Le onsen (ou quatre blancs transformés en homards)

C'est pas tout ça mais
il faisait chaud, très chaud, ce vendredi en fin de journée à
Kawaguchi-ko où nous passions le week-end.

Ce qui fait qu'on était
tous, de la mère au bébé en passant par le père et le fils,
également sales et suant, avec une belle envie de se plonger dans
l'eau. Aussi après avoir pris le téléférique pour aller non voir (comme l'usage le veut) le Fuji-san, mangé une glace et regagné notre guest-house,
avons-nous mis le cap sur les bains à côté, A me
houspillant de ce que j'avais une fois encore oublié les brassards
de ce pauvre Zébulon qui allait encore boire la tasse et griffer les
bras de son père où il s'accrocherait tel un noyé de la méduse.
J'avais aussi oublié les serviettes mais la machine qui vendait les
billets se proposait de nous en vendre alors c'était pas la peine de
râler hein quand tu pouvais aussi bien y penser toi-même.

La machine en question se
dressait dans le hall d'un vieux bâtiment, qui ressemblait à un
temple et que nous avions atteint après avoir traversé un patio
bordé par un petit jardin à la zen, bassin de poissons, graviers
bien peignés, petits arbres aux branches taillées en ronds,
panneaux de bois et ardoises au sol, bref, comme on imagine les
jardins à la japonaise. Les serviettes achetées avaient la taille
de deux mouchoirs cousus bout à bout mais ça nous suffirait
n'est-ce pas, il faisait si chaud, les enfants ne payaient pas, tant
mieux car nous c'était tout de même 1000 yens la baignade.

On a longé une sorte de
salon façon arabe où des corps gisaient sur des coussins le long de
tables basses, thé, bière ou soda dans les verres, et on s'est quitté
devant nos vestiaires respectifs.

Et c'est là, en passant
de l'autre côté et en tombant sur une femme nue que j'ai réalisé
que ça n'était pas du tout une piscine et donc un bain mixte, mais
bel et bien un onsen, un de ces fameux onsen dont mon
Lonely planet me rebattait les oreilles… Pauvre A, il n'aurait
même pas une micro serviette pour s'essuyer avec le Zébulon vu que
c'est moi qui les avais conservées!

  • Je reconnais bien là
    ton organisation, Mimi!

La grande Simone, au
rapport sur skype, son carnet de choses prioritaires absolument à
faire en main.

  • Et peut-on au moins
    savoir ce qu'est au juste un onsen?

Une skypeuse passant son week-end de la vierge, seule dans un Paris déserté, et qui au moins aimerait se cultiver.

Eh bien, un onsen
est un bain d'eau chaude provenant de sources volcaniques. Comme le
Japon est très volcanique, il y a donc énormément de onsen
disséminés un peu partout dans tout le pays. Jadis, ils servaient
de salles de bain aux Japonais comme les Arabes usaient de leurs
hammans, et nous, il y a plus longtemps encore, de nos bains publics
désormais fréquentés essentiellement par les Sdf et les locataires
de foyers Sonacotra.

Les Japonais continuent
de s'y retrouver, pour s'y délasser essentiellement, se masser, se
frotter, cancaner, et échanger des informations essentielles sur la
vie du quartier (enfin je suppose). Il y a les bains chics, avec
peignoirs et épaisses serviettes fournies, façon
thalasso-thérapies, les bains publics de quartier (sentô), et les
bains de plein air, comme celui-là, certains étant même en pleine
nature, entre deux rochers et trois ravins, et là je suppose que
c'est absolument merveilleux.

  • Et après? Quelle
    est la situation de la femme dans le onsen au regard de cette
    société machiste?

Tante Babe,
obsessionnelle.

Eh bien, question
situation de la femme, je tombe sur des femmes nues ou semi-habillées
devant des casiers à chiffre comme dans les piscines, mais pas de
cabines en vue. Derrière la vitre, j'aperçois les bains, une partie
dedans, une autre à l'air libre… Il faut visiblement se
déshabiller dans cet espèce de couloir que traversent des femmes
nues ou semi-habillées, le cheveu trempé, leur panier à l'épaule.

Alors, allons y…
heureusement encore que j'ai fait hier soir usage in extremis de la
datsumo wakkasu (cire épilatoire) péniblement dénichée dans un
drugstore d'Hastudai, ce qui m'a au moins permis d'endiguer un peu
l'avancée du poil sur mes membres inférieurs, la Japonaise devant
avoir le poil aussi rare que faiblard étant donné la qualité des
bandes vendues, il m'en a bien fallu 20 pour déblayer le terrain, et
que…

  • C'est passionnant
    Mimi, franchement, et la Culture japonaise millénariste hein dans
    tout ça?!

Ma mère derrière ma
tante Babe, son guide bleu à la main.

Bref. Je me suis
dignement déshabillée devant le casier numéro 12 avant que de
m'occuper de mettre la Zouflette en couche piscine, histoire qu'elle
ne saligote pas tout le onsen, ce qui faisait que de toutes
les femelles présentes, c'était la seule habillée.

Puis, l'air dégagé, ma
fille en cache-sexe, je me suis dirigée vers les lavabos, je me suis
assise sur le petit banc pour me laver comme on m'avait expliqué
dans le Lonely planet, savon, shampoing, démêlant fournis,
Shisheido s'il vous plait, une brosse pour se gratter les pieds, une
écuelle pour se renverser de l'eau sur le corps, un coup pour moi,
un coup pour la Zouflette, ravie de patauger sur le carrelage. Ra le
bonheur de se sentir devenir propre, rafraîchie malgré l'eau plutôt
tiède, et la position peu confortable (il convient de se laver sans
se lever du petit banc, ce qui serait une faute comportementale
dommageable).

