La non rentrée littéraire de Marie C. 3

Mademoiselle,
 
Le comité suprême de la plume et son politburo des lettres n'a pas souhaité retenir votre recueil de nouvelles, Gros sur la patate. Ceci ne remet aucunement en question la qualité littéraire de votre travail, il n'entre tout simplement pas dans le cadre de nos directives et divisions, 10 ouvrages par an, d'une moyenne de 65 pages avec des phrases courtes. Croyez, mademoiselle, en notre sincère…
 
Une énième rebuffade. Mais qu'est-ce qui clochait donc avec moi ? Pourquoi ils ne voulaient pas de moi ? Pourquoi publiaient-ils des merdes qui s'étalaient jusque sur l'écran de nos télés à grosses spatules de journalistes navrants alors que des tas d'âmes simples et pertinentes demeuraient condamnées à agiter leur crécelle de plumitif devant la porte triple close des vendeurs de lettres ? Pourquoi eux et jamais moi hein ? Pourquoi cette pétasse à gros seins dont la conversation, j'ai testé, relevait de l'asphyxie par un non humour boulifiant, avait-elle été publiée par celui qui aurait DU me publier ? Merde et merde.
 
Tu n'es peut être pas dans la tendance, m'a fait remarquer Ernesto, n'importe quoi, tu devrais envoyer une photo de tes seins alors, bof, il va peut être rappeler, qui ?, Marc… Ducon, c'est pas de lui que je te parle ! J'ai hurlé. Il est parti bouder derrière le frigidaire au motif que j'étais agressive et offensante, et que ma quête de l'éditeur charmant puait le manque d'amour et l'ambigüité mal placée. N'importe quoi.
 
Pour me venger, je me suis imaginé ça… 

Elle n'a pas fait les gros titres de la presse littéraire de la rentrée. Nul ne l'a vue se beurrer la face au Flore ou s'emboquer au vieux Magot en tant que has been qui s'ignore. Nul ne l'a croisée dans une de ces partouzes qui ont jalonné la rentrée avec Christine, Michel et les autres. Nul ne s'est pressé contre ses fesses lors d'un coquetaille organisé autour des grands noms de la littérature content peu reine franchaise. Nul ne la pressent pour aucun prix que ce soit. D'ailleurs, nul ne la publie. Et pourtant… Thierry Ratissons large l'a reçue dans sa non émission pas littéraire…

