La dure vie du salaryman au Japon

Bon, pendant que je vis
ma housewife de vie de flemmarde…

  • … ah ça, Mimi, tu peux le dire, t'as la
    belle vie! Je t'envie Mimi!

Une camarade salariée,
sur skype, qui pense sans doute que s'occuper de petits enfants
c'est comme trier des papiers dans son bureau, on les range dans un
tiroir et ils n'en bougent plus.

… le père de mes
enfants, le mari de la housewife, donc, va gagner l'argent de la
famille dès poltron minet (9h00 du matin au plus tôt). C'est donc
par lui que me parviennent des nouvelles de ce nouveau monde qui est
le nôtre, et encore… étant donné qu'il travaille avec des
Français et ne parle pas japonais, sa connaissance à lui de ce
monde là est également modeste et limitée.

Dans sa boîte en tout
cas, ça n'est pas, par certains aspects, la furie furieuse du modèle
laborieux japonais qu'on nous avait promis. A arrive vers 9h30 et
repart vers 19h00, ce qui est semble raisonnable pour un cadre en
informatique…

  • Surtout vu son
    salaire!

Une caissière aigrie sur
skype (cléa culpa). Ouais pas tant que ça, le salaire ma vieille,
surtout à Tokyo quand on doit faire bouillir ses nouilles à la
volvic et acheter du camembert importé pour éviter un sevrage trop
brutal à ses gosses, sans compter le loyer, le gaz et…

  • Ok, c'est bon
    Cosette, continue!

La copine salariée,
celle qui pense que s'occuper des mouflets c'est du rond de cuir en
barre avec sport et loisirs à tous les étages.

En tout cas, pour le
moment, reconnaissons qu'on ne le tue pas à la tâche, il échappe
ainsi sans difficulté à cette habitude nationale des Japonais qui
consiste à dormir partout et à tout moment dès que l'occasion ce
présente. Essentiellement dans le métro mais on voit aussi des
taxis arrêtés sur le bas côté, warning allumés, moteur tournant
(la clim), un bandeau sur les yeux, dormant profondément, la bouche
ouverte… Où que vous soyez, il y en aura toujours un ou deux pour dormir à poings fermés, même hier où j'étais au kodomo no shiro
(le château des enfants), il y avait une mère qui s'était mise
dans un coin et dormait profondément tandis que sa fille de dix ans s'occupait
du bébé.

Bref.

A part ça, dans sa boîte, on y soigne la kimochi,
entendez l'ambiance, que l'on dit si importante dans la vie sociale
du Japonais. Ainsi, exemple de kimochi, réunion tous les lundis matins de toute la boîte (une
centaine de personnes) où un martyr pris parmi les cent salarymen ou
women (cela change chaque semaine, tout le monde y passe), est chargé
de faire un petit speech de 3 minutes sur un sujet de son choix. A
s'en est bien tiré en présentant un power point sur son voyage de
tour du monde, avec pompes et puits japonais dans la brousse
africaine, une photo des chaussures d'un jap ayant randonné avec
lui et un sushi arpentant une allée de dahl en Inde (je plaisante). Je
ne sais pas ce qu'il fera quand ce sera à nouveau son tour car son tour reviendra vite puisqu'ils passent parfois à 2-3 par semaine (un
powerpoint sur les écrits de sa femme?!).

Question kimochi,
A échappe tout de même à ces réunions où, en cercle autour du
boss, les employés sont exhortés à force de han et de ho à
fournir plus d'efforts pour les bienfaits de l'entreprise notre père
à tous n'est-ce pas. Car le Japonais aime à se réunir en cercle,
avec la tête décidante (du moins censée décider, on verra par la
suite que ce n'est pas le fort des Japonais, la décision…) en son
centre qui encourage ses troupes avec force onomatopées. J'en ai
même vu un exemple derrière la vitrine d'un magasin où le
contremaitre? chef de rayon? stimulait ses troupes en cercle autour
de lui lesquelles, telle une armée de bonne volonté, lui répondait par des ho et des
ha virils.

  • Bon mais peut-être
    qu'en fait ils se récitaient des haïkus?

Une amie poétesse sur
skype, qui n'aime pas qu'on colle trop facilement à l'image des
Japonais en fourmis serviles.

