Xenophobia

Pas grand chose à vous raconter si ce n'est une gastro japonaise (la même qu'en France, le masque en plus).Isadora Patissier est venue puis est repartie pour visiter Kyoto, Nara, Hiroshima, et grâce à ses mails, nous voyageons par procuration.

Je compte bien lui régler son compte par un billet blog mais j'attends juste qu'elle soit partie (ahah).

– Tu sais Mimi, ne te crois pas obligée de dire des choses gentilles sur moi sous prétexte que  je lis ton blog…

T'inquiètes, ton tour viendra, j'ai déjà le titre du billet, Libertad, tout un programme.Non, je vais plutôt en ce jour me consacrer au mot xenophobie, xenophobia en anglais, langue à laquelle j'ai recours bien plus qu'au japonais où mon niveau, que j'imaginais en progrès, en a pris un coup comme vous allez le voir.

– Tu vas pas nous parler des élections présidentielles à venir quand même? Déjà qu'en France tout le monde qu'il en sait rien nous en cause alors toi qui es loin et qui en sais encore moins, tu vas pas t'y mettre!

 

T'inquiète, Sueuraufront, je vais juste parler de mon petit cas personnel.Cette semaine, j'ai soudain compris ce que signifiait le terme, xenophobie, à savoir : peur de l'autre, de l'étranger plus exactement, ce qui n'est pas forcément, comme je le pensais, synonyme de racisme.


– Ah bon, on peut être xénophobe sans être raciste?

 

Un raciste, pas convaincu. Ou bien l'inverse.Par Naeko san, une maman de Mastumura, une trentenaire japonaise, tout en sveltesse, avec de longs cheveux coulant, adorablement douce et sous ses dehors adorablement doux, opiniâtre et plutôt douée (j'ai ainsi découvert que non seulement elle parle et écrit fort bien l'anglais, mais qu'en plus elle comprend le français, surtout à l'écrit), je me suis inscrite à une nurserie de quartier, système de garde public, où tous les arrondissements alentour se ruent pour tenter de décrocher 4 jours de garde par mois à des prix défiant toute concurrence sur le sol tokyoite.

Le seul hic c'est que chaque 10 du mois, il faut appeler…

– bipbip… bipbip… bippppppppppppppppppppppppppppppppppppppppp

Et soudain, si on a de la chance…

– Bipbip… moshi moshi, tomigaya hoikuen bldkadhazhdahhdkihzakdkklcsl ka?

Ka, ça signifie qu'on vous pose une question. Je resors donc la feuille que Naeko m'a gentiment préparée avec les phrases types que l'on va me poser.

– Ohayo gozaimasu…

Que je place, déjà, une fois que la dame a terminé sa tirade.

– Ah… ohayo gozaimasu…

A son ton, je comprends qu'elle vient de réaliser sa chance du jour, elle est tombée sur une gaijin et que ça va pas être de la tarte.

– Bbebebebeb namae wa?

Je pèche le mot namae, nom, il doit s'agir du nom de l'enfant.

– Sososo…. jjeakkzlkzllz sai desu ka

Facile, sai, l'âge, j'ai répété avec Naeko qui s'est aperçue que je répondais, 17 mois, ce qui n'est pas du tout japonais, il faut dire, un an et 5 mois.

– Issai to gokagestu!

Bingo!

-ggg k    al    llzù&ùmk,zkzkkdkzakzkzzk bento jejejjeej  ka

Ah oui, bento, il doit s'agir du déjeuner, car ma fille étant de semi ascendance végétarienne, elle est donc végétarienne et en conséquence, contrairement à la crèche française pour qui toute nourriture apportée du dehors signifie empoisonnement collectif et procès en série, elle a droit ici à apporter sa o-bento.

– Hai, bento o motte imasu!

Oui elle apportera sa bento! Que je beugle follement dans le téléphone.

– lelmaemvchjhjsdjzskzlzelzeamzamamemmze » ka

Ka, c'est une question donc. Mais quelle est la question?