  • Marie Chotek, bonjour…
  • Bonjour…
  • Je vous rencontre enfin…
  • Oui.
  • C'est pas facile de vous trouver hein!
  • Ben c'est sûr.
  • Vu qu'après avoir fouillé toutes les librairies du prato-latin, j'ai réalisé que vous n'aviez écrit aucun livre…
  • Ah je vous demande bien pardon, j'en ai écrits!
  • Ben y sont où alors?
  • Dans mon tiroir gauche, sous mon lit, sur la bibliothèque, dans le tiroir aux petites culottes…
  • Ah, vous voulez dire que vous écrivez et que vous n'êtes pas publiée!
  • Oui! Et en plus, on parle même pas de moi!
  • C'est original…
  • Bof, pas tant que ça, on doit bien être 6 millions 627 personnes dans ce cas rien qu'en France…
  • D'où tenez-vous ces chiffres?
  • On s'en tape.
  • C'est vrai. Alors, parlez moi du métier de non écrivain publié…
  • C'est pas de la tarte. Vous avez à faire à quantité de gens malpolis, un peu comme un émigré à sa préfecture d'habitation, ou un aficionado de la Sécurité sociale. Des gens qui ne vous répondent jamais et qui en plus, gardent vos recueils comme si vous étiez riche comme eux et leurs actionnaires.
  • Ah.
  • Oui, vous suez du burnous à écrire de belles choses, écrasée par la solitude et ivre d'espoir, vous envoyez ça par la poste, et après, hop, silence radio, le trou noir, l'omerta… bref, personne même pour vous répondre car désormais car «il y a trop de monde»… T'imagines, mec, quand un service du personnel répond ça à des demandeurs d'emploi, on trouve ça méprisant et méprisable tandis que l'éditeur, plus il est rustre et mal poli, plus il est radin et nonchalant avec ses gagne-pains, présents ou à venir, mieux c'est!
  • Vous semblez un peu aigrie, Marie…
  • Non.
  • Si.
  • Non.
  • Si. Vous n'avez peut être aucun talent après tout? Eh?
  • Et alors? Est-ce une raison pour ne pas être publiée? Vous en voyez beaucoup des gens de talent publiés vous?
  • Ma foi… un peu oui.
  • Un peu d'accord, mais pas tant que ça. De toute façon, je vais vous dire, ma couille… vous permettez que je vous appelle ma couille?
  • Ben euh…
  • … soit les gens écrivent des merdes, sont publiés et vous avez la haine, soit ils écrivent des trucs vachement biens et vous avez le spleen grave…
  • Ah…
  • Sans oublier les Mazarine et autres imposteuses qui volent le bon à tirer aux pauvres aspirants plumitifs… ceux qui ont ça dans la tripe et qui burinent en conséquence…
  • Etes-vous en train d'insinuer que Mazarine a été publiée parce que son père était le général de Gaulle?
  • Parfaitement!
  • Vous pensez vraiment que si elle s'était appelée Mazarine Pougnat au lieu de Mazarine Delon, elle n'aurait pas été publiée?
  • A ton avis, neuneu?!
  • Je suis sidéré, Marie… vous y allez très très fort… pourtant, je m'y connais en matière de provoc! Affirmer que Mazarine Chirac a été publiée parce que son père tenait le rôle du président de la République dans le sitcom du début des années 2000, c'est vraiment aller très très loin…
  • Rassurez-moi, ma couille, vous lisez autre chose que Mazarine Hallyday ou Kiki Dansl'égo j'espère?
  • Oui, je lis Nicolas Sarkozy, Bernadette Chirac, Lionel Jospin…
  • Je parle de vrais auteurs bordel de merde!
  • Ben c'est que en ce moment, 2007 oblige, je suis dans la fiction politique…
  • Certes mais c'est un peu court…
  • Marie, je vais devoir vous laisser… de vrais écrivains m'attendent… pour une soirée au café de Flore…
  • Je peux pas venir?
  • Ben euh… c'est réservé aux gens publiés…
  • Vous voulez pas me publier? Qu'est-ce qui cloche avec moi? Où est le problème?!
  • Marie, calmez-vous…
  • Dois-je changer de genre? Dois-je vraiment écrire des histoires avec des anus dilatés, des queues énormes enfoncées dans la chatte de fillettes de 6 ans?
  • Marie, je vous en prie, vous dépassez les bornes…
  • Ou dois-je alors torcher des pages à gros interlignes où l'héroïne entre deux gin tonics dans un bar en vue branché, son spleen Elle enroulée autour du cou, cite Delouze, Duras et Dupin (Mireille, auteure non publiée), tout en pratiquant des fellations sur un homme marié à qui elle confie le vide de sa vie, l'absurdité de l'existence, la vacuité de Jack Lang.. ce qui fera dire que la vision de cette auteure (moi) est pleine de noirceur et de pertinence, d'acuité et de finesse?!
  • Marie, je me casse, j'ai un ticket avec Catherine B., elle doit me montrer ses seins… tcho!

C'est ça, fonce coco, la littérature n'attend pas. Non, chuis pas aigrie.

3 thoughts on “La non rentrée littéraire de Marie C.

  1. Reply Littera Turbulente Sep 7,2006 12:37

    Il y a quand même un genre intermédiaire entre l\’auteur publié et l\’anéanti non-publié : l\’auteur-bloggeur, qui existe en tant qu\’auteur puisqu\’il a des lecteurs (je veux dire des vrais, pas juste les copains-papa-maman). Et même des lecteurs ravis.

  2. Reply Un auteur un vrai (publié) Sep 7,2006 14:19

    C\’est sûr mais le Livre mâdâme… le Livre sur Papier! Qu\’on trouve dans toutes les bonnes Librairies! C\’est Quelque Chose quand même! :zzz

  3. Reply Littera Turbulente Sep 7,2006 16:29

    On trouve des torchons de papier dans toutes les librairies.
    Le papier fait-il l\’auteur ? (Je ne dis pas ça pour vous, je ne vous ai pas lu ) :p

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