Autre aspect du kimochi,
deux fois par an, à chaque fin de semestre donc, le patron de A
réunit ses troupes, fait un petit discours où il présente les
derniers chiffres de la boîte et offre ensuite à ses honorables
employés un somptueux buffet avec bières à gogo sur le toit des
bureaux qui dure de 15h00 à … je ne sais quelle heure. Je précise
qu'on peut se bourrer la gueule, ça n'est pas contradictoire avec la kimochi, bien au contraire (il faut juste éviter
d'insulter le patron ou de lui vomir dessus sa vingtième binouze).

La moyenne d'âge des
salariés est basse dans cette entreprise, environ 32 ans et des
brouettes, si j'étais engagée comme programmatrice, attachée de
fesses, aide photocopieuse ou statisticienne, je serai une aïeule à
qui on donnerait du san (particule de respect que l'on ajoute
à la fin de votre nom) à tous les coins de couloir. Les collègues
français de A sont particulièrement jeunes, entre 25 et 30 ans, et comme il y
a aussi pas mal de jeunes Japonaises qui travaillent à leurs côtés
(ou du moins guère loin), encore épargnées par la crainte de
l'ovaire flétri et de la chose matrimoniale empêchée, c'est dans
une ambiance plutôt pas mal potache qu'A évolue, aux heures de
table du moins.

Car en vérité je vous
le dis, le loft vous a parfois des côtés Académie française dans
ce qu'il me rapporte de leurs récits (à ses collègues) de vie,
dont la pause déjeuner fournit un excellent prétexte à racontars.

En couple ou pas, le
Français, du moins dans cette boîte là, a pour priorité de boire
et de tâter de la chose sexuelle le plus possible. Il y a souvent la
copine japonaise qui patiente en attendant le mariage et tolère
ainsi les frasques de son fiancé français en travaillant avec
acharnement puisque, une fois bagué, ne doutons pas que le petit
mari français deviendra un autre homme, fidèle et sobre, c'est
évident, quand elle-même, devenue mère de famille, se fera éconduire de tout poste un tant soit peu à responsabilités. Bon, en attendant, il faut que (post)jeunesse se fasse… aussi, un tel va se faire masser les couilles
dans un salon spécialisé, un autre donne des rendez-vous tout juste
secrets, un troisième drague ouvertement une autre Japonaise devant
sa fiancée…

  • Ah ça le complexe
    de supériorité de l'homme blanc, c'est quelque chose!

Une amie ethnographe et
anti-colonialiste convaincue (concernant l'Afrique, du moins).

Sauf qu'il faut compter
aussi avec les Coco les gros lolos, les Miki faussement sainte
nitouches et les Yoko chocho pas chochote. J'imaginais la japonaise
prude et virginale, tu parles, elle n'est pas la dernière à tâter
de la chose, surtout si la chose vient d'ailleurs. D'autant plus que
si le fiancé occidental peut se calmer une fois marié, le mari
japonais, lui, ne semble pas décidé à s'adonner ni à la sobriété
ni à la fidélité conjugale une fois passé de l'autre côté. Quant à sa femme,
entre horaires impossibles du kindergarten (il est 14h02, vous pouvez
venir chercher Youki, ça fait déjà 2 minutes que nous sommes
fermés…), nurseries archi complètes et refus des patrons japonais
d'embaucher une femme reproduite à un emploi qualifié et
intéressant, gageons qu'elle aura d'autres chats à fouetter une
fois reproduite. Aussi, la femme japonaise
moderne, c'est à dire qui parle un minimum anglais et a dépassé la
high junior school, aura une nette tendance à se chercher un mari
non nippon, qui, avec un peu de chance, l'emmènera vivre loin de ce
pays, système et famille tous également pétris de conformisme (non, ma fille, tu
n'iras pas pointer…).

Il y a donc, vous
disais-je, Coco les gros lolos, une salarywomen à belle poitrine,
grande qui plus est, ce qui est rare pour les citoyennes de ce pays,
qui fait de la programmation aux côtés des french salarymen, et les
affole, surtout un petit à lunettes façon beau gosse de Riad
Sattouf, son nez arriverait pile entre les deux mont Fuji de la dame
s'il se mettait sur ses pieds pour lui claquer un french kiss. Il y a
aussi Miki la sainte nitouche, je préfère qu'on reste amis, qui
affole depuis plusieurs années un de ses collègues nippons, Keiko
du rateau qui, malgré son patronyme, s'acharne à se sortir la
demoiselle. Il paraît qu'à la dernière soirée où il s'était
traîné, malgré une précédente nuit terminée à 5h00 du matin
dans un love hotel (mais juste pour dormir), il faisait des efforts incommensurables pour garder les yeux ouverts quand Miki était dans
un rayon de moins de 10 mètres mais s'effondrait sur son siège dès
qu'elle s'en éloignait.

