L’Expat, portraits en pied (I)

Aujourd'hui, je vais vous
parler un peu de ces Français à l'étranger, regroupés sur la
dénomination générique d'expat…

  • Inutile d'aller plus
    loin, je LE vois parfaitement! Il vit dans son ghetto national comme
    le vison vit entre visons dans le 16éme arrondissement… il mange
    français respire français et le jaune, c'est juste pour la déco
    de son film!!

Je persiste et signe, il s'agit là de portraits car, quoiqu'en pense Francine de France de
Montreuil qui interfère à peine skype allumé, des expats français
il y en a de plusieurs sortes.

Et il y en a même
suffisamment pour que que ce soit en deux fois que je vous les présente, par couple, présumant que mâle et femelle du même couple présentent
forcément les mêmes traits distinctifs concernant leur façon
d'être ça, des expats.

  • De Dieu, Mimi, on
    jurait que tu t'apprêtes à écrire un traité d'anthropologie…
    que dis-je… de zoologie ou d'ornithologie ou que sais-je encore!

Intervient déjà la
grande Simone tandis que ma tante Babe, elle, a ouvert son carnet de
Préjugés sur ses genoux.

La première expat
française que j'ai approchée s'appelait Axelle. C'était une
semi-expat de ce type d'expat qui vit à l'étranger comme si
l'étranger était un décor et que j'appellerai l'expat
post-colonisation. Je dis semi car la vérité anthropologique
m'oblige à préciser qu'elle n'était certainement pas à 100% du
type post-colon (quel est donc le féminin de ce mot si troublant,
colon?).

Dans le couple expat post-colonisation, le mâle est envoyé à l'étranger par sa boîte française
où il gagnait généralement déjà au moins 4 fois le smic, pour y
travailler dans une de ses filiales. Pour le réconforter de quitter
le RER francilien ou les boulevards parisiens, sa boîte lui verse
une prime d'expatriation magistrale, sans doute prise sur le Noël
des ouvriers…

  • Certainement pas,
    j'ai renoncé à mon dix-huitième mois pour ça!

Le patron de Xaxa
Assurances. La boîte lui paye aussi des cours de langue, qu'il sèche
et qu'il transmet donc à son épouse qui elle a son helper à
domicile pour gérer sa propre entreprise (3 enfants et un chien en
tutu rose depuis qu'il a touché patte sur le sol nippon) et suivre
de ces cours qui lui permettront de gérer le quotidien sans pour
autant pousser plus avant. Les écoles des dits bambins sont aussi
prises en charge par l'entreprise car pourquoi dépenser son argent
quand on en a beaucoup?

Généralement, de ce que
j'en ai vu, ce type d'expat travaille dans la banque, les salles de
marché, la bourse, les assurances, bref, là où il y a du flouze.

  • Ah parce que le gars
    qui gère Toyota France à Tokyo, il fait pas du flouze lui?

Euh si, aussi, mais je
vais quand même pas vous faire toutes les professions non?

Il vit si possible dans
un quartier de Tokyo où il pourra croiser de ses congénérères
chez la boulangère (pains français), va même jusqu'à assister à
la messe en français de l'église de ce quartier, autour de Hiroo,
mais s'il est plus intellectuel que bourgeois, il établira alors ses
quartiers aux alentours de Iidabashi ou de Kagurazaka, non loin de
l'école française et de l'Institut franco-japonais où il pourra
emprunter le dernier Goncourt et l'enregistrer auprès du jeune homme
qui fait la gueule alors que pétard il a trouvé la méga planque et
qu'il devrait bien plutôt avoir la banane car en France vu les
restrictions budgétaires de la Culture, il pourrait attendre 2 ans
pour l'avoir, son prix Goncourt 2011!!!!

  • Mimi, je sens que tu
    t'échauffes… tu es un peu aigrie sur ce coup là… tu devrais
    peut-être reprendre un petit bain de syndic né?

La Cadette, qui a repris
du collier au Syndic et me tient au courant de cette mutation du
moment qui voit passer le Syndic de bastion des lettres publiques à
pétaudière ultra libérale généralisée.

Bref. L'expat de ce type
peut s'il le désire vraiment passer ses années japonaises en
croisant le minimum de Japonais et le maximum de Français ou autres
nations blanches, le Japon offrant par ailleurs une toile de fond
d'indéniable qualité où pouvoir partager de bons moments avec les
dits congénères de rencontre. Visite des temples de Kyoto, séjour
sur une île au large de Tokyo, ski à Hokkaido, cérémonie du thé
avec, au besoin, les épouses des autres congénères déguisées en
japonaises, conférences à l'Institut où le gratin culturel
parisien viendra briller de tous ses feux…

Après tout, qui a dit
qu'on avait besoin de se mêler aux autochtones de son pays d'accueil
pour être heureux?

