La paix maintenant

Mon cœur, depuis l'enfance (presque), est du côté des Palestiniens et présentement des Libanais.

Il n'empêche, la nouvelle de la mort du fils cadet de David Grossman, écrivain israélien, chantre de la paix et fondateur du mouvement israélien pacifiste, La paix maintenant (Shalom Arshav) avec Amos Oz et Avraham B. Yeshohua, deux autres écrivains israéliens, m'a remplie ce matin d'une sourde tristesse.

Uri Grossman, 21 ans, a été tué dans la guerre du Liban où il était engagé comme soldat. Son frère aîné, Yonathan raconte « qu'Uri est entré sous les drapeaux une semaine après ma démobilisation de Tsahal et j'ai fait en sorte qu'il entre dans mon bataillon de chars. J'ai voulu qu'il serve dans un char Merkava-4, dont on m'avait qu'il était le plus sûr et le meilleur du monde (…) Mais il s'avère que lorsqu'on t'envoie mourir dans une opération suicide stupide et perdue d'avance, même un char Merkava-4 n'aide en rien »*.

J'ai eu envie aujourd'hui de leur rendre hommage, malgré ma colère contre Israël (et le genre onusien avec ses assassins d'Américains et ses membres sécuritariens qui font partie des plus gros vendeurs d'armes de la planète), à eux, ainsi qu'au Vent jaune, le premier livre par lequel j'ai découvert David Grossman, paru en 1998 aux éditions du Seuil (pour l'édition française).
 
C'était en 1987, David Grossman y racontait ce qu'il avait vu et entendu dans les territoires occupés par Israël depuis 1967 (Cisjordanie, Gaza, Jérusalem), et ce qu'il avait vu et entendu, outre que cela n'était pas à l'honneur de son pays (faits et gestes d'une énième et banale colonisation terrestre), promettait à tous un avenir sombre et douloureux… David Grossman écrivait en conclusion qu'un peuple qui se conduisait ainsi vis à vis d'un autre peuple ne pouvait que s'attendre à devoir rendre des comptes, douloureux, un jour ou l'autre… A l'époque, Uri et Yonathan, ses fils, étaient de tout petits enfants pour la vie desquels leur père tremblait, de peur et de colère, en raison de ce qu'il avait vu aux lisières de ce noyau protégé dans lequel ils vivaient tous alors (à l'époque, il n'y avait pas encore d'attentats suicide, pas de kamikazes, pas de gamins palestiniens tués comme des lapins…).
 
Aujourd'hui, je repense à cette lecture qui a beaucoup compté pour moi et à ces deux enfants dont l'un n'avait plus qu'une quinzaine d'années à vivre avant que d'être tué. A son tour. J'imagine la couleur du chagrin de son père. 
 
«  Je ne dirai rien maintenant sur la guerre dans laquelle tu as été tué. Nous, notre famille, nous avons déjà perdu cette guerre. L'Etat d'Israël va faire maintenant son examen de conscience. Quant à nous, nous nous replierons sur notre douleur, enveloppé de l'immense amour que nous ressentons de la part de tant de gens que, pour la plupart, nous ne connaissons pas », a notamment dit David Grossman à l'enterrement de son fils.
 
David Grossman, en compagnie de Avraham B. Yehoshua ainsi qu'Amos Oz, avait appelé à un cessez-le-feu jeudi dernier, trois jours avant la mort de son fils. S'ils étaient partisans d'une intervention contre le Hezbollah, ils avaient été vite choqués, et terrifiés, par les proportions que cette dernière avait prise très rapidement.

 

* Article paru dans le Monde du 15 août.

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