Rentrer c’est bien, revenir c’est encore mieux

Ah
ces vacances en France…

  • Ah non tu vas pas te plaindre tout de même!

Non
non, je ne vais pas me plaindre de ce qu'après 12 heures d'avion en
compagnie d'une Zouflette éprise de marche et d'escalade comme d'un
Zébulon zébulonesque, nous nous sommes avalés 5 heures de train,
toujours en même compagnie, avec dinde et foie gras au départ,
bibiche et foie toujours gras à l'arrivée, sans oublier ce confit
de canard avalé à Paris XI en compagnie de ma chère Ilona
Bigouden, canard si bien portant que je n'ai pas pu manger pendant 24
heures…

  • Euh mais encore? Vous avez retrouvé votre appart?


ni de ce que nous avons commencé d'organiser un déménagement dans
le 9-3 depuis le 6-6 avec le beau-papa de A, dit le Jeannot, qui nous
a raconté par le menu tous les déboires qu'il avait eu avec son
loueur de Montpellier, toxico et brise fer qui, par ailleurs, aurait
avalé son pack de seringues plutôt que de régler son loyer ne
serait-ce qu'une fois par trimestre…

  • Encore des soucis de riche, à ce que je vois!

Ça
c'est Cléa Culpa, retrouvée en France car je l'avais quelque peu
égarée au Japon où elle ne s'était pas plu tant que ça. En
effet, l'air d'Auchan et les grèves du RER lui manquant comme à
Heïdi sa montagne fleurie, elle avait préféré tout déléguer à
la non muse qui n'avait d'ailleurs pas eu grand chose à faire pour
m'empêcher de boucler ma pièce de théâtre futurement célèbre
(L'évangile selon la fille), mon receuil de nouvelles de même
bientôt très connu (La reproduction des mammifères) et mon
futur roman goncourable, Des Japonais à la pelle puisqu'il
faut bien que…

  • Je demande en cas de mon décès à moi à ce que je sois brûlée
    morte, je suis claustrophobe et j'ai toujours eu horreur des bêtes
    gluantes qui rampent!

Belle-maman
prise d'une crise existentialiste en préparant le tajine du soir.

Son
Jeannot de mari, lui, de retour de sa tournée du sor des patients
alités, avait enchaîné sur des histoires de médecins roumains
incompétents, embauchés dans la région pour suppléer au manque
criant de généralistes, telle cette ressortissante des Carpates,
veuve d'un riche dentiste, qui pour survivre, avait réussit à se
faire embaucher en tant que médecin pour de vrai par l'hôpital
psychiatrique du coin (patron à 85% de la population active des
environs) en dépit du fait qu'elle avait pris un rendez-vous avec un
hématologue suite à de mauvaises analyses de cholésterol (un peu
comme si votre garagiste vous demandait de changer votre boîtier de
changement de vitesse suite à un PV pour excès de vitesse).

Le
Jeannot nous précisant par ailleurs, pour en revenir au thème des
loyers impayés, que cette dame avait finie par être expulsée de
son gîte meublé, par la bailleuse excédée de ne jamais voir aucun
de ses loyers réglés, ce qui n'avait cependant pas découragée la
dame qui, nantie de sa fiche de paye, devenue caduque (l'hôpital
avait fini par la mettre à la porte après 3 décès suspects),
avait réitéré dans une autre chambre d'hôtes et…

  • Bon c'est bien beau tout ça mais comment se passe concrètement ton
    retour?

Euh
bien, très bien. On mange beaucoup, bien gras, on entasse les
cadeaux, bien lourds. Bon, on est un peu fatigués, enfin moi surtout
car…

  • Ah ben le jour où tu seras pas fatiguée toi…

  • … qui ne travaille pas, qui plus est!

Certes.

Le
quatrième matin de présence en terre catalane, j'ai sorti mes
livres de japonais histoire de faire fonctionner ma cervelle
engraissée et emmatérialisée tout en écrivant d'une autre main un
billet pour le blog quand dring, ou plutôt, brrrrrr, brrrrr, mon
portable a vibré.

  • Emmaüs 93, vous nous avez laissé un message (la bourgeoise) c'est
    à quel sujet (la rentière)?

  • Euh…

Réfléchissons
peu, réfléchissons bien.

  • C'est un mec sur twitter qui raconte l'histoire d'un petit garçon
    de 3 ans qui regarde ses couilles sous la douche et qui demande à
    sa mère, maman, est-ce que c'est mon cerveau? et sa mère de lui
    répondre, euh non… pas encore… ahahahahahaha!