A cette avant-dernière
soirée justement, où Keiko du Rateau a fini sa nuit dans un love
hotel, c'était en compagnie de Tigibus, Coco les gros lolos et Miki
je préfère qu'on reste amis, car à force de boire et de deviser
(mais mon dieu sur quoi?!), les métros étaient rangés et le logis
trop loin pour s'y retourner à pieds… Tigibus d'ailleurs n'avait
même pas pu dormir car il avait dû resortir acheter à manger dans
un kombini (épicerie ouverte 24h/24) avec Coco les gros lolos
venue sauter sur son lit en braillant J'ai faim! J'ai faim! J'ai
faim.

Bonjour la kimochi

Mais n'allez pas penser
que les Français environnant sont des sortes de désaxés du monde
du travail et de la vie en général. En effet, c'est une pratique
courante que de finir dans un love hotel, même en tout bien tout
honneur, (comme la bande des 4 ci-dessus), la soirée ayant perduré,
les bières ayant tinté, les métros ayant fermé. Il y a même,
paraît il, de ces sortes d'hôtels à dortoirs remplis de cadres
bourrés qui viennent finir là la nuit avant que de retourner au
matin travailler dans leur entreprise. Avec ça, je ne m'étonne plus
qu'il y ait tant de gens en cravates dormant dans le métro leur
attaché-case sur les genoux, le menton par dessus, ou bien même
franchement affalés contre la barre du siège.

En tout cas, en dignes
salarymen, les collègues de A, après avoir bu toute la nuit et
dormi 3 heures, étaient à leur poste le lendemain, pas très frais
il est vrai…

  • Mais monsieur Akira
    Silikoneko, il ne dit rien?

Moi, inquiète de ce que
pourrait penser monsieur Silikoneko des Français. Pensez-vous! Il
n'est lui-même pas le dernier à sortir avec ses ouailles jusqu'à
des 4-5 heures du mat et rentrer bourré chez lui (ou dans un love
hotel). Il n'a que 45 ans et tient donc bien la route, ma petite
Mimi-San…

  • Mon dieu… vas-tu
    devoir faire la même chose au nom de la sacro sainte kimochi?

Moi, inquiète à l'idée
de passer et la journée et la nuit toute seule, pour retrouver un
mari imbibé le lendemain avec pendue à son cou une coco les grosses
loches. Sans compter que j'imagine la frustration des 2-3 pères de
famille qui, bien que mariés à une Japonaise, ne s'autorisent pas,
semble-t-il, ce genre de festivités post-potaches… mais jusqu'à quand?

  • Bah, t'inquiète,
    ils se bourrent la gueule au resto dès que l'occasion s'en
    présente…

A, consolatoire,
s'ouvrant sous mes yeux inquiets une petite bière au retour du
travail.

Et pendant ce temps là,
la terre tremble encore et toujours, à Fukushima notamment, par
ailleurs dévastée par des inondations en raison de ces pluies
diluviennes qui nous tombent dessus alors qu'il serait censé faire
très beau et très chaud à cette époque, avant que ne survienne la
saison des pluies de septembre.

Ailleurs, là où il fait vraiment chaud et beau, on exhibe les vieux
dictateurs en cage, qui
ont tant tardé à se faire déboulonner qu'ils ont l'air de petits
vieux sans défense, on fait s'arrêter son petit Tgv dans son bled
de coeur (Fillon le filou) tandis qu'il n'y a plus un sous pour la
soupe et le galetas des homeless, ou bien, en ex chanteuse et femme
de nico, on cambre la taille et on sort le ballon, qu'on ne sait
toujours même pas pour quand c'est (jamais!!!!).

Ben oui, entre deux cris
de Zébulon, j'arrive à capter un peu ma radio chérie, France
inter…kimonchi, kimochi.

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