Nihongo o hanashimasu ka (Parlez-vous japonais?) 1

  • Alors Mimi, ça y
    est? Tu parles japonais maintenant?

Euh non.

  • Tu comprends
    maintenant aisément je suppose tout ce qui a trait à la vie
    quotidienne…

Ben euh…

  • De toute façon,
    comme dans toute langue, c'est un vocabulaire de base qui revient
    sans cesse en boucle et qui ne demande pas beaucoup d'étude non?

Euh si.

  • De toute façon, le
    chinois est infiniment plus difficile à apprendre que le japonais
    qui est une langue relativement basique…

Et si j'apprenais le
chinois tiens?

Bon, comme beaucoup de
questions de mes skypiens tournent autour de la langue (pas tant que
ça en fait, juste ma mère, et mes tantes), je vais donc vous
infliger une petite leçon de linguistique. Eh oui désolée c'est
pas tous les jours No et ses chants houllllllllllllla zouingzouing,
on est pas là que pour rigoler.

Alors, déjà, en
japonais, il y a trois syllabaires.

  • Euh c'est quoi ça,
    un syllabaire?

Une amie instit, amie sensei, qui n'avait pas pris l'option langue étrangère au
concours.

Eh bien un syllabaire
c'est euh des syllabes, disons que c'est par exemple r et u qui forme
la syllabe ru prononcé "rou" quand on est français et "rlou" quand on
est Japonais. Un son entre le r et le l (entraînez-vous braves
gens…). Et ce "ru" forme ainsi une syllabe du
syllabaire. Il y a aussi h et a qui donne "ha",
inspirez bien le "h", sinon ça donne "a"
aux oreilles japonaises qui ne comprennent plus rien du tout du coup.
S et u donne "su" prononcé "sou" comme
dans "sous" et…

  • Bon ok Mimi tu ne
    vas pas toutes nous les faire hein!

Non. Il y a donc le
syllabaire hiragana, celui qu'apprennent les enfants à l'école et
dont les livres pour enfants, donc, ne sont écrits qu'en hiragana,
hiragana qui ensuite servent à faire des liaisons entre des phrases
écrites en syllabaire katakana, le syllabaire utilisé pour
retranscrire les mots d'origine étrangère, et SURTOUT en kanjis,
ces idéogrammes empruntés aux Chinois au IVème siècle de notre
ère.

  • Ah encore un vol
    caractérisé des Japonais envers leurs supérieurs voisins de
    Chinois!

Certes, tata Babe,
certes… sachant qu'il y a deux façons de les prononcer, une à la
chinoise et une à la japonaise, et ne me demandez pas pourquoi, je
crois bien que selon la façon de prononcer cela veut dire une chose
ou l'autre.

  • Peut-être mais en
    chinois, un même mot selon la façon dont il est prononcé veut
    dire complètement autre chose! La prononciation du chinois est
    extrêmement délicate et complexe… bien plus que celle de
    « ton japonais »!

ok, ok… En tout cas,
moralité, après s'être avalé les 46 syllabes de l'hiragana, les
46 autres des Katakana, dérivées certes pour partie des hiragana,
on sort dans la rue et on se dit qu'on va pouvoir déchiffrer tous
les panneaux et autres supports écrits, eh ben que pouic, c'est
truffé de kanjis… et sachant qu'il faut connaître entre 1500 et
2000 kanjis pour pouvoir lire un journal ou un magazine, vous
imaginez le moral de l'élève Mimi…

  • Ah mais pourquoi ils
    ne se contentent pas de leurs fichus syllabaires hein!!!

La copine instit, vexée.

Cette question, je l'ai
maintes fois posée. Et il en retourne que 1) les kanjis sont le
signe d'une personne cultivée donc supérieure aux autres 2) ils
aèrent une phrase japonaise extrêmement dense et, disons le, qui
serait incompréhensible sans la respiration apportée par les kanjis
3) je suppose qu'ils servent à nuancer enrichir complexifier etc la
langue qui sinon serait un peu pauvre.

Ensuite, un texte en
japonais se lit de droite à gauche et de haut en bas. On démarre
ainsi, par exemple, son roman policier Tanakas-san et le meurtre de la geisha rose
bonbon,
à la dernière page du livre (pour nous, Français) pour
finir à la première. Du coup, cela donne à tout livre généralement
en papier crème un petit air de littérature raffinée, comme si
tous les Japonais qui tiennent un livre à la main dans le métro (ni
plus ni moins qu'en France), se pourléchaient de poésie ou de
philosophie métaphysique en allant pointer… alors que si ça se
trouve ils lisent du Barbara Cartland local.

Enfin, il y a aussi ce
qu'on appelle l'écriture romanji (le titre de cette chronique était en romaji!), c'est à dire en lettres latines,
comme ru, ha, su, etc… ce qui permet à l'élève débutant de lire
plus facilement et aussi d'écrire des messages d'amour ou de respect
pénétré à un interlocuteur japonais avec son clavier frenchie.

