Les choses de la vie

On écrit un texte funèbre plein de sentiments sur la mort d'une jeune soldat, on clique, on se lève et on part s'acheter des boulons chez Bricorama (et une petite jupe chez H&M parce que c'est sur le passage).
 
Dans le même goût, on mange devant les infos à la télé, on nous montre des cadavres d'ex vivants, broyés à la bombinette et réservés sous les décombres, vous salez, vous poivrez, on avale sa pasta, et l'animateur avale les Arabes pour nous plomber l'intelligence avec 20 minutes sur le sang impur d'un cycliste aux couilles moulées de fluo, et cibles potentielles d'un cancer incurable.

Ca me fait penser que pendant que les Rwandais tuaient les Rwandais, c'était le week-end de Pâques, bouchons sur les routes, j'avais trop mangé de gigot et de chocolat. On a tous eu un haut le cœur, mais lequel ?
 
On pleure, on gémit, on se tord les mains, on sanglote (débit de 200 euros opéré sur carte bleue volée, mais l'assurance remboursera). On pleure, on gémit, on se tord les mains, on sanglote (massacre au Liban, au Darfour, en Tchétchénie, au Rwanda, etc, et toujours personne même pour payer la dalle au cimetière).
 
On n'a pas de mec, on gémit. On en a un, on gémit sur ses défauts. On en a un, parfait, on gémit sur son boulot, sans intérêt, mal payé et vachement trop loin. On a un boulot qui convient parfaitement, on a été débauchée par quelqu'un de très très bien qui vous apprécie beaucoup (gros salaire, gros compliments, travail en partie à domicile), on gémit sur son mec qui rentre tard du boulot ou qui chôme ou qui n'a pas d'ambition, sans oublier les chaussettes partout, pendant même de la bibliothèque comme des bestioles tropicales.

On a un chouette boulot, avec un mec à plein temps, parfait, on gémit sur l'enfant qui ne vient pas (deux mois d'essai). On a un enfant, on gémit qu'il crie, qu'il pleure, qu'il vous prend tout votre temps. Coopératif, le père le tue, on gémit qu'il ne fallait pas. On devient folle à lier alors qu'on avait tout.
 
C'est bien la seule logique de tout ça.
 
Quand j'ai embrassé Marcellin, je me suis dit profites bien, parce que c'est fini demain, quand dans le même temps des amoureux heureux, des vrais, se prenaient la main pour les 642ème fois, s'embrassant avec grand douceur tout en parlant des vacances à venir, dans un pays peuplé de gens misérables mais bien aimés du soleil, à côté desquels ils allaient vivre pendant 3 semaines, sans que cela provoque une révolution des uns ou des autres.

Parce que c'est comme ça.

On passe le sas, chambre stérile, le malade est là, avec tous ses traitements barbares, on parle de tout et de rien, on repasse le sas, on est dehors, en bonne santé, on a l'impression de frôler un miracle rien que parce que ses cellules sont sages et disciplinées. On a beau faire, être ce malade là, véritablement, on n'y arrive pas. Ca doit être ça, l'instinct de survie aussi.

Nous sommes une île qui sait tout mais ne sent rien, est-ce normal docteur ?

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