Ma non muse avait dû
totalement relâcher sa surveillance, à moins qu'elle n'ai délégué
en lieu et place ma propre fille, la Zouflette, pour prendre sa
relève.
En effet, j'avais renoué
depuis peu avec l'écriture, la vraie… Disons que je m'étais
plongée dans l'écriture d'une pièce de théâtre, au motif que des
amis à A avaient un ami et voisin éditeur de pièces de théâtre
« dans lé sud, à Valbonné, avec lui, tu es sûre d'être
publié!». Enfin presque, avait ajouté prudemment l'un d'entre eux,
en raccrochant brutalement.
-
Bizarre, m'avait dit
la non muse, c'est vraiment un éditeur cet ami ou juste un type qui
a hérité d'une vieille ronéotypeuse et a envie de s'en servir
pour distribuer des feuilles de choux sur le marché dé Valbonné?
m'enfin, si ça t'amuse… toi qui non seulement n'a jamais écrit
de pièces de théâtre mais n'y va jamais… tente ta chance, hein,
ça ou rien faire, vaut toujours mieux ça!
Sur ce, elle avait
disparu, laissant cependant le soin, je le répète, à ma propre
fille de parasiter mon travail en se réveillant systématiquement à
5 h 00 du matin pour me raconter bruyamment sa vie pendant 2 heures
tout en se frottant la mâchoire, ayant décidé de ne plus s'arrêter
de faire des dents. Ce qui fait que souvent ma cervelle avait des
ratées, et je piquais du nez sur mon écran mais enfin, je
travaillais… et renouais aussi avec la frustration qui était de ne
pas avoir assez de temps pour écrire ce qui semblait bien parti pour
aboutir à quelque chose tant le flot des mots était quasi continu
(là je touche dix troncs de chêne).
Beaucoup d'élément se
dressaient ainsi entre moi et l'écriture.
La Zouflette au petit
matin (atatatatata… ta? Tata! etc), le Zébulon tout le long du
jour (Maman, je veux sortir! Tout de suite! Maman, j'ai fait un gros
pipi par terre! Maman, tu viens voir ma cabane? etc), A (je dois
absolument finir ce programme avant de partir au Japon, alors sors le
et emmène la petite, elle a besoin de prendre l'air!), le ménage
(c'est fou ce que deux enfants et un homme adulte peuvent salir une
maison), les courses (c'est fou ce que deux enfants et un homme
adulte peuvent manger dans une semaine), le linge (c'est fou ce
que…), la nécessité de dormir (mon Royaume pour faire partie de
ceux qui n'ont besoin que de 6 heures de sommeil par nuit), et puis,
encore et toujours, le Japon…
Ben oui, A tenait bon, il
partirait le 30 mai démarrer son contrat du siècle, me laissant
pour au moins un mois seule avec les deux moutards, ma non muse en
profitant pour prendre ses congés annuels…
-
… parce que tu
comprends, seule avec 2 gosses et un mari à l'autre bout du monde,
un monde rempli de répliques sismiques, d'ondes radioactives et de
geishas tout aussi radioactives, pas de risques que tu écrives
beaucoup, ma vieille, hahaha…
En attendant, j'écrivais
et parallèlement, je continuais à relever toutes ces informations
contradictoires qui peu à peu me dessinaient un Japon et des
Japonais.
On ne parlait plus de
Fuckushima, les choses devaient être en train de rentrer doucement
dans l'ordre, c'était au moins une bonne chose.
-
Tu rigoles?! Il y a
encore des fuites radioactives, il y en aura au moins jusqu'en 2012,
le temps qu'ils réussissent à construire et à installer leur
foutu sarcophage de béton géant… les légumes à 100 km de la
centrale sont ultra radioactifs bien qu'à nouveau commercialisés…
quant à la mer, n'en parlons pas, avec leurs rejets régulers d'eau
hautement radioactive, tu peux faire une croix sur les poissons et
les algues pour au moins 25 ans… tiens, je t'ai découpé un
article paru dans le dernier Politis!
Arigato gazaimasu.
-
La belle-fille d'une
amie de mes belles-soeurs (les jumelles, tu te souviens?), a
elle-même une belle-soeur japonaise qui est retournée à Tokyo
enterrer son père (mort d'un cancer à tout juste 50 ans), elle dit
que ça allait à peu près… si ce n'est qu'il fallait porter en
permanence une casquette sur la tête (poussières radioactives) et
qu'en cas de pluie, il fallait SURTOUT ne pas sortir ou bien
alors couvert de la tête aux pieds, et de retour chez soi, SURTOUT,
laisser ses vêtements dehors… tiens, je t'ai mis en lien un site,
www.bigcatamoxandcesiuminjapan.com, qui te donnera toutes les infos
utiles…
Merci, fallait pas.
Heureusement, les
Japonais sont zen, bien élevés, polis, discrets, toujours désireux
de rendre service.
-
Ouais, sauf dans le
métro, ils tueraient l'empereur lui-même…
Mais qui ne tuerait pas
l'empereur lui-même dans le métro? Hein?
Ils sont pénétrés du
sentiment profond de l'impermanence de toute chose ici bas. La vie
est contingente et ne tient qu'à un cheveuxde crâne de moine zen.
C'est pour cela qu'ils savent profiter à fond de l'instant présent
et qu'il n'est pas faux de les qualifier de bons vivants.
-
Ah bon? T'es sûre?
Parce qu'à les voir travailler quatorze heures par jour y compris
les jours fériés et de catastrophes naturelles, ça saute pas aux
yeux, leur bonne vivantitude…
Les Japonais
entretiennent un rapport privilégié avec la Nature, ils la savent
aussi dangereuse que généreuse, aussi clémente que violente, et
même au sein d'une très grande ville comme Tokyo, on trouve
toujours des petits coins de vert paradis.
-
Ah ouais? Où ça?
Non parce qu'entre les néons et les affreuses constructions en
béton armé, sans oublier les gigantesques tours, la Nature, je la
cherche encore…
Les Japonais, parce que
leur religion est le zen, dérivé du bouddhisme, ont une vie
spirituelle très intense et sont détachés du tout matérialisme.
-
Ah tiens donc? Les
petites culottes des lolitas nippones collectionnées même pas par
des vieux messieurs libidineux, c'est zen ça? Et tous leurs
gadgets, gogoneries et high tech divers et variés, c'est pas du
matérialisme ça?!
Les Japonais sont
respectueux de l'étranger…
-
… mais un poil
racistes… voire très racistes… vous allez galérer pour trouver
un Nippon qui accepte de vous louer son 23 mètres carrés même à
2500 €…
… ils sont accueillants
et toujours prêts à vous aider. Ils sont aussi très gentils et
curieux de connaître qui vous êtes et d'où vous venez.
-
Ouais ouais… ils
sont surtout super mystérieux, et même dissimulateurs… charmants
tant que tu restes en dehors, larguée en raison de ta
méconnaissance de la langue, des us et des coutumes… approche un
peu leur réalité identitaire, même par accident, tu m'en diras
des nouvelles… de vrais murs, glaciaux et même hostiles… un
conseil, apprends le minimum mais pas plus!
En bref, le Japon et ses
Japonais sont plein de contradictions, mais qui ne l'est pas hein?
(oui mais eux, c'est
vraiment TROP! Ta gueule!!)