  • Euh on peut avoir un
    exemple de tout ça?

La copine instit, que je
soupçonne un tantinet larguée.

Bien sûr, voici :


の名前はマリーです

Ce qui signifie, vous
l'aurez aisément compris, « Je m'appelle Marie ». La
première syllabe se dit « no » et c'est un hiragana. Il
est suivi de deux kanji, puis d'un hiragana à nouveau (ha) mais qui se prononce "wa" (!), et
ensuite de deux katakana, ma et ri, le trait signifiant que le ri
doit être prononcé de façon allongée rii. Euh en fait rlii donc.
Enfin, les deux dernières syllabes, « de-su » donne le
mot « est » prononcé non pas « dessou » mais
« dess » car les Japonais sont comme tout le monde, ils
mangent certains sons pour gagner du temps et ainsi souvent le « u »
donc « ou » est squizzé.

  • Ben mince alors…

L'amie instit, baba
devant tant de science.

  • Euh non, c'est juste
    que c'est rudement facile en fait, suffit d'apprendre quoi… et que
    je ne comprends pas que tu n'arrives pas à causer plus facilement!
    Tu fais quoi pendant ces cours qui coûtent la skin de ton bottom?!

Doomo (merci)… Eh bien,
justement pendant ces cours que je suis, je suis pour la première et
sans doute unique fois de ma vie en train de tester ce que vit un
enfant sur-doué en classe. Je me retrouve dans un groupe de 4
personnes d'un niveau visiblement inférieur au Mien vu que je sais
déjà tout ce que nous apprend la sensei (prof). Du coup, je
baguenaude, feuillette mon livre pour avancer un peu de mon côté,
et quand on m'interroge, eh bien parfois je suis larguée!!!
Exactement comme un enfant sur-doué qui du coup passerait presque
pour un attardé.

  • Mais euh Mimi, ne
    serait-il pas plus simple de changer de groupe?

Eh bien… oui c'est vrai
mais outre que ça me fait du bien de me sentir si bonne, je ne le
suis pas tant que ça et j'ai du mal à comprendre Yoshiko sensei qui
parle comme une mitraillette et qui risque fort de me sortir une
phrase en rafale pour me dire que non, il vaut mieux que je reste
dans son groupe de nazes car ma compréhension orale n'est
franchement pas si bonne que ça né? (né veut dire n'est-ce pas et
ils en mettant absolument partout).

  • Ah je te reconnais
    bien là Mimi! Tu n'as pas changé depuis le lycée Dinro! Toujours
    aussi timorée!

Certes, Maman, certes
mais en plus, les horaires du groupe au dessus m'obligeraient à
laisser le Zébu attendre une heure sa mère avec une Sumiko sensei
furibarde, une fois ça irait mais TOUS les mercredis, elle finirait
par lui donner des cours de gourde sur la tête, et puis je révise,
je consolide et…

  • Tutut ma fille, je
    comprends que tu n'avances pas plus que ça!

De toute façon, c'est
bientôt terminé et l'année prochaine, en janvier, je prendrai un
cours de japonais par semaine avec Super Yuka, je bosserai par
ailleurs comme je le fais actuellement dans des livres à coté et ça
sera aussi bien.

En attendant, dans la
rue, à l'école, dans les magasins, au restaurant, si j'arrive à me
faire vaguement comprendre, moi en général, je ne comprends rien.
C'est pour ça que le coup des guides de langue, apprenez les phrases
clé par coeur, ça me fait toujours bien marrer, car à quoi bon si
on ne comprend pas la réponse hein?

  • Ah c'est parce qu'en
    classe, on apprend le japonais élevé, celui de la littérature et
    de l'écrit en général, et ce n'est pas celui que parlent les gens
    dans la rue!

Juju-san, la baby-sitter
d'une fois du Zébu et de la Zouflette, étudiante à la BNF Paris 13
et qui vit les deux japonais au quotidien, celui de l'école, et
celui de Uniglo, le magasin japonais, sorte de H&M qui a,
parait-il, l'ambition de conquérir la planète entière, et où elle
travaille en contrat étudiant (quoique les slogans destinés à
motiver les troupes soient écrits en anglais sur les murs de la
salle du personnel, du genre CHANGE OR DIE… véridique!!!).

Et elle a raison, bien
sûr. Une française de rencontre, Keira, m'a dit la même chose.
Après trois mois de cours en classe, elle a laissé choir, dépitée,
a pris des cours particuliers, axés sur le quotidien et depuis,
dit-elle, elle arrive à parler. Bon, de façon certes rudimentaire,
pas très prix nobel de littérature mais l'essentiel est après tout
de se faire comprendre et d'être compris dans toutes les situations
du quotidien qui, pour nous, maisonépouses, consiste à faire ses
courses, laisser un bébé à la consigne et savoir poser les bonnes
questions métaphysiques en le reprenant (Caca? Pipi? Dodo? Miam
miam?) etc etc…

  • Mimi, ma fille,
    as-tu reçu ma liste de contacts à Rester active au Japon
    quoiqu'il arrive?

