Le String Magique

–         C'est un string magique… a fait la vendeuse en se penchant vers moi d'un air de conspiratrice.
 
Je transpirais. C'est qu'il faisait fort chaud dans ce magasin, A la belle Joysane, lingerie fine en tous genres mesdames. C'était à nouveau Noël, putain de Noël, et il fallait marquer le coup, bong. J'ai entendu une horloge quelque part sonner midi, nous avons gargouillé de concert, la vendeuse et moi.
 
Je me suis redressée, toute troublée. Franchement, je vous le dis tout net, j'hésitais. Il était cher, mais il est vrai qu'il était doté d'une ravissante ficelle en cachemire pour que l'on se sente bien au chaud, l'hiver. Il était d'un noir velouté, avec un effet transparent au niveau du clitoris. Un truc comme je suis sûre vous n'avez jamais vu.
 
–         C'est bien vrai, elle a appuyé.
 
Puis elle a regardé autour d'elle pour voir si personne n'écoutait.
 
–         En plus… comme je vous le disais… il est magique…
 
Je retenais ma respiration comme petits, tout le monde, à l'interro d'histoire.
 
–         Oui…
 
Et elle m'a glissé ça dans le tuyau.
 
–         Quand on le porte, figurez-vous que tous les hommes ont envie de vous… c'est en cela qu'il est magique…
 
Elle a lâché ça, dans un soupir quasi érotique. Puis elle s'est redressée, fière et heureuse comme si c'était elle même en personne qui en était l'inventrice.
 
–         Noooooooooooooooon, j'ai fait en sursautant de surprise vraie.
 
158 euros, il coûtait, tout de même, une somme, pour un slibard. Mais en même temps, s'il était magique. Un slibard magique. Vous y croyez vous ? La ficelle me sciait un peu la raie des fesses, qui plus est.
 
–         On s'y fait, elle m'a assuré d'un geste rassurant balayant… le cachemire s'assouplit très vite… sachez qu'une jeune femme à qui je l'ai vendu la semaine dernière m'a assuré qu'elle n'avait pas fait l'amour depuis quinze mois trois semaines quatre jour et…
 
Elle s'est arrêté d'un air de chat qui joue avec une souris en culotte.
 
–         Et alors quoi ?? j'ai glapi impatiente, dites moi…
–         Eh bien, la vendeuse a repris… eh bien, en portant ce string, le même, exactement le même…  le jour même de son achat… elle s'est faite accoster, en pleine rue, par un charmant jeune homme célibataire, avec qui… ni une ni deux….
 
Elle s'est gratté la gorge.
 
–         Oui…
–         Eh bien… elle s'est retrouvée fort vitement au lit où ma foi…
 
La vendeuse a fait un geste tout à la fois vague et expressif. A ce moment fatidique, le carillon de la porte d'entrée a retentit, mes mains se sont serrées sur le string comme si on allait venir me le voler.
 
–         Et c'était bien ? j'ai demandé fermement.
 
J'étais bien décidée à ne pas me faire avoir.
 
–         Comment ça ?
 
La vendeuse s'est rétractée comme une huître, c'était Noël.
 
–         Je veux dire… il ne suffit pas d'un lit, elle a vraiment fait l'amour et elle a vraiment pris son pied, j'ai demandé.
 
Comme si j'achetais une voiture très très chère, mais putain, un slip à 158 euros, c'était pas donné non plus.
 
–         Oui, oui, s'est exclamé la vendeuse, beaucoup de plaisir !!!
 
Elle a montré avec ses mains…
 
–         Un orgasme grand comme ça !!!!
–         Nooooooooooooooooooon ! pas possible !
 
Je me suis fait repréciser la taille tellement c'était incroyable, et j'ai regardé le string, au creux de ma paume. Ce petit truc minuscule doté de tant de pouvoir. Et je l'ai fait passer songeuse et émerveillée entre mes doigts. Un O. grand comme ça, sans forcer ni suer, ni avant, ni pendant, ni… après, on verrait bien.
 
–         et après… j'ai demandé d'une voix tendue.
–         Et après quoi ? elle s'est énervée.
–         Qu'est-ce qui s'est passé, j'ai avalé ma salive, ils se sont mariés et ils ont eu beaucoup d'enfants ? j'ai demandé en tremblotant.
 
Ok, je reconnais volontiers, j'étais lourde, mais 158 euros tout de même, et le célibat comme mode de vie, du berceau à la tombe, ça vous la plombe, justement, la légèreté, merde.
 
–         Mademoiselle, c'est une maison pas sérieuse, ici, a fait la vendeuse d'un ton froid, nous ne promettons pas la lune avec le soleil et vice versa…
–         Certes, j'ai dit d'une voix honteuse, certes mais…
–         Et puis, a enfoncé le clou la vendeuse, rien n'empêche l'autre… et vice versa…. l'amour et le plaisir, et le plaisir dans l'amour, etc, enfin voilà quoi !
–         C'est vrai, j'ai reconnu lâchement, on ne sait pas après tout, peut-être qu'à l'heure qu'il est, ils convolent…
 
J'avais dit ça pour me rassurer. Je n'ai rien contre les orgasmes, croyez pas, mais je précise que chez moi, au contraire des orages, ils ne s'installent jamais.
 
–         Je vous trouve bien…
 
Elle a cherché prudemment ses mots. C'était une vendeuse, elle ne pouvait pas prendre le risque commercial de me braquer.
 