  • Moi!

Claude Guéant, ministre
de la propagande blanche et des quotas d'immigrés.

Cette attitude est
d'autant plus observable que le pays est culturellement très
différent, avec une langue de même, et/ou pauvre. Dans un pays
sous-développé, la tentation du ghetto est forte voire presque
imposée. Difficile de copiner avec des autochtones qui gagnent en
dix ans ce que vous dépensez en une minute. Au Japon, hélas, il y a
des Japonais cultivés, lettrés, francophones même parfois, voire
riches, voire plus riches que soi, il peut donc s'avérer
difficile de réussir à ne jamais sympathiser avec l'un d'entre eux.

On n'est cependant pas
obligé de devenir intimes, ce que de toute façon le Japonais n'a
pas particulièrement envie.

  • Et Axelle, alors,
    elle était vraiment comme ça?

Me demande Aveline, une
jumelle sur la hanche, l'autre assise sur le clavier ce qui donne
bcheuiaoixclaiucdicj.

Non, Axelle n'était pas
comme ça, mais elle portait en elle ce petit fumet d'expat qui
profite de la vie ailleurs dans des conditions matérielles que
beaucoup n'ont pas, ici ou ailleurs, cette vie facile que la morale
judéo-chrétienne et le Front de Gauche réprouvent. D'un coup
d'aile à Kagoshima, d'un autre au Vietnam pour Noël… et puis,
l'école française pour sa fille à 8000 euros la maternelle, même
si, soyons juste, elle y a été un peu obligée pour une question
d'âge, sa fille ratant de 2 mois l'âge de la rentrée. Et là, une
fois là bas, je vous dis pas le nid d'expats post-colonisations, y a
qu'à donner un coup de pied dedans et ça démarre de partout à
coup de 4×4.

  • Euh t'en as vu
    beaucoup de 4×4 à Tokyo?

Euh non, Aveline, mais
c'est pour dire. Blondes avec ça, bronzées et sportives, la
raquette de tennis sous le bras ou le club de golf, sinon le dernier
livre de cuisine de Maïté Rebuchon-san, Le sushi à la mode de
chez nous

M'a rapporté Axelle, la
seule fois où je l'ai revue, à la rentrée. Pour en revenir
Axelle… elle n'était pas comme ça, c'est sûr, mais elle avait
une de ces allures classiques, simple mais impeccable, qui s'allie
parfaitement avec une école de commerce à 20 ans pif pof, casée à
22 et mariée à 25, le ballon à pas même 30, pas du tout le genre
sac au dos à suer sur les chemins d'Afrique, seules au monde et
pleines de doutes sur soi, la vie, les hommes, la libéralisation du
service public… comme mon Aveline et moi, hein n'est-ce pas
Aveline?

  • Hein? Comment? Tu
    m'as causé? Excuse moi, y a Pomme qui est en train de mastiquer mes
    PDF!

Bref, le genre d'expats
que je fuis, vous l'aurez compris.

  • Comme une sorte de
    miroir non? N'essaye pas d'échapper à ta condition Mimi! Bobo à
    Montreuil, expat post-colon au Japon!

Persifle Francine de
France. Peut-être en effet que je ne veux surtout pas m'y retrouver,
très certainement même, mais il est néanmoins hors de doute que je
ne ressemble pas à ces expat là qui de toute façon ne
s'intéressent pas à moi. D'ailleurs, et j'en suis rassurée, Axelle
m'a laissée choir, si c'est pas une preuve ça…

  • Mais non, c'est
    juste un manque de temps et puis parce que tu es proprio en France
    et pas elle! Sans compter que tu avais au moins 12 ans et demi de
    plus qu'elle, presque une génération!!!!

Prétend encore cette
Francine de France que je devrai songer à radier de mes amis Face de
bouc si toutefois j'étais inscrite sur Face de bouc.

Quoiqu'il en soit, ce
type d'expat post-colinisation se divise entre modernes et réacs.
Disons entre droite libérale, le genre Axelle (qui ça se trouve
vote Besancenot en cachette dans le secret de l'isoloir) et droite
conservatrice, c'est à dire entre Sarkozy et de Villiers, bon peut
être pas de Villers qui a d'ailleurs complètement disparu de la
circulation, disons alors Balladur, et
là ça donne, dans son stade poussé, l'expat Redede, directement exportée depuis son
16ème arrondissement ou Neuilly sur Seine.

C'est celle que j'appelle
Sybille de la Noix De Coco Chanel et qu'il m'a été donné de
rencontrer en me rendant en compagnie d'Ana Freud, parfaitement non
Redede, à l'ambassade de France où une association de bénévoles
Redede, propose chaque mardi matin des livres à emprunter.

