L’Inde sans peine 1

Bon, si vous avez bien suivi, la duchesse-princesse Marie Chotek est partie endurer les voies de l'Inde réputées fort peu pénétrables au tout venant (l'Orient, c'est pas simple, Philipe Douste-Blazi, in Un été 2006 sur les plages du Liban). Elle a emmené dans ses bagages, sa grand-mère, la redoutable Baba Rakjia, Ernesto, sa grenouille de conscience, ainsi que le petit Prince Sacha parce qu'il s'est montré insistant avec ses yeux mouillants. Comme elle est montée très haut là haut sur la montagne, Leh, Ladakh, elle avait pas l'ADSL et en plus, elle avait envie de pas en foutre un mantra, donc le site est resté muet (sauf le compteur à visiteurs, merci à tous) pendant tout le mois de juillet.

Elle est rentrée fatiguée comme une vieille avec baba déguisée en sari et le petit prince légèrement enfumé par les herbes locales. Ernesto, lui, est resté français jusqu'à la pointe de ses ongles de batracien (il est de nationalité italienne), arborant ostensiblement béret et french accent dans cet immense pays rempli de gens dont plein ne parlent même pas la même langue.

La princesse Chotek s'en revient, égale à elle-même, matérialiste et pessimiste, impropre à succomber aux charmes des brahmanes (tous pourris) ou à ceux des moines bouddhistes (d'un genre plutôt frustre et pas lavé). Elle s'en revient cependant avec un petit goût de revenez y car le Ladakh, bastion d'un bouddhisme né et chassé d'Inde, ce n'est PAS la vraie Inde, n'a-t-elle cessé de seriner tout au long du voyage à ses malheureux compagnons d'aventure (dont une sourde et un enfumé).

Elle a été cependant touchée par la grâce de certains moments (on vous rassure). La visite aux aurores d'un monastère où les moines psalmodient en sommeillant la prière du matin (puja) tout en avalant leur thé avec des grands slurps. La gentillesse de leur guide népalais, haut comme trois pommes, un sourire de dentifrice glissé dans son petit visage brun chiffon, qui a porté Baba tout le long des six cols à 5400 mètres qu'ils se devaient de franchir tandis que le petit prince réclamait sa dose (d'herbes locales) en se roulant sur une herbe (pas enfumable) et que les chevaux, emmenés par Horseman, plus connu sous le nom de Brother, voire Srin Bongo si vous insistez, filaient s'empiffrer à l'herbage plantant la malheureuse princesse, à bout de souffle, sur le bord du chemin. Les yeux énormes et luisants de bonheur d'une petite mendiante à qui elle venait d'offrir avec sa bonté proverbiale deux bananes à moitié pourries (question grâce, ce moment est douteux). L'histoire de Stenzin, petit entrepreneur de 27 ans, beau comme un coeur et plein d'idées pour l'avenir, apprenant le français avec une ardeur portée par un amour reparti en France. La discussion tranquille, sereine, avec un jeune marchand, artiste peintre spécialisé dans les divinités pour les petits temples familiaux, dans son échoppe à l'écart du grand bruit de la ville, alors que la pluie tombait dehors et que le quartier lentement baissait ses rideaux. Les rencontres de routards, avec madame Concept, son disciple, agrégé en maths, et leurs vélos, avec Fodil le casseur de mai (68), et son accolyte, l'entrepreneur Marc, plomberie en tout genre, fumeur comme le petit prince et fort en gueule, une canadienne mysogyne, une famille hopla d'Alsace…

Etc.

De son voyage, elle vous livrera quelques téléportations au fil des jours, ne tenant pas à étaler un récit de vacances certes lointaines mais finalement banales au vu de toute cette masse de touristes blancs, au pouvoir d'achat pétrolifère à même pas 30 ans, s'envoyant des pancakes à + de 3000 mètres d'altitude tout en visitant des temples et des monastères auprès desquels parfois le palais omnisport de Bercy a des allures de grotte sacrée ("can I take a picture?" entendu dans la bouche d'un teuton ENORME à peine pénétré dans le plus vieux temple de la région où il faisait à moitié nuit, qu'on voyait même pas son appareil).

Bon, ok, la princesse grossit le trait, les moments de grâce vous dis-je, ils existent mais de son voyage, la princesse Chotek retirera en premier lieu :

– il faut avoir du temps, beaucoup de temps, pour sortir du chemin fléché, faire des rencontres, trouver Le lieu magique…

– les voyages rendent racistes (parfois) : l'Indien est pas poli, l'Indien passe obligatoirement devant tout le monde dans une file d'attente, l'Indien n'en veut qu'à votre porte-monaie (cf ci-dessous), l'Indien crache partout tout le temps, l'Indien trouve normal que les enfants des autres (les inférieurs) travaillent dès qu'ils savent mettre un pied devant l'autre, etc.

– les voyages donnent la haine de soi (parfois) : pourquoi suis-je partie, sensation énorme d'être une grosse blanche bourrée de pognon cernée par des masses misérables sans le sous et sans eau potable, j'ai donné 10 roupies, je suis une radine, j'aurais pu en donner 100, ou, à l'inverse, j'ai donné 100 roupies, j'ai pourri le système, entretenu cette femme dans la charité facile, tout ça pour me donner bonne conscience vu que je viens d'acheter pour à peine 120 roupies une chemise qui sera vendue 25 euros en France. Etc

– les voyages donnent la nostalgie de chez soi (eau chaude, camembert, copines, couleur verte, soleil doux…)

– les voyages donnent envie d'aller plus loin (chez soi)

 – les voyages ont l'effet d'un traitement du quotidien (acceptation de son sort, conscience aigue, douloureuse et philosophique, de ses privilèges de grosse blanche, bonheur des petits bonheurs de la vie justement appréciés au retour -camembert, eau chaude, copines-)

– les voyages (chez les tiers-mondeux) ravivent la maladie du célibat (personne pas marié au-delà de 25 ans, la femme de 37 ans se prépare là bas à être bientôt grand-mère)

Etc.

En bref, la princesse Chotek va repasser au "je" pour reprendre le récit de sa vie banale ordinaire et quotidienne, vous enmmenant parfois par téléportation dans certains de ces moments de grâce et de disgrâce qu'elle a vécus au loin, très loin de Tintamarre qui lui a semblé à la fois un havre de paix et de sérénité, un glissement de terrain hors le monde, une prison eurotisée, le cerceuil de ses amours, le puit de sa vie, un refus de la réalité, etc.

Affaire à suivre.

 

One comment on “L’Inde sans peine

  1. Reply helene22 Août 1,2006 09:19

    super ma copine est revenue !!!!! avec quelques moments de grace dans la tête et un peu de bourdon ????
    a + pour des plaisirs terrestres mouillés, salés et gras

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