–         … je vous trouve bien conventionnelle, elle a fini par dire.
–         Je sais, je sais, j'ai soupiré, d'habitude j'achète de grandes culottes blanches à fonds épais mais là, je souhaiterais changer de tactique et de linge de corps…
–         Vous n'êtes pourtant pas bien laide, a constaté la vendeuse, elle m'a évaluée… ni mal pas bien contrefaite…
 
C'était une vendeuse. Elle aurait pu tout aussi bien faire diplomate mais c'était pas les mêmes perspectives de carrière. A la caisse, une femme d'un genre ménopausé commençait à sérieusement s'impatienter. Elle tenait entre ses mains des jarretelles couleur chair bien nourrie modèle lascif. Avant de se diriger vers sa cliente, elle m'a lâché, je vous préviens, il ne m'en reste plus qu'un…
 
Plus qu'un. J'ai douloureusement palpé la marchandise, puis je suis rentrée dans la cabine pour le réessayer. Par dessus il est vrai ma grande culotte blanche. Ce qui ne permettait pas de se rendre pleinement compte de la réalité esthétique du string magique. J'ai fait tour, demi-tour, trois quart tour, sur moi-même, 360 degrés, histoire de me rendre compte.
 
Puis j'ai fermé les yeux. Je me suis vue avec ce petit morceau de tissu noir velouté entre les cuisses, me déshabillant devant un homme fraîchement rencontré dans la rue. Je me voyais déjà femme, mère, amante, sœur, épouse, bref, tout le cortège de la garde-robe d'une normale bonne femme bien accomplie. Réac, aurait dit la vendeuse, mais c'est normal, à force que l'on manque tant d'amour, on finit par adorer les vieux modèles à la papa.
 
–         Allez quoi ! a fait le petit démon en moi, merde ! tu peux bien te gâter un peu, c'est Noël après tout, enculé con !
–         Tu parles, a grogné l'ange en moi qui avait beaucoup grossi ces derniers temps, un string magique, pour aller à la messe de minuit avec les vieux et la vieille qu'en finit pas de vibrer… tu parles que c'est nécessaire, flûte alors !
–         Et alors, c'est un début ! a protesté le petit démon, après, après y a le 31 et là…
–         Ah ah, a ricané l'ange, quatre hommes dont trois castrats (hommes mariés) et un castré (homme à homme)… 

Et alors quoi ? La vendeuse remontait tel un char d'assaut en ma direction.
 
–         Vous le prenez ou pas ?
 
Et elle a fouillé du regard la cabine, pensant à tort que nous étions plusieurs, dedans, affairés à commenter sa lingerie plus fine qu'elle.
 
–         Euh, j'ai dit d'une petite voix… euh… oui, Je Le Prends !
 
J'ai soudain fait d'une voix aussi ferme que si j'étais devant monsieur le curé-maire-président de la République, la main sur la Constitution, je l'jure.
 
–         Vous verrez, elle a dit la vendeuse d'un air jouisseur, vous ne le regretterez pas…
 
Ca sonnait comme dans les contes. Ca sonnait merveilleusement bien pour une fin d'année pourrie comme toutes les fins d'année où, une fois encore, c'est vous qui vous êtes la seule à rester la seule à broyer sa bûche. Mon string, elle l'a emballé, en faisant avec moult manières, dans du papier de soie, une bouche de geisha espiègle. A la voir ainsi s'affairer, on aurait juré qu'il s'agissait d'un vase en cristal, voire Le vase de Soisson.
 
–         Il y a de ça, elle a gloussé, l'amour quand même simplement physique est devenu si précieux de vos jours.
 
Comment elle sait ça elle, je me suis demandé en remplissant le chèque vu que même pour ce prix là, ils n'avaient pas de machine automatique.
 
–         J'Appelle La Banque ! elle a bramé de suite, ne le prenez pas mal, c'est rapport aux fêtes, et afférent à cela, aux achats compulsifs….
–         Faites, faites, j'ai haussé les épaules.
 
Pfuit, si ça pouvait la tranquilliser.
 
–         Allo, allo… bonjour monsieur, elle a roucoulé, je demande un autorisation pour Mademoiselle Dugras, un string magique à 158 euros…
–         Non mais ça va pas, j'ai crié en essayant de récupérer le téléphone, mon banquier n'a pas besoin de savoir que je porte des strings magiques !
 
Elle a écarté mon main puis elle m'a chuchoté, ne vous inquiétez pas, les banquiers c'est comme les psys et les curés, ils ne colportent jamais (normalement). Je me suis promis l'année prochaine de ne plus me laisser marcher sur les pieds de cette façon là. Ca me laissait dix jours pour me faire allègrement piétiner.
 
–         Ah… ah bon… elle a fait d'un ton fort contrit avec la bouche qui descend, ah… très bien, je vous remercie…
 
Puis elle a raccroché, cling. Et elle m'a regardée d'un air, mais d'un air…
 
–         Ca ne va pas être possible, elle a dit, vous n'avez pas assez d'argent sur votre compte…
 
Et elle a commencé à déballer le string, MON STRING. J'ai senti la terre se dérober sous mes pieds, la promesse de plaisir enfin facile s'évaporer, la quête du saint Graal reprendre sous un spot pelliculaire du Nouvel an comme un chevalier bossu qui courrait après la verticalité.
 