Des dames comme il faut,
avec cette façon de parler patate chaude qui va avec, le collier et
la couleur marine aussi, les gâteaux maison découpés en tranches
sur lesquels ni la Zouflette ni moi n'avons cependant craché, et qui
vous expliquent le fonctionnement de leur bibliothèque hebdomadaire
avec ce je ne sais quoi dans l'air qui vous fait vous sentir comme un
brouillon d'humanité, une bredouilleuse, et inférieure de par votre
position sur l'échiquier social eu égard à la leur, sorte de sang
bleu, toujours bleu où qu'il se trouve et en quelle qu'époque que
ce soit.

  • Si elles savaient
    que tu es la digne fille de la bourgeoisie française! Une mère
    intellectuelle et un père savant thermodynamique! Mimi, je t'envoie
    par l'aéropostale un collier de perles, tu verras, ça sera ton
    sésame! Et pour l'amour du petit Jésus, cesse de porter ses
    vieilles baskets que tu avais en Afrique quand tu avais 31 ans et
    demi!

Ma tante Odilon qui vient
de surgir devant l'écran, née Monhéritage et mariée Chirasenot,
celle que mes vraies mère et tante ont dû adopter quand son mari
est devenu gauchiste sur le tard (malgré une fin de carrière à la
Cour des comptes et un vote régulier pour celui qu'il appelait
tonton chirac) et qu'il l'a mise à la porte pour incompatibilité de
classe sociale, la même qui, à la mort de Baka Renée, a menacé de
se jeter par la fenêtre si on ne lui donnait pas la commode bas
Napoléon avec la bergère Louis XIV et la pendule Empire, et qui
menace maintenant de venir elle-même m'apporter ce collier de perles
en mars prochain…

Soyons juste avec Sybille
de la Noix de Coco Chanel et ses consoeurs, elles ont été
raisonnablement gentilles avec moi, souriantes qui plus est, et
d'aucunes se sont même penchées sur ma Zouflette pour le
traditionnel areuh areu qui est le kawai-né français, l'une d'elle
allant même, de sa voix patate chaude, déclarer que cette petite
fille serait débrouillarde dans la vie à voir comment elle
arpentait d'un air décidé les rayons de la micro bibliothèque.

  • Et puis des femmes
    qui aiment les livres ne peuvent pas être tout à fait mauvaises
    non?

Tempère également
Aveline dont le milieu flirte avec ce milieu là, côté frère aîné
surtout, même si le grain de folie ou du moins d'originalité de sa
branche change beaucoup de choses.

En tout cas, je ne pense
pas que l'expat Redede mette ses enfants au yoochien du coin, fasse à
la sortie le poireau dans la cour avec les mères du coin de même,
en essayant d'échanger avec ces dernières les 3 pauvres mots
qu'elles ont apprises dans leur cours collectif de japonais avec des
jeunes de 20 ans en visa vacances-travail ou bien des Chinoises non
anglophones, des Brésiliennes et des Américains comme c'est le cas
aux cours proposés par les mairies de quartier. En revanche, elles
doivent avoir leurs clubs et leurs sorties cult' entre individus de
bonne compagnie.

D'ailleurs à ce propos,
en sortant de ce huis clos Redede, on est tombé sur un membre
visiblement actif et fort potent de l'association franco-japonaise
des amoureuses de la littérature française, Femmes à plume,
Anne Sinclair en personne…

  • Non?!

Non. Mais son sosie, dans
l'air et la manière. Des yeux bleus clairs, pas le genre à se
baisser, des joues empoudrées comme après une tempête de neige
saumon, le talon claquant qui fait oublier la petite taille, une qui,
comme ses consoeurs, a l'amabilité flirtant avec cette nécessité
sous-jacente de maintenir à tout prix une distance entre soi et
l'autre, ce prochain d'une caste présumée moindre que la sienne…

  • Anne, je te présente
    Mimi, une amie qui…

  • Enchantée enchantée
    je dois filer…

  • Mimi serait
    intéressée par rejoindre notre association, Femmes à plume
    et…

  • Voyons Ana, tu sais
    bien que ce n'est pas si facile que cela!

  • Euh… je me disais
    qu'elle aurait pu venir à l'AG du…

  • Voyons Ana, c'est
    une AG privée, ça n'est pas possible!

  • Ah oui suis-je
    bête… c'est vrai…

  • Et puis il faut
    qu'elle soit introduite, c'est à dire parrainée!

  • Je peux lui servir
    de marraine…

  • Voyons Ana, il lui
    en faut deux! Ceci dit qu'importe, je peux tout à fait être
    la seconde… mais il faut qu'elle montre une véritable
    motivation pour en faire partie!