Ça
c'est A, qui a à coeur de me voir écrire, et écrire haut et fort.

  • Alors? Y a quelqu'un? (feignasse)

  • Oui oui excusez moi… je voudrais que vous passiez prendre quelques
    meubles parce que…

  • Quel étage?

  • Euh, quatrième droite et il s'agirait de…

  • Avec ou sans ascenceur?

  • Euh sans ascenceur, je suis vraiment désolée mais déjà que les
    charges sont élevées alors…

Moi,
terriblement confuse. Je déteste voir un être humain suer dans mes
escaliers en portant mes effets personnels surtout si c'est un
miséreux ou du moins un ex-miséreux devenu tout juste pauvre.

  • Quoi à enlever?

  • Un canapé (plein de tâches, vomi et renvoi de lait), une table
    Ikéa (période Vème république), un frigidaire en très bon état
    (mais venant de souffler sa quinzième bougie), un petit bureau
    d'ordinateur très bien avec tiroirs et bois façon acajou, un lit
    roi-taille avec matelas confort reine-petit pois… ah et puis aussi
    quelques vêtements, je crois que c'est…

  • Combien de sacs?

  • Euh, environ… six, peut-être sept, ou huit, pas plus de neuf ou
    dix, je vous assure!

  • Ça sera deux maxi, on est déjà plein comme des oeufs et on a
    juste trois bras (les miens et celui du manchot)!

  • Ah…

  • Mardi 7h00 du matin ça vous va?

  • 7h00!

  • Ben oui, la France qui se lève tôt, vous connaissez?!

J'aurais
pu placer que résidant désormais au Pays du soleil levant, j'étais
debout bien avant lui mais j'ai comme eu l'idée que cela ne l'aurait
pas fait glousser.

  • C'est que je ne suis pas sur place et 7h00 ça me fait un peu juste
    pour…

  • Jeudi 13H00, ça ira?

  • Euh, attendez voir…

  • Dépêchez vous la bourgeoise, j'ai une armoire normande qui me pèse
    sur le bras gauche!

  • Euh oui… très bien!

  • 13h00 sans faute sinon vos meubles vous pouvez vous les porter
    vous-même!

  • C'est entendu…

  • Ah et le frigidaire vous pouvez vous le carrer, on veut bien
    accepter les dons mais on n'est pas une décharge non plus, 15 ans
    non mais je rêve, l'âge de ma mère quand elle m'a eu!

  • Mais il marche parfaitement et…

  • Tututututttttttttttttttttt…

Le
brave homme avait déjà raccroché. J'ai fait de même, le rouge au
front. Cléa Culpa en a profité pour me faire remarquer
qu'effectivement, mes dons n'en étaient point puisqu'en dehors du
fait que tout était moche et vieux dans ce que je donnais (ma table
était neuve, le petit bureau aussi!), c'était là des choses qui ne
me manqueraient aucunement donc la notion de sacrifice étant
absente, c'était même encore pire que si je les avais revendus.

J'étais
pour lui répondre qu'au moins, cela ferait des heureux gratuitement
tout en ré-ouvrant mon livre de japonais (impossible d'écrire quoi
que ce soit dans ces conditions) quand brrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr…
nouvel appel.

C'était
ma copine Vanessa Sueuraufront, celle qui travaille comme une
Japonaise, l'efficacité en plus, la culpabilisation tout autant. Je
veux parler de celle à l'égard des non travailleuses qui…

  • Allo Mimi, alors comment va? (Pas trop fatiguée de ne rien faire?)

  • ça va, je suis juste en train de me prendre la tête avec cette
    histoire d'appart à mettre en location, même que…

  • Ah ah soucis de riche à ce que je vois… autant dire du vent… Tu
    te plais au Japon?

Bon,
autant dire de suite que ma réponse, positive ou négative, ne
l'intéressait pas plus que ça. Elle m'a raconté en long et en
large ses derniers appels d'offre (remportés), ses nuitées sous la
lampe de bureau jusqu'à des minuits et quelques, et sa nounou qui
était partie avec la caisse la semaine dernière en laissant son
fils tourner indéfiniment sur le manège que le maire de Paris,
homosexuel mais pas anti-reproduction des mammifères avait mis à la
disposition gratuite des mineurs à casier judiciaire vierge…

  • Ah et à propos j'ai eu des nouvelles de Marie-Laure… tu te
    souviens?

