La journée de l’inconscientisé en un début de troisième millénaire

L'inconscientisé se lève, au son d'une radio réveil qui a diffusé toute la nuit sa lueur glauque dans la chambre, non loin d'un ordinateur plein d'ondes cancérigènes, resté ouvert toute la nuit. Ensuite, l'inconscientisé ouvre toutes les lumières, des chiottes en passant par la salle de bains dont il laisse tourner le robinet d'eau froide à bloc pendant qu'il se lave les dents avant toute chose, sans oublier la cuisine, où la cafetière turbine, en même temps que le lave vaisselle qu'il a mis là maintenant car il a oublié de le faire hier soir en rentrant de Chez Léon, où la serveuse comme le serveur est généralement sous-payé et pressuré, traités pire qu'une moule, pourboire compris merci.

L'inconscientisé contribue ensuite à trouer la couche d'ozone par l'usage d'un maxi-grille pains, puis par un bain chaud qu'il fait couler à ras bord de sa baignoire car comme l'inconscientisé n'aime pas aller travailler, il a décidé de se gâter le matin.

Après avoir mis en route la machine à laver, le sèche linge, et refait tourner le lave-vaisselle avec la vaisselle du petit-déjeuner (un bol, une cuillère, un couteau), l'inconscientisé va sur son ordinateur qu'il avait donc oublié de fermer la veille et consulte ses mails sur duculducul.com. Il n'y a rien, aucune de ces salopes n'a daigné lui répondre, et l'inconscientisé contribue encore un peu plus à l'émanation de monoxyde de carbone en se paluchant tristement devant son armoire ouverte où sont pendus aux crochets la viande morte de ses vêtements fabriqués en Asie du sud-est, sauf le pull, made in Roumania, et un slip, made in Slovénia. 
 
C'est l'heure. L'inconscientisé descend par l'ascenseur l'unique étage de sa situation géo-spatiale, son énorme sac poubelle non trié sélectivement à la main, qu'il balance dans le conteneur des bouteilles en verre (l'inattention). Ensuite, il descend au garage et retrouve son 4×4 qu'il a acheté car il aime faire des randonnées vroum vroum dans la forêt de Fontainebleau et le parc de Versailles (mais là c'est interdit). A peine a-t-il tourné les roues, vroum vroum, dans un nuage épais de monoxyde puant, que la femme de ménage, une jeune Gabonaise sans papier, surgit au coin de la rue et monte les escaliers conduisant au quatre pièces que l'inconscientisé habite seul en attendant de rencontrer la princesse charmante et de l'engrosser. La jeune femme gabonaise est elle-même engrossée, pas par l'inconscientisé, je vous rassure, il n'aime pas les noires sexuellement s'entend il n'est pas raciste, il donne ainsi à Black is beautiful, une jeune agence de publicité qui vante les produits africains, non, la jeune Gabonaise, Laura, est enceinte des œuvres de son passeur en Europe, un proxénète reconverti dans le passage frontalier des sans papiers. Pieds nus, munie d'un aspirateur ultra puissant, la sono à fond, Laura se régale à nettoyer cet appartement pas franchement sale.
 
Pendant ce temps là, l'inconscientisé a commencé sa journée de travail. Démarchage de clients avec son 4×4 (un plein ras bord dans la journée) pour sa boîte de pubs qui est spécialisée dans l'écolo-publicité. Electricité propre, voitures propres, lessives propres, mort propre (le cercueil Dufondutrou biodégradable). Entre deux rendez-vous dans des tours en verre ultra éclairées et super climatisées quand il fait chaud, 22 degrés dehors maxi, il fait une pause déjeuner d'affaires, 13 H 00-15 H 30, dans le restaurant Chez Marie-Antoinette qui sert dans un décor cours de Versailles, des viandes en provenance du Chli ou d'Argentine, avec un vin d'Australie et des légumes de Chine inférieure, sans oublier le café de fin de repas importé du Brésil ou d'Ethiopie, c'est selon. Chez Marie-Antoinette, c'est extra, on jette assiettes, couverts, nappes, tables, serveurs, serveuses à chaque service pour que le client qui passe, jamais ne se lasse… Il parle politique, très profondément, avec son client, un chargé de mission du ministère de l'environnement qui veut promouvoir l'idée que Sarkozy a une influence régénératrice sur la couche d'ozone, vous pensez vraiment que Ségolène s'est fait refaire le pot d'échappement ? Il paraît que Sarkozy sort avec la fille de Jacques Chirac, mais elle est morte ! mais non, je parle de l'autre, son nom m'échappe, Bernadette je crois, etc.
 
