Interlude (les listes)

  • Ahhhhhhhhhhhhhhhhhhh… le camping de Midori Yama!

Eh
bien non, pas de camping, rangée la tente, rangés les piquets et
les sardines, adieu les vacances et merci à la vraie (fausse) vie
qui enfin recommence, je veux parler de la rentrée des yoochien
(le Zébu) et hoikuen (La Zouflette, une fois tous les 36
du mois). Cette vraie fausse vie où la okaasan peut enfin
redevenir un peu soi-même… c'est à dire eh bien… une femme avec
des inspirations de femme qui…

  • Mimi, tasukete! Rosine sort de l'hosto incessamment sous peu!

Ça
c'est mame Michu, qui m'envoie un message d'alerte, sa protégée
Ivoiro-lesbo-schizophrène s'apprête à sortir de l'HP où elle
était entrée il y a un mois dans un état proprement alarmant et
qui le demeure sauf camisole chimique (aller donc faire une thérapie
en japonais avec Tanaka sensei, uniglotte tout comme vous)…
camisole qu'elle ne saurait d'ailleurs continuer à endosser une fois
revenue dans la vraie vie car trop chère, trop contraignante pour
qui s'est égaré et erre toujours, malade, seule et sans le sous
dans les banlieues de Tokyo… Bref, autant dire que lâcher Rosine
dans la vraie vie de Tokyo c'est un peu comme si on vous abandonnait
près de la piscine numéro 4 de Fukushima avec un masque et un tuba.

  • C'est quoi le rapport?

Aucun.
C'est juste que cela tombe, là, maintenant, et que, par rapport à
Rosine, je me sens à la fois profondément privilégiée d'avoir un
mental en bonne santé…

  • Parle pas trop vite Mimi! Tu es déjà névrosée, tu peux aussi
    devenir psychotique! (précision de mame Michu)

Et
d'avoir aussi enfants, mari et temps pour moi, et en même temps, la
vraie fausse femme que je suis devenue en rompant avec le marché du
travail et le 93, se sent un peu… plombée.

  • Ceci dit Mimi, quand tu en étais du marché du travail, on ne peut
    pas dire que tu en étais, de la vraie vie!

Certes.

En attendant, le Zébu est enfin parti crier ailleurs, la Zouflette va de temps
à autre à sa garderie et moi je me retrouve avec :

*300
kanjis à apprendre

*Autant
de dialogues oraux textes à comprendre pour me présenter a mon
examen de japonais de décembre

*6
modules de FLE à m'avaler parfois indigestes parfois digérables
mais toujours théoriques et nécessitant grand calme et cervelle à
la fraîche,

*une
pièce de théâtre à terminer,

*Une
trentaine de nouvelles à relire, et à peaufiner,

*Une
demie-douzaine de concours de nouvelles à concourir pour re-rentrer
dans la course coucou c'est remoi,

*Un
roman à écrire sur le Japon car à quoi bon venir habiter dans ce
pays si ce n'est pas pour écrire dessus…

Autant
dire que ce n'est pas avec 4 heures libres et nues par semaine que je
vais y arriver (même si il va de soi que je n'aimerais pas, bien
entendu, avoir autant de temps libre que Rosine).

Et
puis il y a, avec la rentrée du yoochien, tout plein de
réjouissances qui se profilent.

*la
kermesse, encore appelée le grand bazar, plein de petites réunions
obscures et de tâches à accomplir

*le
jour du sport avec préparation de ci de là et toujours ces petites
réunions obscures en cercle et en tout temps

*le
déjeuner à base de sushis offert par le collectif Matsumura et qui
justifie qu'on doive récupérer la prunelle de son oeil droit une
heure plus tôt,

*la
sortie au zoo du dernier vendredi du mois qui vaut bien qu'on renonce à envoyer sa prunelle de l'oeil gauche à la garderie car à quoi bon payer une garde si on ne peut pas étudier

*la
chorale mais là c'est moi qui le veux bien…

*la
réunion de classe de la rentrée…

Celle
là, de réunion, m'a valu à moi une poussée de fièvre
hoshinophobe (de hoshi, étoiles, le nom de la classe du
Zébu).