  • Marie-Laure c'est celle qui…

  • Eh bien figure toi qu'elle est partie vivre à Montpellier, tu sais,
    comme toi tu voulais le faire avant de suivre ton mari à Tokyo (où
    tu fais rien qu'à ne rien faire)…

  • Mais je ne…

  • Eh bien figure toi qu'après deux ans de recherche assidue d'un
    emploi de sa force vive quand bien même pré-ménauposée, elle est
    toujours sur le carreau… la pauvre, elle a TOUT contre elle… un
    enfant en bas âge (14 ans), des diplômes en masse dont une
    maîtrise en chinois courant, un cv béton, mais en corollaire,
    l'âge fort avancé (45 ans et demi)… elle est si désespérée
    qu'elle en est à postuler pour tenir la caisse du mausolée de
    Georges Frêche mais le hic c'est que son diplôme de Sciences po
    (le même que toi!!!) les rend suspicieux… pourquoi une femme
    âgée, diplômée de Sciences po (comme toi!!!) voudrait-elle
    veiller sur les cendres de Georges Frêche hein?!

  • C'est vraiment fou que…

  • Alors du coup, faut de mieux, elle touche le RSA… tu te rends
    comptes?!… elle qui il y a peu était directrice adjointe de la
    bibliothèque nationale de France…

  • Non?!

  • Enfin quelque chose comme ça… bref, sois consciente de la chance
    que tu as Mimi! (Pour le moment du moins car quand tu rentreras en
    France, tu vas en baver!!!)

Bon,
ça n'était pas dit exactement comme ça mais le message était
clair. Et d'ailleurs, autant vous dire que tous les échos que j'ai
involontairement glanés concernant le marché du travail, le moral
des ménages ou la santé du pays, étaient du même tonneau.

Si
les gens avaient du travail, ils en avaient trop, et dans de mauvais
conditions, à moins qu'au contraire, ils n'aient plus rien à faire,
chômage technique ou blocage administratif (témoignage du côté de
Bercy), et s'ils n'en avaient pas, de travail, ils n'avaient pas même
l'espoir d'en trouver un, s'enfonçant chaque jour un peu plus pour
certains dans le spectre angoissant du déclassement social et du
mépris à leur égard des employés de banque, au point que je n'ai
osé demander à personne de venir m'aider à faire mes cartons et à
démonter mes meubles, A étant reparti au Japon dès le nouvel an
consommé, décidant donc de passer par une compagnie qui m'a sucré
toutes mes étrennes et par Emmaüs qui, sakura sur le keki, m'a posé
un lapin, me laissant ainsi avec trois meubles sur les bras à jeter
par la fenêtre si je voulais louer l'appart en tout nu.

De
son côté, si la grande Simone avait accepté de mettre de côté
ses activités cérébrales pour s'occuper du Zébulon et de ma
Zouflette pendant que je prenais du bon temps à jeter par sacs
entiers ce que trois ans de vie à Montreuil m'avaient vu futilement
accumuler…

  • Ah ça si tu avais fait comme moi un grand rangement chaque année,
    tu en aurais gagné du temps!

  • Ah ça si vous vous étiez un peu mieux organisés, on en serait pas
    là, toi à perdre ton temps et moi à en baver avec tes enfants!

  • Ah ça si j'avais su, on aurait procédé autrement!

  • Ah ça en vérité je te le dis, la prochaine fois, pas plus de cinq
    jours chez nous avec tes enfants très agités!

  • Quatre jours!

  • Trois!

Car
chaque jour passant, la grande Simone devenait de plus en plus
excédée par notre présence, le Zébulon ayant par ailleurs décidé
que l'année du dragon ça rimait avec tête de cochon, ce qui
n'aidait en rien la détente de l'ambiance qui, d'heure en heure,
devenait un peu plus délétère.

Et
avec tout ça, à peine si j'ai pu croiser Aveline…

  • J'arriverai vers 14h00 en fait, je dois finir de corriger Le
    nouveau cathé, croire c'est bonnard

  • Vers 15h00 en fait, c'est plus long que je ne le pensais…

  • En fait, 16h00, ça devrait le faire!

  • Bon, on se verra demain hein, là faut que j'aille chercher les
    filles!

Et
le lendemain, c'était moi qui était prise par le lapin d'Emmaüs,
la signature du contrat avec l'agence ou comment rentrer 30 mètres
cube de vêtements et de livres dans une valise astreinte à un
poids maximum de 23 kilos.