– lelmaemvchjhjsdjzskzlzelzeamzamamemmze » ka

 La même question répétée à la même vitesse supersonique, comme si j'étais japonaise depuis l'ère d'Edo.

– Euh sumimasen… wakarimasen…

– lelmaemvchjhjsdjzskzlzelzeamzamamemmze » ka

Encore, mais je ne comprends toujours pas bordel!

– Lelmaemvchjhjsdjzskzlzelzeamzamamemmze hatsuka jhejhejhejh ka

Ah, je viens de comprendre hatsuka, qui veut dire, le 20, quand on parle du mois. C'est un lundi, donc un jour qui me convient.

– Hai Hastuka hai hai ii desu!

Oui oui 20 c'est bien! S'en suit au moins cinq minutes pour donner le bon créneau horaire mais enfin, on y arrive.

Puis…

– ndkajozaolpzoa&omzmom ka


Quoi?

– ndkajozaolpzoa&omzmom ka

Euh…

– ndkajozaolpzoa&omzmom denwa ka

Ah là j'ai isolé le mot denwa, elle doit donc me demander mon téléphone (que j'ai donné au moins trois fois déjà). Facile.


– zéro hachi zéro…
– Zéro shichi?
– Hachi!
– ah… hachi zéro?
– No… zéro hachi zéro
– Ah… zéro hachi zéro?
– Hai… attode  (après)… yon san ni ni
– Ah… yon san nana?
– No! Nini! Euh… ni… ni
– ah… nana zéro hachi zéro?
– No!

Bon déjà on dit pas no, mais ie, et là le désespoir commence à m'envahir. Sachez juste qu'après dix essais, la brave dame n'avait toujours pas mon bon numéro de téléphone ce qui m'a plongée dans un profond découraghement et une certaine colère car bon sang s'il y a bien quelque chose que je sais faire, c'est donner mon  numéro de téléphone!

– ale    moamokamkmsmpsppsfcpùpcùD%L%PMDVC%PML%nnnnnjhhjdjhdjdjjd ka
– Yukkuri kudaisai…

Lentement s'il vous plait, que je lui demande.

– LfcklzadpoAZDOAZOMOLLDLDCLLLLLlllllnezy yukkuri yukkuri hzikldelvmlvdmldvmmpds !!!!

S'en suit donc une tirade de la dame, un poil énervé et je comprends qu'une seule chose, j'aurais droit au 20 et à rien d'autre car elle en a sa claque et un troupeau de mères japs et donc parfaitement comprenantes, doivent attendre désespérément que la ligne se libère.

Je raccroche après l'avoir remerciée, même si je me sens… tabassée.

Naeko san, plus tard, m'a chaudement félicité d'avoir réussi à décrocher une place, toute seule, quand elle, non, elle n'a jamais réussi à les joindre ce matin là (une plouc blanche occupait toute la ligne).
Je me sens donc un peu moins… tabassée.

Sauf que le soir, elle me rappelle. La dame s'est trompé, le 20 mars est un jour férié et il n'y a pas de garderie. Donc ils annulent et comme ils en sont très gênés, ils me proposent générusement 4 jours de garde, à ma convenance, pour ratrapper leur bévue, jours que Naeko san réservera à ma place d'handicapée linguistique que je suis, elle qui, je vous le rappelle, a eu zéro place quand elle en a besoin pour suivre des cours dans le cadre d'une formation à l'enseignement du japonais aux gaijins…

La honte. Déjà je pensais que j'avais réservé pour le 20 février mais non c'était le 20 mars, et si j'avais bien lu les papiers traduits par Naekos san, j'aurais compris que je ne pouvais réserver que pour le mois suivant, à savoir mars. Double honte.

– Bon mais la xenophobie, elle est où?

Isadora, qui de Kyoto, ne perd rien de ce qui se passe sur ce blog.

– La France, tu l'aimes ou tu la quittes!

Charlie Tango, soudain réveillé aux commandes de sa CB.

Eh bien, c'est Naeko san qui l'asoupçonnée.

– Do you know the word xenophobia?

Euh, oui… Marine Lepen, La France aux Français, etc etc.