Et alors, alors, quelque chose comme du désespoir s'est emparé de moi. Pourquoi fallait-il toujours que ça foire ? Pourquoi devais-je être la seule à rester seule, à lire pif gadget senior à l'heure où les filles et les garçons de mon âge avaient fini depuis longtemps de ne se tenir que la main ?
 
–         … c'est comme ça lalalalalalala, a chantonné la vendeuse… de toute façon, il vous faisait des fesses improbables… moches quoi…
 
Alors, j'ai craqué. Dans un brouillard façon fumigène nouvelle année, je lui ai compulsivement arraché le string des mains. Et je suis sortie en courant du magasin. Je l'ai entendue qui lançait un cri déchirant… Mon string, rendez moi mon striiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiing ! Avant que de tomber comme morte sur le pas de porte du magasin, l'émotion madame.
 
Et moi, moi j'ai couru, couru, couru jusqu'à en perdre haleine. J'ai changé de quartier, j'ai filé telle la reine mage sur le point de rater son rendez-vous avec Jésus. Je me suis retrouvée par chez moi, les maisons le long du fleuve, j'ai reconnu, et quand j'ai senti le vent dans les peupliers sur le bord, alors je me suis arrêtée. J'avais un point de côté affreux, mes jambes tremblaient, j'avais envie de vomir. 
 
–         Alors là c'est bravo ! a braillé l'ange en moi, célibataire et voleuse avec ça !
–         Et alors là chapeau ! a sifflé le petit démon qui avait repris des couleurs, un bon rouge sang.
–         Retourne vite au magasin ! m'a suppliée l'ange, il n'est peut-être pas trop tard ! on parlera d'achats compulsifs, de la dictature du vendotariat, de…
–         Pas question ! a clamé le démon, ce qui est fait est fait ! Et en plus, tu avoueras que cette pétasse n'avait pas ainsi à faire mousser son linge si c'était ensuite pour te le refuser…
 
Je suis montée chez moi. Il n'y avait aucun message sur le répondeur, ça m'a tuée, mais c'était classique ordinaire, et comme le prévoit la coutume, je me suis laissée mourir dix ans sur mon lit. La vérité la voilà, c'est que mes camarades étaient toutes en couple. Qu'elles s'en fichaient bien de savoir si je volais dans les magasins, des culottes ou des cracottes.
 
–         Tu exagères, a fait l'ange d'un ton morne, elles ne t'oublient pas… elles t'appellent toutes au moins une fois par mois, chacune à tour de rôle comme leur a suggéré le médecin.
 
–         Ahahahahaha la belle affaire, a ricané le petit démon qui avait pris au moins deux tailles, une fois passés trente ans, point de salut hors la paire de sexes… d'où l'indispensabilité absolue de ce string ! Mets le ! l'autre est parti se reblanchir la plume !
 
Le fait est que l'on n'entendait plus l'ange. Il avait disparu. Seule une plume volait doucement, tristement, dans les airs.
 
D'accord, j'ai dit et je me suis sentie étrangement émue. D'accord mais je vais d'abord prendre une douche. J'ai donc pris ma douche. Je me suis bien frottée partout, il ne fallait surtout pas salir ce merveilleux string. Je me suis crémée et talquée, une merveille pareille, il ne fallait pas abîmer une si belle invention. Et enfin, enfin, j'ai enfilé le string magique.
 
–         Ouahou ! a glapi le démon tout content.
–         Très moche ! a grommelé l'ange, qui était revenu.
 
Il avait sérieusement grisé ses ailes, une erreur au lavomatique il a larmoyé.
 
–         Par Ben 16 ! Mais c'est affreux ! tes fesses pendouillent que c'est pitié ! On a l'impression que c'est la marée noire qu'on essaye de contenir avec un filet de pêche mille fois trop petit !
 
Qu'il a dit.
 
–         Tu crois ? j'ai balbutié, déjà au bord des larmes.
–         N'importe quoi ! a glapi le démon, ça fait carrément bander de voir ça, c'est bien simple, je serai un humain vrai, un fort couillu, je te pinerais tout ça… N'écoute pas ce vieux con asexué !
–         Si on ne t'arrête pas pour vol de string, a fait l'autre d'une voix aigrie, on t'arrêtera pour racolage sur la voie publique… Nicolas, il a horreur de ça… Nicolas, c'est bas bleus et jupe mi tibia pour tout le monde…
 
J'ai décidé de ne pas l'écouter. Je me suis habillée, des jeans et un haut décolleté. Un manteau. Un parapluie, en cas où. Maquillage discret. Puis je suis sortie dans le grand dehors. Le problème, je m'en suis rendue compte très vite, c'est que si le string magique excitait, il excitait tout le monde. Ca a commencé dès en bas de chez moi.
 
