Honte et culpabilité

En France, et de façon
générale, dans le monde ayant adopté comme religion le
christianisme, le catholicisme plus précisément, on tend à
souffrir de culpabilité judéo-chrétienne. C'est là un mal, car il
s'agit bien d'un mal, que génération après génération, on s'est
refilé jusqu'en 2011 où, peut-être, sans doute, les enfants qui
naissent en reçoivent désormais une dose édulcorée à moins
d'avoir des parents (moi et le Pape) très atteints.

  • Rejetez-vous le Mal?

  • Oui, oui, oui, je le
    rejette!

  • Etes-vous prête à
    transmettre à votre filleule la culpabilité judéo-chrétienne que
    vos propres parents vous ont gracieusement offert avec le baptême?

  • Euh…

Moi, du temps où je
m'entraînais pour être la marraine pour de vrai de Prune, une des
filles d'Aveline.

Au Japon, on parlera bien
plutôt de honte. La honte est le sentiment collectif négatif le
plus répandu, du moins c'est ce qui est dit dans le Japon pour
les nuls
. On ne nait pas coupable mais potentiellement honteux.
La honte est d'ordre sociale et non pas individuelle, elle surgit
quand on (soi) a manqué à un de ses devoirs sociaux, quand on (soi)
n'a pas su conserver la place qui lui avait été attribuée en
entrant dans la ronde, et en cela, on (soi) en ressent une honte si
visible qu'elle en est palpable au doigt nu au point que parfois
même…

  • On se tue! La honte
    plutôt que la culpabilité… cela explique pourquoi il y a bien
    plus de suicides au Japon qu'en France, par exemple…

Ana Freud, l'autre mère
française de Matsumura, le kindergarten du Zébu… et grande
judéo-christano culpabilisée de même (on fait des concours).

  • Ah ouais? Le honteux
    se suiciderait plus?

Une ex-colocataire qui a
fréquenté une maison d'éducation de la Légion d'honneur, et qui a
retrouvé ma trace sur Face de bouc (où pourtant je ne suis même
pas inscrite) grâce à soeur Marité qui aime à ce que tous les
catholiques et ex catholiques restent unis toute leur vie et dans la
mort aussi après amen.

Eh oui, on se tue car on n'a pas fait ce qui
était attendu de soi, de son groupe, on a donc faillit et déçu,
et ainsi, explicitement ou implicitement rejeté par le groupe, on se
suicide. Comme on se suicide également par fièreté personnelle car
être honteux, c'est perdre la face, et sans plus de face eh bien
autant crever.

  • La faute commise?
    Mais quelle sorte de faute?

  • Adultère?
    Assassinat? Blasphème?!

  • Péché de
    gourmandise, belles chaussures à talons ou soutien-gorge
    pigeonnant?!

Le choeur des bonnes
soeurs qui ont élevé cette ex colocataire devenue depuis tradeuse
car faire gagner de l'argent à son prochain ça n'est pas un mal
n'est-ce pas?

Euh, quelle sorte de
faute… eh bien je suppose que la honte est à la fois semblable et
différente de ce qui peut créer chez nous la culpabilité : j'ai
honte d'avoir élevé un fils banquier, j'ai honte d'avoir trompé
mon mari, j'ai honte d'avoir été trompée par mon mari.

Quoiqu'ici, ça pourrait
bien donne ceci… j'ai honte d'avoir bu sans attendre que le verre
de mes voisins soit rempli, j'ai honte parce que j'ai raté mon
gâteau pour la kermesse (il est un peu émietté sur le dessus),
j'ai honte parce que mon bouquet de fleurs en ikebana
(cérémonie du dit bouquet de fleurs encore appelée kadô)
n'est pas aussi beau que celui de mes voisines ou au contraire bien
plus beau ce qui les met dans une situation embarrassante et moi de
même car cela signifie que…

  • Bien, bien, on a
    compris… mais la différence exacte avec la culpabilité?
    Hein? Tu vas nous la sortir hein?!

Une nonne un peu excitée
qui surfe sur skype comme si elle essayait de monter au ciel.

La honte et son honteux
ont à voir avec son groupe, son clan, la société à la rigueur,
elle n'est pas individuellement ressentie comme étant une faute de
l'individu quant à sa propre existence, mais une faute de ce dernier
au regard du clan. Si le clan, la société, le pays, décide qu'il
est bon de… je sais pas moi… par exemple, de laisser les
centenaires debout dans le métro, eh bien on ne se sentira pas
honteux de rester assis sur son siège quand madame Tanaka-san, 122
ans, vacille debout devant vous avec son sac à provision et son
chien, Inu-san, porté en écharpe.

