culpa le tenant d'une lointaine cousine québécoise).

A,
donc, sa casquette de toile sur le crâne, allumerait un feu de bois
pour éloigner les insectes et y faire cuire nos pancakes avec le sirop d'érable acheté
auprès d'un sympathique bûcheron québecois

  • S'il
    est bûcheron comment peut-il vendre du sirop d'érable? (la voisine
    du premier, de passage chez nous pour nous emprunter un livre).

  • Tu
    sais, les cousins québécois, ils n'aiment pas trop leurs cousins
    de France, si prétentieux et si arrogants (le mari de la voisine
    qui le tenait d'un gars qui connaissait un gars qui, etc)

Quant
à moi, entre des cours de français alloués aux étrangers et
l'écriture de mon nouveau roman bourré de termes empruntés à la
langue des cousins, je serai enfin…

  • Des
    cours de français? Dans un pays francophone? (A, rigolard)

  • Un
    nouveau roman? Parce que tu crois que je vais rester sagement t'attendre à
    Montreuil?! (ma non muse, soudain réveillée).

De
toute façon, A ne reçut jamais aucune réponse, le DRH de Bibisoft
ayant dû faire une boulette arrosée de sirop d'érable de son CV
avant que de l'enterrer sous les deux mètres de neige encadrant
l'entrée de sa boîte. Le gars initiateur du processus prétendit
être parti chasser le rêne juste à ce moment là, il n'avait en
conséquence aucun écho à transmettre à A (n'insiste pas merci).

J'avais
donc rangé les guides du Canada et de Montréal, en grognant que
c'était bien la peine de me faire ainsi de fausses joies ce à quoi
A rétorqua qu'il y a seulement deux semaines, je pleurnichais tout
ce que je savais à l'idée de quitter ma merveilleuse vie pleine
d'avenir à Montreuil sous flotte.

Puis
ce fut le nord de l'Europe, Stokholm, Suède. A avait un plan par
internet (un forum) avec un Suédois fabriquant de jeux video de
guerre, ce dernier cherchait en effet quelqu'un pour coder les
rivières de sang et les membres sectionnés, bien sûr, j'avais dit
non, on a ses valeurs tout de même mais au train où allaient les
choses, A flippait de finir réparateur de disque dur pour Farrecourt,
alors j'avais lâchement obtempéré, c'était toujours une
expérience à vivre, sur quelques années et la guerre en video
c'était pas comme la guerre en vrai n'est-ce pas?

  • Ben
    voyons… (la non muse et Cléa Culpa en un choeur uni)

Alors
défilèrent les fjords suédois, Stockholm la belle, claire et
lumineuse…

  • Enfin,
    quand il ne neige ni ne pleut… (Cléa culpa, vengeresse)

Avec
encore du ski de fond dans les parcs, et du patin sur ses lacs, Nils et ses
oies sauvages à portée d'horizon…

  • Quand
    tu verras un gamin dans le ciel monté sur une oie, fais moi signe,
    on mettra la veste qui se ferme dans le dos (ma non muse,
    sardonique)

Les
escapades en Scandinavie dans la lumière d'été, magnifique l'été
d'ailleurs quoiqu'on en pense…

  • Remarque
    ça peut hein… avec un hiver qui dure six mois et présentant en
    moyenne 6 heures de jour par 24 heures… (Cléa Culpa, goguenarde).

On
aurait comme tous les Suédois, une petite maison en bois avec un
sauna en plein air, ah la fumée flottant sur la source d'eau
chaude…

  • Tu
    ne confondrais pas avec l'Islande dès fois (A, feuilletant
    fébrilement le guide que j'avais déjà acheté)

  • Une
    maison? A Stokholm? Tu comptes jouer au loto d'ici votre départ?!
    (une autre voisine, venue chercher un colis atterri chez nous)

De
toute façon, mauvaises langues, A n'eut jamais plus de nouvelles du
Suédois dont il avait peut-être eu, qui sait, le simple avatar en
ligne, c'est tellement factices ces social networks.

