La journée sale et méchante 1

Il y a la journée sans tabac. Il y a la journée des voisins et celle de la politesse. La journée de la femme ou des droits de l’enfant. Je déclare pour ma part le 2 août, journée où l’on dit tout ce que l’on pense, surtout si c’est méchant.

Ca commencerait au lever du lit, avec concert coïtal des voisins (pavillon pas fort loin), impression toujours que deux sumos se battent de l’autre côté de la paroi et que le mur de mon château va s’écrouler sur moi.

Je croiserais peu après l’Homme, hirsute, mal rasé. Je lui lancerais un :

– Dites donc, hihan hihan hihan, tu crois qu’elle jouit vraiment ou que c’est juste le lit qui jouit ?

Au boulot, à saint François :

– Tu m’emmerdes avec tes bestioles, apporte plus ton chien ici ou j’en fais de la pâtée pour hommes !

A Cléopâtre, figure tutélaire des lieux, née avec les fondations et dame patronnesse en sa fin de carrière, administrant son équipe comme on gère un collège de jeunes filles y et que je dois toujours caresser dans le bon sens du nez pour avoir le droit d’obtenir les éléments nécessaires au traitement de mes dossiers, éléments par malheur connus que d’elle SEULE :

 – Dis donc la mémère, elle va me les filer ses données ?! Elle croit quoi, qu’on va l’enterrer avec comme les Dieux d’Egypte avec leurs objets favoris ?

A madame Irma, qui me tient la dragée haute et qui me refourgue régulièrement ses données à elle comme on jette un sceau d’ordures aux poules du poulailler, démerden sie sich meine kleine Marie:

– Dis donc la vioque, le playback tu le gardes pour ton théâtre ! Je suis pas ta bonniche, tiens, reprends les et reviens y quand ça ressemblera à un acte aussi carré que Racine !

A monsieur Henri, qui joue sur son ordinateur :

– Eh dis le pacha, à l’Ena, c’est qui gagnait au démineur ? toi ou Villepin ? T’as vu ta tête ? Chauve avec des lunettes ? Tu crois pas que t’as passé l’âge de jouer à toutes ces conneries dis ?!

A ma mère, appelant toute affaire cessante au bureau et me demandant si je compte venir les voir dans leur lieu de villégiature… au besoin même « avec une copine ».

– Ok mais si on peut baiser dans le jardin.

Ou m’informant (voix à la fois joyeuse et tendue) d’un énième accouchement de la fille d’une de ses connaissances :

– Et ton cancer, il arrive quand lui ?

A la copine Flora qui appelle de chez elle avec les mômes dans l’écouteur et qui ne cesse de s’interrompre

– Remets ça à sa place !

– Laisse ta sœur ! 

– Touche pas ! 

– Non non… j’ai dit NON !

– Euh… qu’est-ce que tu as dit ?

– J’ai dit que tu me faisais CHIER avec tes coups de fil DE MERDE où on entend tes mômes MOCHES JUSQUE DANS LE FAX DU SECRETARIAT !

A la copine Aliette qui appelle pour raconter sa soirée d’hier où c’est dingue mais elle a rencontré un mec, même que c’était super bien, rudement, si tu vois ce que je veux dire…

– Non.

– Enfin, Marie, tu vois quoi…

– Non.

– Au lit, c’était… enfin tu vois quoi…

– Non, vraiment pas.

– J’ai JOUI !

– Tu as QUOI ?

– JOUI !

– QUOI ?

– JOUI !!!

Etc. Jusqu’à ce qu’elle raccroche. Frustrée.

Ou à Chofie qui appelle, grosse et seule. Pauvre Chofie, un cheveu allemand coincé sous la langue, vivant seule comme une vieille entre son youka et son chat névropathe, sans jamais voir quiconque à part moi (cousine de fac) et Zoupette (sa boulangère).

– Chen peu plus…

– Han han…

– Che vaiche chaquer

– Chaquoi ?

– Chaquer !

– Ah.

– Pourquoi che chuis touchours touche cheule ?

 – Parce que t’es geignasse, tu bouges pas ton gras et tu passes toutes tes vacances chez tes vieux. Moi je suis même pas moche, je suis sympa et je me casse le cul au bout du monde, alors merde, t’attendras que je sois servie avant que de passer à la caisse.

Ne pas tenir la porte dans le métro. Bousculer les vieilles. Dire connasse à la préposée de la Sécu qui vous fait glander dix minutes au téléphone, gifler un roi déchu des restos du cœur, qui râle de ce que y a encore de la purée ce soir. Jeter des pierres aux chiens dans la rue. Dire à Super Sg qui vous remercie de votre patience parce qu’elle vous a défait tout votre travail pendant trois heures devant vos yeux impuissants pour le refaire « à ma façon », lui dire vous êtes une EMMERDEUSE, au lieu que de balbutier un hypocrite, je vous en prie, littéralement placardée par son sourire de si bonne foi (qu'est-ce qu'on bosse bien ensemble toutes les deux). Dire ensuite à Parfaite, appelée rien que pour ce faire, tu m’emmerdes, t’es pas ma sœur, encore moins ma copine, chose qu’on ne fait jamais car cela déclencherait des hostilités tellement disproportionnées par rapport au délit (broiement de Chotek). Genre bombardement israélien du Liban pour 2 pétards mouillés partis d'en face. 

Et au soir venu, se coucher plein de bile car la bile appelle la bile et se dire, merde, va falloir attendre un an avant de pouvoir remettre ça. 364 jours de masque pur à porter sur la gueule avant que d’être à nouveau affreuse, sale et méchante. A quoi ça sert ? A rien.

Vaut mieux la fermer.

One comment on “La journée sale et méchante

  1. Reply l'Imparfaite Août 3,2006 10:14

    ah oui, super j\’suis pour. Dire tout ce qu\’on pense et ce qu\’on ne pense pas au moins une fois dans l\’année. A bas le vernis de l\’éducation et bonjour à la vieille dame.
    EUH…….. heureusement que tu m\’as appelée hier ……………………………….
    ln23

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