Je me suis mise à marcher en direction du bus et j'ai croisé un homme. Un homme… disons, un petit pépère, avec sa baguette et son foie du 31. Il s'est alors brutalement arrêté, les yeux hors l'orbite. J'ai fait comme si de rien n'était, lalalala. J'ai même pris un air modeste, limite pas concerné, pour ne pas dire fichtrement indifférent (un vieux merde) et j'ai continué ma route… avant que de sentir deux mains m'empoigner vigoureusement le fessier, mon fessier. J'ai poussé un hurlement, et me suis mise à courir avec le vieux qui gueulait derrière moi, ah ce cul, seigneur, ah ce cul…
 
Heureusement le bus arrivait, et je suis montée dedans à toute vitesse. J'ai trouvé une place assise près de la fenêtre et j'ai mis mon sac sur les genoux. Au début, ça a été. Il n'y avait qu'une dame, assise à côté de moi, qui causait dans son téléphone portable. Elle disait, ah mais oui mais oui c'est bien malheureux à cet âge blablabla ne pas avoir dépassé le stade du concombre blablabla quand on sait l'état mondial des ovaires blablabla les gens veulent plus baiser blablabla à cause des charges blabla…
 
Etc. Et je dois dire que si avant, ce genre de conversation m'aurait effondrée, là, je dois bien convenir que je m'en fichais, je gloussais même. Mon démon était assis en face, ses petites jambes étendues devant lui. Il se curait le nez, on descend où ? Il m'a fait. On va descendre au rayon bricolage, j'ai dit, il y a tout plein d'hommes biens qui cherchent des scies sauteuses ou des perceuses pour faire des trous dans leur studio. Bonne idée ! il a jappé. Et la dame s'est alors levée, c'était sa station. Elle m'a regardée d'un drôle d'air, elle est passée en grommelant, ces pauvres filles qui parlent toutes seules… Alors que merde, cette morue, elle faisait pas autre chose avec son téléphone.
 
Un homme est monté. Un monsieur très digne, avec un cartable, sa cravate et sa calvitie, genre la cinquantaine universitaire qui vous endort tout un amphi en moins de dix minutes. Une pure huile avec bouton rouge au sein gauche et réception par le Maire une fois par an pour la photo des Gens Qui Comptent. C'est pour situer le genre. Il s'est assis à côté de moi, et a commencé à lire son journal, le cahier saumon des Pentecôtistes.
 
Mais très vite, il a relevé la tête d'un air surpris, en la faisant tourner sur elle-même comme s'il reniflait autour de lui, puis il s'est alors brutalement tourné vers moi.
 
–         Bonjour charmante demoiselle, il a comme sifflé entre ses dents.
 
Je voyais ses couronnes super chères pointer vers moi. Il m'a dévisagée, que dis-je, décorpisée. Surtout aux endroits peu intellectuels. Pour un universitaire, merde. Puis il a susurré.
 
–         Et elle va à une p'tite fête ce soir la jeune fille ?
–         Voui, j'ai dit en rougissant.
 
C'était même pas vrai parce que la fête c'était un dîner de 12 couples, je devais tenir le rôle de Judas, celui-qui-dit-qui-couche-avec-qui.
 
–         Et elle y va avec son p'tit fiancé à la p'tite fête la jeune fille ? il a miaulé.
 
Merde, j'ai pensé.
 
–         Oui, j'ai dit, j'y vais avec Lui.
 
Le démon m'a donné un coup de pied. toute rencontre est bonne à prendre, l'entraînement fait le larron, qui baise un coup, gagne cent coups etc.
 
–         … Euh non, j'ai alors fait rapidement en baissant les yeux, vu que j'ai pas ce que vous dites là, un « fiancé »…
–         Comment est-ce posssîîîble ? s'est-il écrié, une jeune fille aussi aussi… extrêmement sensuelle belle… et elle voudrait pas y aller avec un p'tit fiancé à la p'tite fête la jeune fille… par hasard ?…
 
Il m'a demandé ça, tout chose, la bave aux coins, en me serrant un peu, berck.
 
–         Ma foi, j'ai dit, pourquoi pas… elle aimerait bien être accompagnée…
 
J'ai gloussé ça façon gourdasse. Même si le monsieur, il ne me plaisait pas vraiment. Trop vieux, trop gris, trop marié, je voulais jouer le jeu. Pour ne pas décevoir mon démon qui, les jambes étendues devant lui, n'en perdait pas une miette.
 
–         Eh bien, il a fait en me frôlant le nichon, il se trouve que moi je n'ai pas grand chose de prévu… une soirée avec vingt deux personnes et ma femme tout juste remise de sa totale… aussi, si la jeune fille, elle le permet… je l'accompagnerai volontiers à une p'tite fête…
 
Et disant ça, il a glissé sa main sous ma jupe. Qui était des pantalons.
 
Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii, j'ai fait en me levant brutalement. Mon sac est tombé par terre, car le bus avait brutalement freiné. Le chauffeur, il avait cru par les temps qui courent à un attentat au string piégé. Je suis passée à toute vitesse devant lui. Ah bon, il a marmonné, c'était rien qu'une énième salope qu'a failli se faire violer.
 
Dehors, j'ai bien fermé mon manteau, mon ange me manquait un peu, mais le démon m'a dit, il faut assumer, ma fille, à moins que tu préfères rester toute ta vie au stade concombre.
 
J'ai foncé dans le magasin, et j'ai couru jusqu'au rayon bricolage. Et j'ai regardé autour de moi. Il n'y avait pas grand monde à cette période de fête. Un garçonnet en costume marin cherchait à acheter une scie électrique à son papa, la vendeuse le conseillait.
 
–         C'est pour lui couper les mains, expliquait l'enfant, pour pu qu'y me gifle.
–         Y a un numéro vert, a dit la vendeuse, y a cette couleur là avant d'en arriver là…
–         Je sais, a fait le gamin, mais on n'a pas le téléphone, maman est partie avec.
 