Enfin,
et finalement, A mit le cap sur le Japon, à l'autre bout du monde
(et du syndicat du crime ès livres, donc). Là, il était sûr,
archi sûr, un Japonais prénommé Socrate l'avait contacté…

  • Mais
    non, un Français nommé Socrate travaillant dans une boîte
    japonaise m'a contacté! (A, sur les nerfs car devenu tout
    nipponophile d'un coup)

Il
avait même cette fois ci passé un entretien avec ce dernier et son
responsable, monsieur Yamayuki…

  • Mais
    non, suis donc un peu! Je n'ai quand même pas eu le big boss en
    personne au téléphone mais juste le chef du département R&D
    où je travaillerai, Nicolas Sarcosie!

  • Nicolas
    Sarcosie?! (moi, sidérée)

  • Oui,
    c'est le même nom que l'autre mais ça s'écrit pas pareil!

  • Ils
    ont des noms drôlement proches des nôtres, les Japonais quand
    même…

  • Mimi,
    m'a répliqué A excédé, il est temps que tu retournes au travail,
    ta mère a raison, tu deviens complètement tarte…

Pas
du tout, j'angoisse juste. Le Japon? Connaît pas. Vite, des images,
positives les images si possible… Alors, déjà, le mont Fuji avec les
cerisiers en fleurs.

  • Et
    les tremblements de terre, terribles… (une troisième voisine, de
    retour d'une mission à Haïti)

Les
pagodes en bois avec leurs offrandes de toutes les couleurs.

  • Et
    le confucianisme qui va avec… sans oublier la tradition,
    écrasante, et les rituels rigides, omniprésents… (le curé de
    l'église d'à côté).

Tokyo
et ses lumières, ses parcs, ses palais.

  • Et
    la foule au sortir des bureaux, infernal… au point qu'une
    fourmilière, c'est le Larzac à côté…

  • Sans
    compter les gros bas que l'on paye pour pousser et entasser les gens dans le
    métro aux heures de pointe (un employé de bureau parisien en
    conversation avec un usager de la gare saint-Lazare)

Sa
nourriture raffinée, avec son rituel du thé si délicieux.

  • A
    propos de nourriture, entre les poissons à tous les repas et
    l'absence de fromages, vous allez faire comment les végétariens là
    bas? (le boucher-poissonnier-fromager du marché)

Ses
rizières d'un vert étincelant.

  • Accrochez-vous
    pour trouver du riz bio là bas! (une caissière des nouveaux
    Robert, notre supermarché bio chéri). C'est rien que des OGM!

  • N'achetez
    rien qui provienne d'Hiroshima surtout, c'est encore truffé d'ondes
    radiocatives plus de 60 ans après! (une autre caissière des
    nouveaux Robert)

Sa
langue subtile et pleine d'images.

  • Quant
    à parler japonais, ma pauvre enfant, déjà que l'anglais c'était
    pas ça… bon courage isn'it! (madame Moussman, ma prof d'anglais
    de cinquième soudainement resurgie pour me donner son point of
    view).

Etc,
etc.

  • Je
    ne veux pas y aller! J'ai rétorqué à A. Pas question!

  • Tu
    préfères rester à Montreuil et retourner au Syndic dans quatre
    mois? M'a-t-il bassement répondu.

  • Entre
    Montreuil et le Japon, y a un juste milieu quand même… j'ai
    protesté.

  • Quoi?
    Il a grondé. Islamabad? C'est à peu près au milieu de la carte!

  • Ahahah…

De
toute façon, il était déjà parti acheter des guides sur ce pays,
le Japon, car moi je refusais de dépenser à nouveau pour m'informer
sur des pays qui, à chaque fois, nous glissaient de dessous la
semelle.

Mais
je me suis tout de même préparée à partir vivre loin, très
loin…

Leave a Reply