Aveline
a juste pu me dire que Peter, le père de sa paire, était toujours
coincé quelque part entre la Néo-Zélande (et sa femme imperméable
à l'idée de divorce car qui lui attacherait ses lacets sinon hein?)
et le Berry, où Aveline emmenait régulièrement sa paire de,
marcher dans la boue et ramasser des champignons rouges à points
blancs dans les sous-bois. Qu'en bref, la bigamie de ce dernier et
son statut de mère célibataire à elle se confirmaient un peu plus
chaque jour.

Il
y a eu aussi Isadora Patissier, de retour elle aussi au pays pour
quelques semaines, définitivement séparée de son capitaine et de
son bateau, en vente quelque part sur une côte australienne,
balançant entre son indéfectible énergie et le désespoir teinté
d'angoisse qui saisit toute femme se retrouvant célibataire à l'âge
canonique de 37 ans et demi (sans compter l'amour en fuite, ce qui
est toujours source de chagrin). Dans un café pour le moins peu bobo
de Montreuil, on a discuté voyages, Japon (elle vient nous voir en
février), changements d'horaires, aéroports, monnaies et rencontres
routardes, le tout bien haut bien fort ce qui devait sonner comme une
provocation aux oreilles des autres consommateurs qui prenaient tout
au plus le 102 pour aller à Rosny 2, ceci expliquant sans doute
pourquoi j'ai trouvé un poil de fesses dans mes frites jaune pâle.

  • Et à part ça?

Eh
bien à part ça, ça a été le grand marathon, genre Mimi-san en
campagne électorale courant de marché en appartement, de café en
parcs et jardins de la ville de Paris, pour serrer quelques paluches,
distribuer des sacs de vêtements, répéter en boucle tel un mantra
les mêmes informations de sa nouvelle vie au Japon qui, à force,
semblait de plus en plus…

  • Rétrécie, je trouve ma Mimi que… est-ce d'être devenue
    définitivement maison-femme à l'étranger?

  • Ou début de la pré-ménopause?

  • L'éloignement du marché du non travail peut-être?

  • Bref… j'ai trouvé que ton univers se rétrécissait… on te
    sent… asséchée…

  • Moi je dirai plutôt éloignée… de la réalité… du coup, tu
    surfes plus que tu ne plonges au fond des choses…

  • Ah non moi je dirai plutôt ankylosée… la plume se traîne!

Des
ex fan des Chotekeries.

Et
puis enfin, ENFIN, ça a été l'heure du retour. La grande Simone,
flanquée du professeur Colza victime d'une allergie à mon fils
suite au concerto pour grosses caisses que ce dernier lui avait valu
pendant deux bonnes semaines (sans compter les Mais pourquoi cet
enfant court-il sans cesse dans le couloir? Mais pourquoi ne sait-il
pas parler à voix basse?), s'est assuré à la jumelle que je
montais bien dans cet avion où pendant 12 heures mes enfants
allaient infliger à d'autres ce qu'ils leur avaient infligé à eux
pendant une quinzaine de jours.

Une
quinzaine d'un temps précieux pris sur celui qui leur restait à
vivre (Mimi, il ne me reste plus tant de temps que cela pour finir le
tome X de mes mémoires!!) sans compter que si on avait gémi
longtemps dans la chaumière sur ma non reproduction des mammifères,
cette dernière accomplie, elle survenait cependant aussi trop
tardivement qu'inutilement (Mimi, tu ne te rends pas compte, on est
plus d'âge à garder des petits pendant que toi tu fais tes petites
affaires en égoïste mal organisée que tu es…).

Qu'importe!
j'allais retrouver le Japon, ma véritable maison où je ne
comprenais personne ou presque, où ma seule véritable amie allait
se tirer dans six mois tout au plus, où il n'y avait pas l'ombre
d'une grande Simone même de semi bonne volonté pour me décharger
de mes zouaves et où je ne pouvais guère espérer travailler avant
quelques années, quand mes enfants seraient cadres chez Toyota, mon
japonais fluide et mon anglais parfaitement running.

Mais
qu'importe, je le redis, ma maison était désormais là bas et pour
l'heure c'était tout ce qui comptait à mes yeux après ces vacances
suantes et stressantes que je n'aurais souhaité à personne, pas
même à Emmaüs cette bande d'abrutis finis.

  • Non parce que si c'est plus de deux sacs de vêtements, on prends
    pas… et puis si le camion est plein avant d'arriver chez vous on
    passera pas non plus… surtout pour des meubles Ikéa hein… on a
    notre dignité quand même… enfin vous verrez bien, les surprises
    c'est toujours bon à prendre hein… sur ce tututut on vous laisse,
    c'est l'heure de l'apéro…

Kanpai!

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