Je suis passée devant car j'avais avisé un peu plus loin, un type jeune et bien. Entendez, pas contrefait ni sous-alimenté. Mais quand je suis passée, le gosse a maté mes seins, pourtant discrets.
 
–         Pouet pouet la grosse minette, il a fait.
–         Plait-il ? lui a demandé d'un ton froid la vendeuse.
 
Le gosse a touché sa braguette, je crois bien que les mômes empirent. Mais alors que je me dirigeais vers le jeune homme pas mal du tout, un gros moustachu a fait soudain écran entre Lui et Moi. Il brandissait une perceuse électrique d'un air machiavélique pourléchant, et il m'a beuglé :
 
–         … celle-là, ma chérie, elle fore profond…
–         … oui, oui, c'est bien vrai, a confirmé un vendeur en blouse grise qui trottinait derrière lui, et il a précisé, je me suis laissé dire que le tunnel de la Manche lui-même avait bénéficié du service de cette perceuse très performante et néanmoins bon mar… Mazette
 
Il s'est interrompu en sifflant car il venait de me voir surgir, démasquée par le moustachu qui avait légèrement déplacé son estomac repu d'un angle de dix huit degrés.
 
Ca commençait à devenir stressant. D'autant plus que le jeune homme en question se dirigeait vers les caisses.
 
–         Foutredieu, s'est exclamé encore à peu près ainsi le vendeur, grisâtre, pas beau laid, non mais quel cul ! quelle fille ! quelle bombe ! quelle…
–         Oui bon ben c'est bon, j'ai fait, ingrate comme jamais.
–         Du balai ! du balai ! a braillé le démon.
 
Les deux perceurs ont bien essayé de m'attraper au passage, sous l'œil outré de l'autre, la vendeuse au garçonnet, qui m'a jeté ce regard que je connais bien. C'est le Mais-qu'est-ce-qui-lui-trouve-à-elle-et-pas-à-moi. J'ai réussi à filer, et attrapant au vol un paquet de clous, je me suis mise dans la queue derrière le jeune homme.
 
Mais alors là, rien. Rien de rien ne s'est passé. Pourtant, j'étais littéralement collée à son bassin, mais rien.
 
–         Et avec ceci… ? a clamé le caissier.
–         Une p'tite pipe avec moi, aux rayons halogènes, ça te dirait, a susurré le jeune homme au caissier en dandinant ses jolies fesses est-ouest-est-ouest.
 
Et merde, j'ai sifflé entre mes dents. J'ai senti quelque chose se faufiler entre mes deux jambes et remonter vers ce lieu saint et sacré par où, un jour, mes enfants tomberont avec de grands yeux étonnés en disant c'est maman est la plus belle qui. Mais ça va pas non. J'ai entendu ça derrière moi. La chose a disparu en même temps qu'éclatait le bruit caractéristique d'une joue d'homme giflée par une main de femme, bing.
 
Se tenait derrière moi un couple d'êtres humains, visiblement hétéro. La femme fusillait du regard l'homme, qui était donc le sujet de la précédente intromission. Il tenait à la main un pied de biche, l'objet donc de la précédente intromission sous mes jupes. Qui étaient des pantalons, en fait.
 
La femme m'a alors lancée, d'une voix aigre que ça faisait peur.
 
–         C'est à cause de salopes comme vous que des femmes comme moi, honnêtes et travailleuses, se retrouvent à la Noël avec un concombre dans ses chaussures et un mari enfui !
 
Fin de citation. J'ai rougi. J'ai commencé à bredouiller une vague excuse comme quoi le pied de biche, il était pas dans ma main et que. Mais le démon m'a donné un petit coup de dents, aligne là cette pouffe, il m'a soufflé. Alors, j'ai regardé la femme, et j'ai lâché, d'un air soucieux.
 
–         Rapport au concombre… je suppose qu'il vous est généralement servi à la grecque non… ahahahaha…
 
Ahahahaah. C'était une fille à côté qui avait rit. Quel humour subtile, elle m'a dit, puis elle m'a fait les yeux doux. Comment tu t'appelles, elle m'a demandé en se passant la langue sur des dents jolies et menues. O mon ange, j'ai  fermé les yeux, ô secours ! Pas ça maintenant ! Démerden sie sich, il a glapi quelque part chez un blanchisseur quelconque.
 
Alors, je suis partie en courant, car la femme voulait me frapper, l'homme et la fille me violer. Le portail du magasin a sonné vu que j'avais emporté les clous sans payer. Mes clous, mes cloooooooooooooooooous, j'ai entendu quelqu'un hululer derrière moi. C'était la vendeuse au garçonnet pervers polymorphe.
 
Un bodygard, un bel Africain ma foi, m'a rattrapée. Pas si vite ma petite demoiselle, il a fait, puis il a changé de tête. Et il a entrepris de me fouiller avec une certaine sensualité tout le long du corps, en gazouillant, et y sont où les clous, et y sont où les. Je commençais à en avoir sérieusement marre.
 
–         Là, j'ai dit d'une voix morne, en tendant de ma main droite le dit paquet de clous.
–         Oh mais non mais non, je pense qu'elle a volé autre chose la petite demoiselle…
–         Quoi donc, j'ai marmonné.
–         Eh bien on va voir ça…
 
Et il a continué sa fouille. J'ai fermé les yeux en me disant, bon, je vais peut-être avoir un peu de réjouissance dans cette fichue journée.
 
