Koyo, l’amour si japonais des feuilles aux mille feux (mais qui donc a chié sur ma poussette ?) 2

Ça y est la chasse aux feuilles jaunes, rouges, oranges est ouverte… par centaines, et c’est un euphémisme, le Nippon se rue dans les parcs et sur les sentiers jadis de guerre pour prendre ce qui sera pour certains son 168976ème cliché de feuille rouge ou jaune ou orange.

–          Ah ben tiens, viens voir l’Kotaro, la Marie elle est toujours en vie !

On est donc partis en famille la fleur au fusil, sous un ciel bleu ardent avec un soleil de même, juste un peu suzushii (frais), automne oblige… pour nous retrouver promptement entassés dans un train digne d’un RER A aux heures de pointe.

A l’arrivée à Takaosanguchi, j’ai dû fendre une mer rouge de Japonais avec la poussette de la Zouflette que j’ai bien cru voir engloutie pour accéder aux tourniquets… qui n’en sont pas puisqu’ici, il est toujours bon de le répéter, tout le monde trouvant normal d’acquitter son ticket, on passe sans se cogner les tibias dans ces infâmes barres de fer du métro parisien. A tout vous dire et sans exagérer (ou si peu), nous distinguions à peine nos propres pieds environnés que nous étions par des centaines de Japonais équipés comme pour affronter le Fuji san, lardés de lardons et d’objectifs entrecroisés sur le torse.

–          Dis donc la Yuri, ça m’fait penser… faudra qu’on aille tâter de la feuille rouge un d’ces dimanche !

Après une bonne demi-heure de quête éperdue, nous avons enfin réussi à retrouver notre Ryoko modestement vêtue avec un sac de taille normale et sans objectif pendouillant entre les seins. Elle nous a promptement entraînés  vers un sentier sur le flanc opposé au Takao san que ces centaines de randonneurs s’apprêtaient à gravir avec l’aide d’un funiculaire puis d’un chemin goudronné qui les mènerait, après quand même au moins 25 minutes de marche, au sommet (comptez 2 heures de plus si arrêt aux dizaines d’échoppes à bouffe et gogoneries) où en compagnie de centaines d’autres ils pourraient constater une fois encore que le Fuji san au loin n’était pas visible.

–          Ma foi l’kutaro, j’aère les futons et on y va !

Bref, imaginez le mont Saint Michel, et transposez votre vision au mont Takao. Vous voyez ce que je veux dire ?

Et là, écoutez bien, c’est l’amorce de ce qui constituera la chute de ce récit automnal. Avant d’attaquer la sente, nous avons laissé la poussette canne de la Zuuflette dans un bosquet à l’écart du chemin, non loin d’un groupe de maisons.

–          Dis donc la Yuri, t’as vu ces gaijin ? Y laissent la babycar juste sous nos futons !

Nous avons gaillardement marché 4 heures, avec deux petits enfants très coopératifs, à peine quelques gémissements que nous avons calmés par une pause-déjeuner. Nous n’avons d’ailleurs croisé aucun mineur, que de vrais randonneurs avec clochette pour éloigner les ours et les démarcheurs, bâton de berger, saké en gourde et large sourire en bouche.

Il n’y avait aucune boutique en vue, pas même un distributeur de boissons fraiches ou chaudes, autant dire que nous étions comme en pleine savane.

–          La Yuri, avant qu’on s’mette en route, j’avions un truc à faire !

Les feuilles étaient à point, rouges, jaunes, orange, des oiseaux de proie tournaient dans le ciel bleu et l’air était frais mais doux. Nous avons admiré un superbe point de vue, pris des photos, le Zébu entrelacé avec Ryoko pour qui il a déclenché un grand amour depuis peu, et nous sommes redescendus.

–          C’est bon la Yuri, j’y ai réglé leur compte ! Prépare mon téléobjectif, on va aller canarder d’l’a feuille rouge !

Alors que j’arrivais au lieu où nous avions laissé la poussette, la Zouflette endormie sur mes épaules et me ronflant dans le cou, j’ai aperçu les mines atterrées de Ryoko et A.

–          Regarde ça Mimi, quelqu’un a chié sur la poussette !

–          Eh ?!