Ecoutez
ça plutôt. Soit environ 29 okaasan, dont la plupart
raisonnablement anglophones, pour ne pas dire carrément
anglo-courantes car appariées avec un anglophone, soit Mikki sensei,
la maîtresse, japono parlante très très rapidement… et soit moi,
japono trébuchante, anglo dépatouillante et franco pas trop mal
mais ça n'a intéresse personne ici bas.

Soit
ma voisine, Mecollepastropstp san, à qui j'ai demandé de bien
vouloir me traduite le substrat essentiel délivré par Mikki sensei,
ce qui s'est réduit à trois dates, que je connaissais déjà, et
c'est tout.

Parce
que Mecollepastropsan:

*soit
elle jouait avec son tyran de 2 ans à la dînette, aux cubes ou à
la crotte de nez colle la donc sur l'étrangère (euh non là je
rigole)

*soit
elle observait son portable

*soit
elle tapotait dessus

*soit
elle prenait des notes dessus sur les courses à faire après la
réunion ou comment réussir à mettre uen distance avec cette
étrangère qui allait lui mettre le grappin dessus en lui demandant
sans cesse de traduire les Dits de la sensei

*soit
elle regardait le sol pour ne pas avoir à me regarder moi qui
racontais dans un style HP ce que j'avais fait durant ces fabuleuses
vacances de récupération à l'instar des autres mères… dont elle
ne m'a bien sûr rien traduit des récits, ce qui fait que je ne sais
même pas à quoi occupe ses vacances une housewife japonaise
condamnée à partager le quotidien durant deux mois d'un enfant de 4
ans plus ou moins sur-actif

Bref,
j'ai rembobiné la séquence, et quand est venu mon tour de narrer
mes vacances, j'ai réuni tout mon japonais et j'ai ainsi expliqué
que, durant les dites vacances :

*j'ai
réalisé que je vivais dans un pays plein de dangers

*de
piscines prêts à s'effondrer

*de
particules radioactives parsemées dans les airs et les sous-sols,
les mers et les rivières

*de
sous-sols tremblants, de vents déferlants et d'éruptions
volcaniques éminentes

*de
dirigeants incapables et irresponsables

*de
citoyens grégaires et ignorants

*j'ai
donc fait mes valises

*défait
mes valises

*refait
les valises

*redéfait
mes valises

*participer
à une manifestation anti-nucléaire devant la résidence de votre
premier ministre…

  • Sans blagues, Mimi, tu n'as pas dit ça?

Non,
et de toute façon, vu mon japonais, elles ne m'auraient rien
compris. J'ai juste constaté que personne ne s'exclamait des jozu
(excellent!) des sugoi (super!) à pleine voix comme le quidam
nippon moyen le fait habituellement alors que j'avais tout de même
fait l'effort de m'exprimer en local. Au camping par exemple, ses
cris de ravissement (au nippon moyen) atteignaient jusqu'aux oreilles
de vaches du pré du haut.

Ensuite,
Mecollepastropstp san a filé, et des 28 autres mères en présence,
seules les deux marginales m'ont parlé. L'une d'elle, qui boit seule
et suit un traitement pour les nerfs car elle fait (ou a fait) une
dépression nerveuse, m'a précisé qu'elle était arrivée en retard
à la réunion (en fait 5 minutes avant la fin) suite à une bouffée
violente d'angoisse (phénomène qu'elle subit depuis ses 16 ans) et
qu'elle et son mari se criaient beaucoup dessus (moi c'est sur mes
enfants).

Que
devais-je en déduire? (concernant l'ostracisme des autres mères)

*Que
je n'étais pas aimée

*Que
je ne l'étais pas pour des raisons objectives (gaijinitude)

*Que
je ne l'étais pour des raisons subjectives (je déclenchais
l'antipathie)

*Que
ces femmes n'avaient aucune motivation particulière à me parler

*Qu'elles
avaient surtout peur de devoir me prendre en charge linguistiquement,
voire pire (par exemple, préparer mes bento ou m'accompagner au
Tribunal suite à mes voies de fait anti-nucléaires dans l'espace
public)

*Qu'elles
trouvaient en fin de compte aussi bien que je devienne amie avec la
okaasan marginale dont le problème lui n'était certes pas
linguistique