–         On ne vous dérange pas trop j'espère, monsieur abou Jambon, a fait soudain une voix rogue derrière nous.
 
C'était la chef de rayon. Et merde, j'ai soupiré. Elle se tenait raide comme un euh clou. Elle a arraché le paquet concerné et s'est mise à recompter tous les clous.
 
–         Trois cent quarante neuf, ouf, ils sont tous là…
 
Le type m'avait relâchée et se tenait d'un air fautif près des portes, qui ne cessaient de faire zouing zouing, à s'ouvrir et à se refermer sans cesse.
 
La dame, elle a glapi.
 
–         Monsieur abou Jambon, allez appeler les flic, immédiatement !
–         Pour un paquet de clous!!!!!!
 
Nous avons fait tous deux en chœur, le body et moi avec mon string qui commençait à me chauffer.
 
–         Oui ! elle a clamé, qui vole un clou vole un établis, c'est ainsi !
 
Sur ce, le body a soupiré. C'est Noël madame Bernadette, il a plaidé. Zuoing zouing, ont fait les portes. Et alors, a grogné m'dame Bernadette, c'est trop facile, si on leur donne Noël, zouing zouing, il faudra leur donner les Pâques, la Toussaint, zouni zouing, le défilé des chars, le…. zouing zouing… J'ai regardé zouing zouing la porte était ouverte… Alors j'ai filé, sans demander mon reste.
 
–         O secours ! a crié la bonne femme comme si sa vie était en danger, rattrapez là ! elle a encore crié à abou Jambon.
–         O les belles fesses ! s'est exclamé son subalterne sans bouger d'un orteil.
 
Dans la rue, j'ai couru, couru. La ficelle me rentrait dans les fesses, j'étais au désespoir. Qu'est-ce qui marchait avec les hommes, pouvait-on me le dire. Je veux dire, avec le bon homme.
 
Et c'est là que, à défaut d'amour, et de réponses à mes questions, je me suis retrouvée avec toute une cohorte d'hommes derrière moi, avec pour flûtiau un morceau de tissu noir et doux, qui était supposé m'amener aux orgasmes infinis, tu parles.
 
J'avais envie de pleurer. Je courais, je sentais des mains me frôler, manquer de m'attraper pour de bon. A un moment, je suis rentrée dans un parc, un parc immense. J'ai réussi à semer certains de mes poursuivants. J'ai mis le cap sur les chiottes, un cabanon de bois écaillé avec verrou neuf. J'ai foncé dans une des cabines, refermé la porte sur moi, crac, le verrou, ouf.
 
–         Marre de chez marre, j'ai dit au démon en retirant mon jean.
–         T'es nulle, il a craché par terre, c'est juste que t'es jamais là où il faut.
–         M'en fous, j'ai reniflé, au bord des larmes, au fond, je veux juste qu'on m'aime pour moi-même.
 
J'ai retiré le string en tremblant, 158 euros bordel, tout ça pour se faire violer par tous les plus affreux pas beaux de la cité, merci bien.
 
–         Bien, bien, a fait l'ange qui revenait après avoir été porté plainte au sujet du lavomatique qui bousillait le blanc.
–         Tu resteras seule toute ta vie, a constaté froidement le démon qui avait pris un coup de vieux, t'es bonne à te branler jusqu'à la mort, sans amour qu'avec des légumes longs et froids et.
–         Oh ça va ta gueule, j'ai glapi.
 
J'ai remis mon jean, je me suis recoiffée avec les mains, puis j'ai ouvert la porte.
 
Et là, j'ai fait un bond en arrière. Une foultitude d'hommes m'attendait, disposés en demi-cercle devant les toilettes. Je les ai regardés. Un ho de dépit s'est élevé des masses, hooooo… Mon coeur s'est serré. Ils se sont reculés, puis avancés, comme des vagues glauques, genre marée noire vous voyez. Hoooo…. J'ai encore entendu feuler les masses.
 
–         Ben quoi, j'ai demandé d'un ton hargneux, y a un problème ?
–         Oui, a fait l'un d'entre eux, elle est passée où la fille super canon qu'était là tout à l'heure ?
–         Oui, elle est où ? a demandé d'un ton super déçu un quadra qu'avait du bide.
 
Ce qui ne l'empêchait pas de penser qu'il pouvait s'envoyer les meilleures, typique.
 
–         Quelle fille ? j'ai grogné en commençant à fendre la foule, je ne vois pas de qui vous voulez parler !
–         Ben la foutue salope qu'était là… la bombe avec un sex appeal pas possible ! a encore glapi un autre.
 
Un mec beau, jeune, certes en jogging, mais il devait être en train de courir quand il m'avait aperçue. Il tenait déjà des capotes à la main.
 
–         Je ne vois vraiment pas de qui vous parlez, j'ai dit d'un ton amer et j'ai pris le large.
–         Boudin, il m'a semblé entendre derrière moi.
 
J'ai marché, tristement, dans les allées, mon string dans la poche. J'avais envie de pleurer. Tiens, je me suis mise d'ailleurs à pleurer. Seule, assise sur un banc, image même de la désolation sur laquelle même la poésie achoppe (de même qu'elle peine à faire des vers sur qui enlace son oreiller de plumes décédées).
 