Non, la poste japonaise
est en grève et c'est l'Empereur en personne qui distribue le
courrier.

  • Non?!

Non.

En tout cas, me
concernant, je ne pense pas que la difficulté de comprendre soit
uniquement dû à la différence langue réelle et langue théorique.
Je crois bien que j'ai quelque part dans l'oreille, le tympan ou le
pavillon, quelque chose qui a à cœur de me brouiller toutes les
langues autres que le français. Quand je vois la facilité avec
laquelle le Nicolas Bouvier s'est avalé je ne sais combien de
langues locales dans son périple sur Terre…

  • Et puis, une fois
    que tu as appris le japonais de la rue et que tu le parles bien, tu
    te rends compte que tu es incapable même de comprendre les infos à
    la télé!

Colin, le chef de A, 8
ans de Japon derrière lui, marié à une Japonaise, et parlant
fluenty la langue… gloupse.

Sans compter qu'il y a
ensuite l'étape d'apprentissage de tous les niveaux de langue, le
truc qu'adorent les Japonais. Le suprême respect, le respect
relatif, le neutre, le familier, le bas parler… Comment dit-on ô
secours en japonais?!

Bref, à croire qu'il
faut faire un choix. Ou comprendre la rue et faire tapisserie avec
l'élite. Ou briller en société et être un handicapé de la vie.

  • Ou les deux!
    Qu'est-ce qui t'empêche d'étudiuer les deux?!

L'amie instit, toujours
vexée.

Rien, d'ailleurs c'est
que je fais.

Le japonais n'est
d'ailleurs pas si difficile que ça à apprendre. Disons que la
grammaire est des plus simples, pas d'articles, pas de genre. Pour
dire voiture, on dit « kourouma », ce qui veut aussi bien
dire la ou les voitures, une ou des voitures, ce qui simplifie
grandement l'apprentissage.

  • Ouais trop fastoche!

Un élève du CE1 de
cette amie instit.

Ouais sauf que… eh bien
la compréhension est, elle, bien plus compliquée. Car pour
comprendre s'il s'agit de la, les, une ou des, il faut comprendre le
contexte et donc parfois la phrase dans son son ensemble… ouille!
C'est pour cela que l'on dit que le japonais est une langue de
contexte, c'est à dire que l'on parle et que l'on comprend par
référence à un semble de mots et de petits mots clés (wa, ga…)
qui changent ainsi complètement le sens d'une même phrase.

Phrase qui plus est à
comprendre à l'envers puisque le verbe, et donc l'information
souvent capitale, est toujours à la fin. Or, française que je suis,
je m'accroche à essayer de comprendre le début de phrase que le
Japonais est déjà rendu à la fin de phrase où se trouve donc
souvent l'info capitale qui doit me permettre de comprendre ce qu'il
me demande grrr.

  • Bon ben alors le
    japonais c'est difficile ou pas à apprendre?

Heu… comment te dire,
amie sensei… moi je dirais difficile parce que je ne suis pas
douée en langue mais au fond, je ne crois pas que ce soit si
difficile que ça à apprendre. Surtout à l'oral. Ma partie la plus
faible puisque n'est-ce pas, de par ma profession, je suis une fille
de l'écrit.

  • Qu'est-ce qu'il faut
    pas entendre… par « ma profession »…!

Oh maman, je plaisante
bordel de merde couilles en feu.

Tiens à ce propos, il y
aurait, selon Tomohé feu follet, une collègue de chorale, pas de
mots japonais orduriers, du moins faisant autant référence au sexe
et au caca que l'anglais (qu'elle parle très bien) ou le français
(qu'elle apprend). Ce qui à la fois la sidère et l'excite
prodigieusement. Elle adore dire et répéter « C'est chiant »
ce qui avec l'accent japonais donne « c'est chion », ce
qui est donc charmant…

Et sinon, pour ma part,
je m'amuse énormément à apprendre cette langue, au point que le
soir, je délaisse écriture et anglais pour apprendre mon
vocabulaire et avancer dans mon livre de cours, afin d'être encore
un peu plus cet enfant surdoué du groupe élémentairement naze qui
est le mien.

D'ailleurs, sur ce, je
vous laisse, j'ai des verbes à réviser.

Mata kondo!

One comment on “Nihongo o hanashimasu ka (Parlez-vous japonais?)

  1. Reply pierre cuis riz Nov 25,2011 13:52

    マリさん 日本語 が じょうず ですね。頑張って下さい。

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