Ensuite, eh bien,
dirigeons-nous nue, et digne, le bébé à bonne hauteur, vers le
bain du dehors car le ciel est bleu, le soleil, revenu, tout appelle
à se détendre en plein air. Totemo atsui desu ne, je balbutie en
rentrant dans une eau qui me paraît parfaite pour faire bouillir des
oeufs. Bien entendu, personne ne comprend ce que j'ai balbutié
(c'est très chaud hein?!) mais en revanche, une fois encore, tout le
monde n'a d'yeux que pour la Zouflette que j'assois
précautionneusement sur mes genoux dans l'eau si chaude qu'un
pédiatre français hurlerait à la mort s'il voyait ça.

  • Sans compter la
    bouffe super salée avec le shuyu… et les yaourts
    pré-sucrés… et encore, on ne lui parle même pas de Fuck-shima,
    à votre pédiatre franzu

Une pédiatre japonaise,
nue dans le onsen, à mes côtés. Enfin, je suppose.

En tout cas, prendre un
bain brûlant en plein air avec le ciel bleu par dessus la tête et
les boiseries sur vieilles pierres du lieu, c'est bien agréable.
J'aimerais juste poser la Zouflette dans un coin, ou la confier à un
de ses fans, pour pouvoir plonger dans le bain tout entièrement puis
m'avachir un peu contre le bord.

En fait de fan club,
c'est deux enfants, le frère et la soeur, qui remportent la palme.
Ils lui touchent la tête, les joues, la font rire, tout en
échangeant des propos à voix basse et en me coulant des petits
regards en coin.

(c'est sa mère cette
vieille femme? Elle a beaucoup de poils non? Elle a des cheveux
blancs on dirait… tu crois que les femmes blanches sont toutes
aussi disgracieuses? Etc etc)

Nous ressortons au bout
d'un quart d'heure, pour repasser un coup sous l'eau froide car un
onsen, ça vous transforme en un homard vite fait.

  • Et les japs, elles
    ont du poil là où je pense? Car paraît qu'elles sont toutes
    épilées façon créatures pour pédophiles…

Un skypeur amateur de
pornos asiatiques. Et de clichés, car non, ces dames, du moins
celles que j'ai vues, n'étaient pas épilé là-où-il-pense.

Je nous sèche à
l'intérieur, ce qui est une autre faute comportementale (je lis ça
après) vu qu'on se sèche avant de rentrer devant son casier, la
Zouflette râle de ce que je la tourne et retourne pour la rhabiller,
déclenchant des sourires énamourés de la part de l'agente de
surface (la retraite +10), et ensuite, devant les glaces, il y a de
super sèches cheveux, pas comme ces espèces de trucs au souffle
anémié et froid auxquels on a droit dans certains piscines
parisiennes.

  • Oui mais ce n'est
    pas le même tarif… ni le même usage, madame…

Le directeur de la
piscine de la Butte aux couilles où je me suis gelée durant des
années. Certes, mais il n'empêche, le service ici, c'est le service
jusqu'au bout, et quel que soit le prix acquitté, môssieur.

Et c'est propres et
sèches que nous ressortons des lieux ma fille et moi… pour tomber
sur un Zébulon en train de jouer avec la machine à boisson tandis
que son père gît sur un des coussins de la salle de récup, façon
salon arabe, au sortir des bains.

A propos d'arabe, ici
c'est tout l'exact contraire. Dans les pays arabes, le hammam est
sale, bruyant, décontracté et jovial, on y mange ses oranges à
côté des sceaux de savonnage (et on laisse ses peaux par terre), on
se frotte le dos mutuellement et on assaille la touriste nue qui
pointe son bout de néné d'un air emprunté avec force commentaires
sur sa maigreur (au vu des mammas arabes, on est toujours trop
maigre). Ca crie, ça court, ça jacasse, et c'est clos, pas de bains
à l'extérieur (en tout cas, dans les bains populaires que j'ai pu
fréquenter). De grosses mémères s'apostrophent et se baladent
nues, sans nul complexe superfétatoire, allant jusqu'à s'épiler
sous votre nez.

Ici, tout est calme,
propre, impeccable même, pas de cheveux qui traînent et personne ne
mange, ni ne boit à l'intérieur. Les femmes chuchotent et sont
plutôt minces, elles se baladent furtivement nues, certaines mettent
même une serviette sur leur poitrine avec délicatesse (à croire
qu'ici le sein est plus honteux ou sacré que la foufoune).

Et les hommes? A râle
qu'il n'avait pas se serviette pour cacher sa pudeur quand eux, si.
Sinon, ils sont plutôt bien foutus, petits, carrés mais costauds et
sans gras du bide. Certains sont même grands et athlétiques, bref,
A est déprimé et parle pour énième fois de reprendre le sport. Le
Zébu a beaucoup aimé jouer dans l'eau bouillante, moi qui pensais
qu'il allait râler (trop chaud, papa, j'veux pas, j'veux pas, J'VEUX
PAS!), et son père n'a pas réussi à le rafraîchir en sortant,
d'où son air de homard bon pour la consommation.

En tout cas, je me dis
que j'y retournerai, à Tokyo déjà, mais avec les mioches en
paravent, ça me donnera toujours une contenance…

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