Quand la culpabilité
judéo-chrétienne me semble plus individualisée et on peut se
sentir coupable intimement sans avoir même commis de faute. Déjà,
on nait avec le péché originel qui est tout de même une belle
saloperie. Même dans la justice la plus pourrie, on ne penserait pas
à accuser quelqu'un rien que parce qu'il est né.

Le coupable
judéo-chrétien s'accuse souvent de fautes invisibles à
l'oeil nu, c'est à dire socialement,, sa culpabilité est un sur-moi
créé à l'origine par une autorité supérieure, puis entretenue par
sa propre autorité comme un brave chauffagiste alimente le feu de sa
chaudière. On peut se faire des noeuds juste parce qu'on a le
sentiment prégnant, permanent, de ne pas avoir fait ou faire ce
qu'il faut au regard de ce surmoi, et d'une morale collective,
certes, mais qui est devenue sa propre morale de façon parfois plus
stricte que la dite morale collective… qui n'a, par ailleurs, rien
à voir avec la Justice et la Loi.

– Ah ouais?

Eva Joly, une nouvelle lectrice des Chotekeries.

Eh bien oui car par exemple, aucune loi ne vous punira
jamais d'être né riche mais vous pouvez parfaitement vous sentir
coupable d'être né ainsi quant au Japon, ce genre de sensation
serait parfaitement incongrue.

  • Ah ben c'est normal
    non?! Salauds de riches!

Cléa culpa, interférant.

La culpabilité
chrétienne est personnelle au sens aussi où elle transcende
(normalement) la classe d'appartenance, le groupe, le clan, le pays,
elle se réfère à une morale intemporelle et qui se veut
universelle, ça n'est pas un usage ni un code, c'est un Dieu en soi
qui regarde et admoneste.

Le coupable se sent
barbouillé, taraudé, entravé, gêné dans sa vie.

  • Bah, trois Mon
    petit papa qui êtes au ciel
    , et un Salut Marie! et ça
    repart!!!

Une bonne soeur,
culpabilisée mais pragmatique.

En effet, il faut
préciser que chez les catholiques, il y aura toujours un prêtre
pour vous écouter confesser vos méfaits, grands ou petits, actés
ou omis, et qui ensuite punition against confession, vous permettra ainsi
de passer l'éponge, y compris si vous avez serré d'un peu trop près
l'enfant de choeur (mais là, si vous tombez sur un prêtre très très sévère, on vous déplacera peut-être dans un autre
confessionnal).

Chez les protestants,
c'est un peu moins simple. On s'accuse directement devant Dieu, sans
l'intermédiaire d'un prête, et c'est sans doute pour cela qu'il y a
bien plus de suicides chez les protestants que chez les catholiques
où, par ailleurs, le suicide est interdit (il l'est peut-être aussi
chez les protestants mais je l'ignore).

En tout cas, Ana Freud
qui vient d'une famille protestante avec grand-père pasteur et tout
le tralala, se sent au moins aussi judéo-culpabilisée que moi,
catholicisée durant une bonne vingtaine d'années de ma vie. Il faut
croire que d'avoir pour chef de file un homme cloué sur une croix y
est pour quelque chose.

  • Le Drapeau et
    l'Eglise, sans oublier la parade du 14 juillet, voilà le ciment de
    la Nation française!

Charly Tango, ex enfant
de choeur et militaire défroqué car retraité.

Chez les Japonais, non
seulement il n'y a pas de confession shintoiste ou bouddhique mais en
plus, la honte est bien réelle, ça n'est pas une sensation,
et surtout, ses conséquences sont parfaitement tangibles. On perd sa
face, on perd sa place et sans groupe, on est plus rien, donc pof, on
se tue.

  • Aussi facilement que
    ça?

  • Rien que pour ça?

Deux nonnes, un brin
envieuses.

Bon, à côté de cela,
et en matière de conclusion, je suis confrontée à une sorte de
contradiction. Le Japonais est très étiquette, n'est-ce pas, très
codes et usages, respect de la hiérarchgie et du groupe, l'individu
est prié de s'effacer… sauf dans le méytro, par exemple, où
c'est chacun pour soi et le prochain pour le suivant.

  • Ben et alors, elle
    est où la contradiction?

Une nonne mal embouchée.

Eh bien… ça me fait
bizarre de me dire que Tanaka-san est tout dévolu à son entreprise
et à ses aïeux, qu'il me salue en opinant grandement du bonnet, les
mains jointes si nécessaire, et que par ailleurs, il va me laisser
me démerder dans le métro avec ma poussette et mes triplés, ou
bien me rafler une place de vélo au parking du supermarché sans
même un gomen nasai ou un hochement de tête un brin… eh bien
honteux.

Mais ceci n'a peut être
rien à voir avec cela, je vous laisse en conséquence méditer tout
l'ensemble car c'est pas tout ça, je dois aller mettre les nouilles
à l'eau.

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