La journée se passe en d'autres rendez-vous, il signe un contrat avec France Terres d'asiles, pour la promotion publicitaire d'un centre de rétention pour sans papiers. Il y a un pot de départ à l'Agence de l'inconscientisé, un graphiste qui s'en va à New York pour faire des publicités sur le pétrole et l'Irak, oil of Chiraz, c'est en Iran, lui fait remarquer l'inconscientisé qui connaît sa géographie, c'est pour le clin d'œil avec Oil of Olaz, rétorque le graphiste, oui mais c'est pas juste, proteste l'inconscientisé, qu'est-ce que ça peut faire ? s'énerve l'autre, un verre de champagne californien à la main, personne ne le sait, tout le monde s'en fout ! Ca me gêne, proteste l'inconscientisé, j'aime pas qu'on dise des choses fausses… tu me casses les couilles, lui rétorque l'autre, ton cadeau, fait à ce moment là la standardiste, une jeune diplômée, thèse de doctorat en biochimie, et master en environnement, option recyclage du caca humain, qui n'a trouvé que ça comme boulot, un standard en sciences publicitaires de l'environnement. Elle lui tend un clé, c'est celle d'un scooter, des mers, New York est au bord de la mer, il pourra faire vroum vroum dans l'Océan comme ça. Fallait pas ! Rougit le graphiste, mais si, rétorquent les autres, c'est nos collègues de Hong Kong qui avaient des prix, made in China peut être, mais redoutable ! Jubile le service contentieux.
 
En rentrant chez lui, légèrement bourré, l'inconscientisé écrase une vieille qui faisait du slalom dans son fauteuil roulant sur la chaussée. Elle venait de s'enfuir de son hospice, où économies budgétaires obligent, on avait sucré les animations, bourré les vieux de médicaments car du coup, ils étaient intenables, elle crachait toujours ses pilules sous son lit, et ce jour là, profitant d'un moment d'inattention de la séniculture, occupée à faire un sudoku, elle avait filé… Pauvre petite vieille, fait l'inconscientisé, en poussant le corps menu dans le caniveau où une eau, potable, coule tout le long du jour. Je donnerai aux Petits frères des Pauvres, tiens… Il se rassure, avant que de repartir, en évitant de peu la tente d'un SDF plantée stupidement sur le trottoir sur lequel il est monté pour faire son demi-tour.
 
Arrivé chez lui, il jette les 15 prospectus publicitaires trouvés dans sa boîte aux lettres et enfourche l'ascenseur. Il file direct sur son ordinateur, resté ouvert car la jeune Gabonaise en profite pour téléphoner au Gabon grâce à la free box, et il se rend direct sur duculpeuchère.com, ce soir, il niquera, qu'on se le dise !
 
Il attend la call girl, en avalant un Picard prélevé dans son énorme congélateur, 1658888 watts (quelque chose comme ça) tout en suivant l'actualité à la télé, Journal Tragédique de 20 H 00 car l'inconscientisé aime savoir ce qui se passe dans le Monde, il n'est pas indifférent et insensible à ce qui se passe chez lui, sur Terre, il vibre aux décibels et aux pixels des catastrophes mondiales. Massacres du Darfour, Gaza coupé de tout, blocus, procès en pédophilie… c'est dégueulasse, braille l'inconscientisé en ouvrant la porte à Miranda, 21 printemps, mais qui en fait plutôt seize. Il la prend direct sur la machine à laver à deux tambours alors que la belle proteste, j'aurais bien pris un p'tit Martini… pas le temps, il a payé, elle boira après, les jarretelles de Miranda gisent au sol, avec la culotte petit bateau et le karako de chez Taistoi, l'inconscientisé jouit bruyamment en se disant, ne pas oublier de facturer le préservatif à cette pute, c'est compris dans le prix, tandis que le Journal Tragédique montre des vues de Planète blanche, avec Nicolas Belette qui crie, il faut réagir, il faut réagir…
 
Après avoir payé Miranda, l'inconscientisé se couche, épuisé mais content, l'amour est avant tout un besoin physiologique, grâce aux hormones libérées par l'orgasme, il peut espérer faire son cancer un peu plus tard que la moyenne nationale des cadres supérieurs urbains. Bonne nuit.

Leave a Reply