  • Euh… je ne suis
    pas sûre d'être disponible pour…

Moi, soudain refroidie,
et réalisant surtout que ce n'est pas avec Femmes à plume
que je vais l'écrire, mon Goncourable.

  • Tenez… « Mimi »…
    c'est ça?

  • Euh oui…

  • Prenez ma carte et
    allez en paix… si d'aventure vous étiez intéressée par
    rejoindre Femmes à plume, écrivez moi quelques lignes
    condensées pour exprimer votre motivation profonde
    sur ce enchantée enchantée mais je dois vraiment filer!

Clic clac, les petits
talons volontaires d'Anne Sinclair sont déjà loin dans la rue.

Bon là aussi, je
boursoufle le trait, Anne Sinclair était plus sympathique que cela
mais c'est cette allure, cette façon d'être qui me rappelle
furieusement certaines créatures bourgeoises de mon pays natal, et
qui me donnent illco envie d'aller chanter l'Internationale au Front
de Gauche.

  • La Marseillaise, tu
    la chantes ou tu te tais!

Charlie Tango, encore
lui.

En tout cas, soyons
juste, Anne Sinclair de Tokyo n'est pas qu'une simple pouffe à
perlouzes s'occupant la vie avec des Femmes à plume, non.
C'est aussi une avocate de renom, m'a appris Ana Freud toute dépitée
de ses écarts eu égard au règlement et qui se sentait comme moi
quand en réunion, on oublie de me donner la parole.

En tout cas, j'ai depuis
rencontré d'autres Femmes à plume et plutôt bien sympathiques.
Notamment Karima, un type d'expat assez mixte. D'abord étant
d'origine algérienne (je présuppose) il est difficile de la ranger
dans les expats post-colonisation…

  • Ah, merci pour le
    préjugé! Parce qu'on est noir ou gris, on est forcément du
    côté des gentils, colonisés ou des militants pour le salut du
    Monde!

Ma tante Odilon, serrant
contre son sein la pendule Empire.

Ca n'est pas faux. Parce
que Karima, rencontrée deux fois, m'est vraiment très sympathique,
chaleureuse et nature, et qu'en plus, elle est d'origine arabe, je
n'arrive pas à la caser dans la case expats post-colonisation, quand
bien même son mari touille des statistiques à la banque pour aider
les marchés à nous enfoncer d'une main pour s'en sortir de l'autre,
même si elle a appris le japonais juste ce qu'il faut pour ne pas
errer idiote dans le quotidien, même si elle me propose des plans
rencontre entre expats plutôt qu'un izakaya (bistrot japonais
typique) avec ses copines japonaises avec qui elle ne parlerait qu'en
hiragana et kanjis.

  • Oui mais de fait,
    c'est une expat post-colonisation comme les autres!

Euh non, si, chais pas.
De fait, vous l'aurez compris, de même que je vous défie de me
montrer un vrai bobo, c'est à dire un qui soit bobo dans tous les
coins, je vous mets au défi de me trouver un expat
post-colonisation qui le soit également dans tous les coins. Surtout
que certains d'entre eux, les hommes pour l'essentiel, bien que
banquier, trader ou assureur, se marient un jour avec une autochtone,
tout à fait présentable, c'est à dire ni juste belle ou
raisonnablement stupide. Une union d'égal à égal quoi, comme par
chez nous.

En revanche, une Redede,
ça c'est facile à trouver, quand bien même pas forcément
qu'antipathique et fermée comme le fermoir du collier qu'elle porte
arrimé à son cou avec la croix et la médaille de sainte Mimi priez
pour nous serrés entre ses deux seins maigres.

Et puis, histoire de
brouiller encore un peu plus les repères, il y a ces Femmes de
plume, japonaises et francophones, admises en cette association pour
cette raison puisque le sel, la base, le fondement même existentiel
de Femmes de plume est de réunir en nombre égal des femmes
françaises et des femmes japonaises francophones… ces dernières
paraît il se bousculant littéralement au portillon pour y accéder
au point qu'elles guettent l'arrivée de toute nouvelle Française,
dont la compétence n'est que d'être ça, française, dans l'espoir
de pouvoir ainsi postuler à leur entrée à Femmes de plume.

Mais là, ces Japonaises
francophones parfois jusqu'à la rage, on pourrait même dire
camembertisées quand d'autres, gaijin ceux-là, sont
tatamisés, c'est encore une autre histoire…

Bon, sur ce, je vous
laisse digérer ces premières informations. Je poursuivrai ensuite
par l'expat curieux-honteux (moi), l'expat en fuite à rapprocher par
l'expat Supérieur, celui qui sait tout mieux que vous, voire dans
son stade terminal complètement tatamisé (mosquetisé, milletifié
ou tapasifié selon son pays d'expatriation).

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