Alors j'ai commencé la Grande Complainte, à vos marques. Jamais, jamais, je ne serai heureuse (avec un homme). Je resterai toute seule tout le temps (sans homme). Ni amour nis exe. Je vieillirai sans enfants (et sans homme). L'amour et le sexe m'étaient proscrits, c'était même une loi scientifique, ou constitutionnelle, je vous laisse choisir. Au vu de mes non frasques.
 
Je me suis mise carrément à braire. Mes deux veilleurs assis chacun à côté de moi. Le démon faisant des boulettes de crotte de nez d'un air pas concerné, et l'ange se tortillant les ailes d'un air désespéré.
 
–         Eh bien eh bien en voilà un gros chagrin… a fait une voix d'homme à côté de moi.
 
J'ai relevé la tête, et j'ai vu un bel homme (ma foi). Dans mes âges (ma foi). L'air gentil, sympathique, avec de grands yeux marrons tout bruns, et doux. Doux comme ceux de mon chien quand j'étais enfant. Mon chien qui est mort en voulant essayer d'apprendre à conduire la 4L un jour de grand pluie. Et de me rappeler ça, j'ai à nouveau éclaté en sanglots. Il était si mignon, si désintéressé, si aimant, mon chien je veux dire.
 
–         Allons allons, a fait le jeune homme.
 
Alfred il s'appelait, il me l'a dit d'entrée. Il s'est assis à côté de moi et a sorti un mouchoir de sa poche. Que sa sœur lui avait donné sur son lit de morte, m'a-t-il confié. Sa sœur était morte d'un chagrin d'amour, un décollement du myocarde, son mouchoir valait preuve de souvenir, et il a tamponné mes joues mouillées avec. Il était écrivain, d'haïkus, c'est pour ça qu'avec lui, chaque phrase prononcée avait un caractère d'oracle.
 
Je lui ai raconté pour le string, ça l'a beaucoup fait rire. Je lui ai montré, il l'a palpé avec précaution, et il m'a dit que je n'avais pas besoin de porter cette minuscule culotte pour plaire aux hommes. Ses propres mots. Il m'a raconté qu'il était en visite dans la ville. Il avait pris quelques jours de congés pour réfléchir à sa vie. Et il allait seul dans la cité. Non, il n'avait personne dans sa vie. Car mais oui, c'est ainsi, il n'avait pas encore trouvé la bonne personne. Il disait ça en coulant vers moi un regard pour le moins éloquent.
 
Il logeait à l'hôtel qui donnait sur le fleuve, avec les montagnes au loin. Il trouvait ça très beau et chaque matin, Noël ou pas Noël, il se levait avec les oiseaux. Il écrivait des haïkus, donc, sur euh la vue du balcon par exemple. Ou la chute du grain de poussière sur le coin du lavabo. A ce propos. Il m'a proposé de prendre un verre à son hôtel.
 
J'ai dit oui.
 
Tout semblait si facile. Et une fois là bas, il m'a proposé de monter dans sa chambre. Pour qu'il me lise certains de ses haïkus. Il y en avait un surtout sur l'amour au temps des vaches folles. Et un autre sur le culte de la personnalité, un truc de ce genre. Et une diatribe poétique contre l'Esprit de Marché. Ca m'a excitée je dois dire, pas l'Esprit de Marché, je veux dire, mais l'autre, l'amour au temps des vaches folles.
 
Quel truc incroyable, hein, est-ce que le string marchait ainsi quand on le portait dans la poche. Mais non, je me suis rassurée, ça n'avait pas marché sur les dingues devant la porte des chiottes alors hein. Alfred m'a dit d'ailleurs, je te jure que ce que je ressens pour toi n'a rien à voir avec un string. Vous voyez.
 
Sur ce, il m'a embrassée avec grand passion. Il a commencé à me déshabiller. Caresses, pourléchages, etc. La grande passion. Et nous nous sommes retrouvés au lit. C'était du 31 qui m'allait enfin au pied, et il m'a pénétrée. Avec délice, sensations infinies, tandis que les deux bêtes, bâillonnées peu avant avec le mouchoir de la défunte, grognaient sous le radiateur. J'ai senti quelque chose comme un orgasme grand comme ça se profiler l'horizon… quand soudain boum badaboum la porte de la chambre d'hôtel s'est ouverte avec grand fracas. Et ont surgi deux harpies qui hurlaient.
 
–         C'est elle, monsieur le commissaire, c'est elle, je la reconnais!!!!!!!!
 
C'était les vendeuses. Celle du string et celle des clous. Un homme gras et moustachu a fait magistralement son entrée. Monsieur le commissaire Moutarde, j'ai appris après. Et j'ai senti le sexe d'Alfred, mon bel Alfred, devenir tout petit petit, bien plus petit que du 31.
 
J'ai gémi, de désespoir.
 
–         Debout voleuse! debout voleuse!…
 
Elles ont crié en faisant la ronde autour de mon lit.
 
–         Monsieur le commissaire, a dit soudain la vendeuse du string, arrêtez là et jetez là aux fers !
–         Oh oui oh oui, a repris l'autre morue, et battez, battez là ! elle a fait, en tapant ses petites mains laides, l'une contre l'autre, battez la avec mes clous!!!!
 
Alfred, toujours en moi, m'a regardée d'un air affreux.
 