*Ou sinon
avec l'autre okaasan, venue du Kyushu, et qui n'arrivait pas à
s'infiltrer véritablement dans leur groupe, car on aura beau dire,
le Kyushu, c'est quand même un peu la province de la province,

*que
mon japonais était trop hasardeux pour espérer avoir une
conversation un tant soit peu nourrie sur les fringues, les concours
d'origami dès 4 ans ou le bento des enfants

*qu'à
un tel niveau de hasard, mon japonais dénotait de ma part une
mauvaise volonté intégrationniste, ce qui leur déplaisait

*que
même hasardeux, il montrait de façon déplaisante que je cherchais
à m'intégrer, ce qui leur déplaisait

*que
j'étais parano???

  • Un peu peut-être non?

A,
me retrouvant en fin de semaine démantibulée par cette reprise et
mon programme de travail non bouclé, sans compter l'écriture aux
abonnés sacrifiés et les risques toujours possibles de disparition
thermo-sismo-nucléaires.

Sans
doute que je le suis un peu (parano). Car il y a quand même des
créatures qui me parlent… Sweet Cindy, la belleTaiwanaise, qui,
de plus, semble décidée à voir en moi une sorte de mère Courage
des housewives expatriées et privées de langue commune, bûchant d'arrache-pied pour réussir à sortir de son trou linguistique (elle même
parle couramment japonais et anglais et chinois et bientôt allemand
par son mari). Il y a aussi Akiko, une nouvelle okaasan de la
classe du Zébu, qui s'est littéralement jetée dans mes bras pour
discuter un peu le bout de gras à la fin de la classe jeudi. Il est
vrai qu'elle débarquait de cinq années de vie en Italie, qu'elle
parlait anglais comme on court et qu'elle atterrissait dans une
structure de groupe (les mères de la classe du Zébu) pour le moins
ultra installée.

Et
puis il y aussi Sumiko sensei, l'ex petite Instite devenue professeur
à grosse voix puis maintenant directrice et qui tient absolument à
me compter dans sa réunion pour nouveaux postulants à son école
puisque je désire en effet inscrire la Zouflette l'année
prochaine… exigence qu'Erica a trouvée pour le moins étrange car
elle-même va inscrire sa petite et non seulement Sumiko sensei ne
l'a pas mandé à sa réunion super pratique (pan à 13h30 le
mercredi, pile dans la sieste des petites) mais elle lui a assuré
qu'elle lui gardait une place au chaud « puisque son frère
était déjà dans cette école ».A croire qu'elle n'avait pas noté, cette grue, que si je venais tous les jours dans son établissement c'était pour y récupérer mon fils, le Zébu, et non pour vendre des bibles ou des fenêtres en PVC.

Autant
dire que depuis cette grâce que m'a faite Sumiko sensei je
bouillonne et je m'interroge.

  • Peut-être que c'est parce que j'ai demandé il y a longtemps pour
    ma fille et que c'est pour avril?

A
suggéré Erica. Tintin, la maman irakienne a fait entrer son
deuxième garçon à l'école (hurlements pendant plusieurs jours) et
je ne pense franchement pas que Sumiko sensei lui ait proposé de
venir s'éclater une heure en japonais le mercredi d'après-midi avec
les inconnues postulantes qui pensent que Matsumura ça veut dire
liberté des mamans en aïnou.

Non,
non, non… je me dis que :

*Sumiko
sensei a été outragée par mes bentos

*Sumiko
sensei n'a jamais digéré le natto que j'avais fourré dans son
bento au Zébu

*Sumiko
sensei n'aime pas les étrangères

*Récusé,
la maman irakienne et la Norvégienne ont eu une place que dis-je
deux places sans se farcir la dite réunion

*Sumiko
sensei n'aime pas les Françaises

*Récusé,
elle aimait bien Ana Freud, en tout cas, elle ne lui a pas fait de
crasse

*Sumiko
sensei ne m'aime pas

*C'est
possible même si c'est terrible à admettre

*Sumiko
sensei n'aime pas mon fils

*Si
c'est le cas, elle cache bien son jeu l'ayant choisi comme Prince
pour la Hina Matsuri

*Elle
a décidé de me faire payer mes efforts en japonais

*Elle
a décidé de me faire payer l'absence de visibilité de mes efforts
en japonais

*Elle…

Mais
je m'arrête là, j'irai à sa fichue réunion, et j'afficherai un
air de soldat de l'aviation nippone de la seconde guerre mondiale
sélectionné parmi 100 autres pour avoir le droit de se jeter avec
son engin sur un appareil à pop corn américain positionné sur
une des îles d'Okinawa.