Me suis approchée, pas de doute une belle merde était en train de dégouliner sur l’orange de la quasi neuve poussette canne de la Zouflette.

–          Ça doit être un oiseau non… ?

–          Un oiseau chie blanc !

Ryoko, catégorique.

–          Ben alors un chien ?

Moi, prête à positiver. Pauvre bête (gros con), il n’a pas fait exprès.

–          Tu rigoles ? T’as vu où elle était la poussette ? Il aurait fallu qu’il prenne son élan depuis le chemin, qu’il vole et au passage lâche sa crotte sur la poussette… non non c’est de la merde HUMAINE !!

Ça m’a rappelé de suite cette merveilleuse histoire de la petite taupe que nous avons dû endurer des mois durant le Zébu en raffolant, une petite taupe qui cherche à savoir qui lui a chié sur la tête. J’imaginais la réponse.

–          Ça ma chèèèèèère ? Pas de doute, c’est une merde d’humain !

Ra elle le tenait le gros dégoûtant qui lui avait fait sur la poussette… Kutaro Tanaka san, sexagénaire habitant de Takaosanguchi, rive gauche, retraité des usines Toyota et grand électeur de Shinzo Abe !!

–          Je suis choquée… et désolée… Au nom de tous mes compatriotes, je vous présente mes plus sincères excuses… la xénophobie connait un pic de recrudescence actuellement…

Ryoko, embêtée.

–          Mimi, c’est un vieillard Alzheimer qui a fait le coup ! ça ne peut être que ça ! Aucun Japonais n’est xénophobe ! Du moins pas au point de conchier une poussette !

Mame Michu, jointe au téléphone peu après.

–          Kahoru san, ma mère, pense qu’il s’agit d’une femme qui a perdu ses enfants et qui, aveuglée par le chagrin et l’envie haineuse à voir votre petite famille si heureuse (tes cris en moins) a été saisie d’une pulsion scatologique… qui l’a amenée à conchier la poussette de votre fille… Mimi, va au Koban du coin et porte plainte ! TOUT DE SUITE ! Il faut que la maréchaussée soit au courant pour que le voisinage se protège de cette folle, ou de ce vieillard gâteux !

Mame Michu, après avoir passionnément analysé la situation avec sa mère qui en a ri aux éclats mais pas elle, l’image de son cher Japon étant menacée.

–          Ouais eh bien en attendant ça permet d’éviter de parler des vraies choses graves… le nucléaire par exemple !

Ana Freud, jointe par mail et insensible à l’imagination débridée de celle qui va venir la visiter dans quelques semaines et va sans doute lui faire le récit de ce drame durant une matinée entière autour d’un bol de café et de petits gâteaux marron euh chocolat.

Ce en quoi elle n’a pas tort puisque désormais le gouvernement élu notamment par les bons soins de Kutaro Tanaka san, conchieur de poussette gaijin, a fait voter une loi pour poursuivre toute personne dévoilant des secrets d’Etat… dont notamment toute chose ayant trait au nucléaire. Dire que le césium fait pousser des pattes aux poulpes sera-t-il considéré comme un lèse sa majesté l’olympique Abe ?

–          Ah la Yuri Viens donc z’y voir ! Ces salopards ont laissé en plus leur poussette conchiée sous tes futons! J’appelle les flics !

Néanmoins, l’automne est une belle saison au Japon, le spectacle de ses forêts y est admirable, de même celui des jardins japonais aux mille reflets avec leurs eaux dormantes et leurs temples emprunts de sérénité. Toutefois, un conseil si je puis me permettre… choisissez plutôt de laisser votre poussette à la maison. Au Japon, concernant les objets abandonnés, on ne vole pas, on chie dessus !

2 thoughts on “Koyo, l’amour si japonais des feuilles aux mille feux (mais qui donc a chié sur ma poussette ?)

  1. Reply Pym Déc 3,2013 01:43

    Ben merde (oups), c’est plus ce que c’était, les japonais !

  2. Reply ln22 Déc 9,2013 15:36

    Y’a 2 petits bretons qu’ont bien rigolé ma foi en lisant le message au dessus de mon épaule. Entre les mots japonais et les gros mots ils se régalent !

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