–         Je ne savais pas que tu étais ça, il a dit d'un ton déçu… une célibataire, d'accord, mais une voleuse… une voleuse de string… une voleuse de clous…
–         Laisse moi t'expliquer, j'ai commencé d'un ton suppliant, laisse moi t'…
–         Mademoiselle, il n'y a rien à expliquer a dit le commissaire d'un ton très très dur, rien de rien, puis il a ordonné, vous, sortez immédiatement de ce lit, et vous, il a désigné Alfred, de cette femme, puis il a encore glapi, vite, fissa, schnell, car ma dinde est au feu et les marrons vont brûler.
 
Moi, j'avais du marron sur le cœur, de la dinde plein la patate. Je voulais bien mourir. Je suis sortie du lit en pleurant, et sans trop réfléchir, j'ai enfilé le string.
 
–         Mon string, a braillé la vendeuse, mon striiiiiiiiiiiiiiiiing! Voleuse salope chiennasse putain !!!!
 
Etc. Tout ça pour un string, certes magique, mais bon, vous admettrez qu'elle en faisait un peu trop pour une culotte. J'ai encore reniflé et les larmes ont coulé de plus belle quand j'ai vu qu'Alfred se rhabiller sans me jeter, ne serait-ce qu'un seul regard.
 
–         Relevez la tête, a murmuré alors le commissaire.
 
J'ai relevé la tête. La police, faut toujours obéir. Et j'ai vu qu'il me regardait avec comment dire, une tendre concupiscence ou une tendresse excitée, ou.
 
–         Charmante enfant, il a susurré sous les yeux outrés de la vendeuse qui s'apprêtait à m'enlever ma culotte.
 
Il a retenu son bras gras et flasque de femme qui ne va jamais dans les sports et ne fait qu'à s'alimenter de façon sur grasse et sur sucrée.
 
–         -… il ne faut pas pleurer comme ça le jour du dernier jour de l'année… allons allons…
 
Il s'est assis et m'a prise sur ses genoux. Alfred, l'homme de ma vie pour deux heures, était sorti de la chambre. Pourquoi le string apposé sur mes fesses n'avait-il aucun effet sur lui. Sans doute parce que lui m'aimait, ou disons, aurait pu m'aimer, allez savoir. J'ai hoqueté. Je voulais VRAIMENT mourir.
 
–         Dites moi donc vous deux, a fait le commissaire d'un ton rogue aux deux nanas éberluées, plantées devant nous, ça ne vous dérangerait pas trop de sortir d'ici ?
–         Mais, mais… a balbutié la vendeuse de clous.
–         Il n'y a pas de mais ! a glapi le commissaire. Dehors, et vite, vite !
 
Elles se sont illico exécutées, sans discuter vu qu'il faut jamais discuter avec un commissaire, même si on n'a pas une lampe dans les yeux. Et lui, il m'a littéralement couvée des yeux et a commencé à me peloter.
 
–         Tu sais quoi, il a repris.
–         Nan, j'ai répondu d'un ton morne.
–         Si tu deviens ma femme puis la mère de mes enfants, il a commencé.
–         Ben quoi, j'ai fait d'un ton défait, défait…
–         Eh bien, t'iras pas en prison ! il a lâché hyper content de lui.
–         Mais mais, j'ai protesté, on va tout de même pas en prison pour un string et un paquet de clous !
–         Les temps ont changé ma petite, il a fait d'un ton câlin, les nouvelles lois, le nouveau Ministre de l'Intérieur…
–         Faut pas pousser, j'ai dit.
 
Je sentais ses doigts, bouac, et je pleurais mon orgasme d'Alfred enfui.
 
–         Il y a des trucs plus graves, le détournement de fonds, les petits vieux élevés en batterie, la couche d'ozone, j'ai protesté.
–         Peut être mais c'est comme ça, il a affirmé, le commissaire, le nouveau ministre est très strict… surtout sur les vols de string…
 
Et il a précisé, d'un ton sévère.
 
–         … pour ça, c'est minimum vingt ans…
 
Vingt ans. Seigneur, mais quand je sortirai, mes ovaires seraient tout pourris, et ma chatte, et mes seins.
 
–         C'est sûr que, a fait le commissaire, qu'ils seront pas fort jojos… sans compter la mauvaise alimentation et la promiscuité houleuse d'avec les autres prisonnières… alors, il a demandé, t'es ok, t'es d'ac, tu veux bien me marier avec toi?
 
Alors alors j'ai réfléchi très vite. Avais-je vraiment le choix. J'étais si seule, mais je tenais à ma liberté, libre et indomptée. Mais l'idée de ça, mes ovaires, ma chatte, mes seins, enfuis, non, c'était insupportable. Oui mais bon, cet homme n'était pas à proprement parler fort sexy et excitant. Il sentait le vieux pot. Oui mais bon, aller en prison, c'était le célibat assuré pour l'éternité.
 
Merde et merde et alors quoi. Et alors, j'ai eu une étincelle. Je me suis dit que je trouverai bien une autre culotte pour me sauver. Un autre string magique. Ca devait bien exister et je n'avais pas le choix. Et c'est comme ça que je suis devenue madame Moutarde, femme de commissaire, épouse d'un homme de loi, certes.
 
Mais après tout. Après tout, comme dirait ma mère. Ce qui compte, c'est la chaussure à son pied. Il faut avant tout pouvoir marcher. Qu'importe l'esthétisme de la chose. L'idéal en toute chose n'existe pas, même pour les strings magiques.

Alors… alors vous pensez, pour les hommes, hein.

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