Bon,
et puis nous détendre tous, et comme je suis pas chien tout en
souhaitant mettre un peu de distance avec mes amis les campeurs des
Flots bleus, je vous livre donc en bonus ce qui caractérise
le campeur japonais moyen comme ça on sera tous débarrassés.

  • Oh ben non nous on voulait un billet rien que sur le camping!!

Qu'importe,
voici la liste :

*le
campeur japonais (et sa famille) peut partir à huit heures de route
de Tokyo, monter sa tente pour deux, voire, à la rigueur, trois
seules journées et s'en retourner en se disant, ça m'a fait du bien
ces grandes vacances…

*il
monte en général deux tentes, une pour dormir, une pour cuisiner et
pour manger, la troisième, c'est pour le chien (mais non, c'est un
petit plus)

*bien
sûr, il a table, chaises, fauteuils, voire canapé, hamac, barbecue,
balançoire, auvent, loupiotes, guirlande lumineuse, liste non
exhaustive, loin s'en faut.

*il
est souvent accompagné de sa femme et d'un enfant, auquel s'adjoint
un chien

*le
chien a sa propre chaise et la femme s'en occupe comme d'un bébé
pendant que l'homme et l'enfant, si suffisamment grand, montent la
tente

*si
l'enfant est trop petit pour planter des sardines, la femme lui donne
le sein, le chien prend l'autre (mais non là je plaisante)

*Si
le camping offre des activités intéressantes (une rivière par
exemple) il n'est pas rare que le campeur et sa famille passent ses 3
jours dans le camping sans jamais en sortir, de toute façon (vu chez
des voisins charmants), il y a tous les jours le ménage à faire
(compter une matinée), la fête de famille du soir à préparer pour
ces parents qui viennent depuis Tokyo passer la soirée et la nuit
(les Japonais savent vivre et donc apprécier le temps présent
dit-on, on le leur souhaite vu leur temps de loisir aussi réduit que
leur espace de vie), puis au matin, la fête de la veille au soir à
ranger, nettoyer, aérer, briquer les tapis de sol… sans oublier la
lessive car ce n'est pas parce qu'on ne part que 3 jours qu'il faut
rapporter son linge sale à la maison… et voilà encore une journée
de passée, demain c'est le retour à la Capitale, ça fait du bien
hein de se ressourcer au vert!!

*Il
y a aussi des tentes pour les scouts, jeunes et moins jeunes, et
chaque matin ou presque, un groupe chasse l'autre, spectacle de
dizaines de couvertures orangées mises à aérer sur les pelouses
les toits et les différents bâtiments du lieu, et chaque soir, le
nouveau groupe danse autour d'un nouveau bûcher, dressé identique à
celui de la veille, et mis à feu à 19h01, jusqu'à 21h02 où sans
doute le gérant leur a intimé l'ordre de ne plus moufeter car les
familles veulent du calme. Et le pire c'est qu'ils obéissent.

– Dis donc, Mimi, tu voudrais pas aller camper sur les îles Senkoku c'est la batou!!!

Car oui, avec tout ça, pendant que je me prélassais dans mon interlude et mes listes, la troisième guerre mondiale s'est peut-être mise en place avec la Chine et le Japon qui se disputent trois cailloux dans la mer (certes juteux potentiellement dans leur sous-sol et rivages), sans oublier Taiwan et la Corée du Sud qui ont aussi leur mot à dire (mais sur un autre tas de cailloux pour la Corée du sud). 

Autant dire qu'à ma liste de dangers nippons, je peux adjoindre au thermonucléaire, aux risques sismiques, aux éruptions volcaniques, aux typhons, aux missiles nord-coréens, eh bien la baston voire la guerre avec l'Ennemi numéro un absolu, la Chine, avec joyeuse participation des Coréens, des Taiwanais et qui veut bien venir nous pourrir encore un peu plus la vie!

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