Et pas que. Naeko m'a envoyé tout un petit speech en anglais sur ce thème.

– Au Japon, certaines personnes, souvent âgées ou d'âge mûr, font preuve de xenophobie… en fait ils ne connaissent aucun étranger et en ont peur… ils ne savent pas comment communiquer avec lui, en anglais ou même en japonais, alors ils préfèrent ne pas avoir à faire à lui… c'est pour cela qu'ils m'ont rappelée moi et pas toi…

Ah, mon niveau de japonais n'était donc pas en cause?

– Euh si un peu tout de même… elle parlait rudement mal la gaijin!

Sakura Tanaka san, la brave dame de ce matin, en google traduction.

Selon Naeko san, cela epxliquerait que non seulement ils l'aient rappelée, elle, et pas moi, mais également notre « miscommunication » avec Sakura Tanaka san.

De fait, j'ai souvent remarqué que les Japonais ont énormément de mal à faire l'effort de parler lentement, de détacher les mots pour que l'oreille étrangère puisse saisir les mots clés et donc comprendre le message de base. Et puis, le fait que cette brave dame n'arrivait pas à comprendre mon numéro de téléphone pourrait bien en effet relever d'une mauvaise volonté, elle même fille de cette fameuse xenophobia…

– Quand les gens de Tomigaya te connaîtront, tu verras, ce sera bien plus simple… ils étaient vraiment sincèrement désolés de tout ce mic mac et souhaitent vraiment être gentils avec toi…

Même Sakura Tanaka san?

– Quand on rencontre les gens en face à face les chsoes sont plus imples… et humaines aussi… tu leur deviendras familière et quand tu appeleras, ça se passera mieux!

Si toutefois je rappelle.

En tout cas, j'aurais au moins appris 2, 3 petites choses.

Le xénophobe n'est pas forcément raciste. Initialement il a peur de l'autre, de l'étranger, il ne sait pas comment manipuler cet être étrange qui parle si mal sa langue, mais si cet autre se fait un peu plus familier, qu'on arrive à savoir un peu comment le prendre, alors il est possible de s'en faire une sorte de prochain, pas un ami tout de même (je n'irai jamais avec Sakura Tanaka san boire le saké dans une izakaya). On peut être xénophobe sans pour autant être forcément, a priori, raciste.

J'ai encore énormément de progrès à faire pour parler japonais, surtout avec de vrais Japonais, c'est à dire des créatures nées sur le sol nippon et n'ayant jamais ou presque approché de près une gaijin et une gaijin qui plus est aussi hiranagabète. Ai poto, ma petite crèche pour étrangers et mamans japs anglophones, mon petit yoochien avec de même ces gaijins et ses mamans japs mariées à des gaijins ou parlant anglais, tout ce petit univers n'était qu'un écran de fumée me cachant la véritable réalité. Celle d'un univers où je ne suis rien si on ne m'aide pas…

Je croyais m'en sortir bien, oh que je suis débrouillarde oh que je suis autonome et rudement maligne mais cause toujours Mimi, j'étais juste dans un univers facticement protégé, avec ses autochtones capables de parler anglais voire français ou au moins de s'adapter à mon niveau de japonais merdouilleux.
Ohalalla la claque.

– La France tu l'aimes ou tu la quittes!

Merci Charlie.

– Nihon wa, suki desu ka dekakemasu!

Arigato gozaimasu Sakura.

« Celle d'un univers où je ne suis rien si on ne m'aide pas… ». Heureusement il y a des Naeko san, des Fumiyo san, des Noriko san etc pour nous aider, pauvres blanches égarées que nous sommes. Une Naeko qui non seulement m'aura accompagnée de A à Z mais en plus, n'aura pas hésité à mettre les pieds dans le plat en me parlant de la xenophobie de certains de ses concitoyens, ce qui n'est jamais chose rigolote à aborder. Une telle gentillesse et une telle subitilité valent bien quelques claques administrées par les Sakura Tanaka san du coin non?

(euh faut voir, pas trop tout de même)

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