Les amours de Peter

Samedi, drelin drelin, je me jette sur le téléphone, pas tout à faire encore guérie du syndrome Marc, malgré le traitement de cheval ahah d'Aveline.

  • Hi!!!!

Me fait une voix plus qu'enthousiaste. Déchaînée.

  • Euh… qui êtes-vous? J'hasarde.
  • Eh Mary, you not reconnaître moi?!

Ben euh non.

  • PETER! I'M PETER!

Je mets un certain temps à resituer l'animal, rencontré qui plus est au moment où j'étais dans les hauteurs bigoudènes… peter, un étudiant thésard de mon père, venu de Néo-Zélande soutenir la recherche française. Ca n'est pas un bon point pour lui car surgissant ainsi, il vient raviver le souvenir heureux de ce centième d'époque, le moment où la fesse était enfin un peu heureuse.

  • Can I passer chez toi?
  • Ben euh… ménage not fait, je bafouille.
  • I'm at the feet of your home! Qu'il insiste le bougre. PLEASE MARY!

Dans mon souvenir, il était néo-zélandais, mais à l'entendre, je me demande si du sang américain ne coule pas dans ses veines. Il est si… enthousiastic.

  • Bon, ok, je t'ouvre…
  • No problem, the door is already open!

Encore un coup d'Ernesto, qui sort souvent comme une flèche verte dès qu'il pleut pour aller s'empiffrer de vers de terre dans le jardin d'en face.
 
Peter est devant moi. Les cheveux collés par la pluie, petit et grelottant, je pourrais presque le soulever et l'emporter sur mes épaules en direction de la salle de bains pour le sécher vigoureusement avec une serviette éponge. Ca me fait un drôle de truc, de penser ça. Suis-je vraiment définitivement névrosée ?
 
Très chaleureux, il me sert dans ses bras, me trempant tout le devant des seins, puis il se laisse tomber dans un fauteuil (y en a qu'un).

  • Whaou… what a weather!
  • Fait meilleur en Néo-Zélande? Je marmonne.
  • Some times yes, some times not…. HAHAHAAHAHHA! Eclate-t-il de rire brusquement.

Mon Dieu. Un dingue, un autre. Puis voilà qu'il se met à pleurer. Violemment. Ce garçon a l'air pourtant si timide et si sage ne sait rien faire de façon modérée visiblement…

  • Euh, qu'est-ce qui se passe?
  • Plaqued… plaqued…
  • Quoi?
  • Me… made… plaqued…
  • Plaqued?
  • She left me… partie elle… avec other man…

Je digère la nouvelle. J'étais presque persuadée qu'il était encore puceau le jeune Peter.

  • Ah bon…
  • Yes… elle… appris… que moi avoir une autre girl…
  • Comment ça?!
  • Si… I… in love… avec autre fille, très très bien…
  • Ah elle s'est donc vengée!
  • Oui… no… I rien fait avec autre girl… juste amoureux moi…
  • Mais elle a tout de suite trouvé un autre mec?

Y en a de ces veinardes et de ces privilégiées je vous jure.

  • Son ex… c'est…
  • Ah oui, pas besoin d'aller trop loin.
  • C'est que… aussi… moi… faire amour avec une femme plus âgée… comme toi…
  • Comment ça une autre femme?

Comment ça, plus âgée comme toi. Mince.

  • Oui… a experimented woman aged 35 years…
  • Je vois.
  • So good… pas pu resister…
  • Tu parles bizarrement Peter, t'es sûr de savoir pas mieux parler français que ça?
  • Emotion… c'est… elle était si hot… si sexy… si… nuits torrides…
  • Bon, revenons en à ta copine… elle s'appelle comment d'ailleurs?
  • Laquelle?
  • Euh… l'officielle.
  • Martine.
  • Une française?
  • Une noire.
  • Oui mais français?
  • Noire.
  • Peter, mon petit Peter, on peut être noire et française!
  • Mais noire, elle, était.

Hoquète-t-il. Bouché à l'émérite le kiwi. Je m'énerve alors, il est samedi après-midi, il fait un temps de cochon, j'ai pas de mec dans ma vie quand ce grelot a un paquet de bonnes femmes dans la sienne et EN PLUS, je dois lui remonter le moral!

  • Oh et puis merde! Je lâche. Elle n'était pas de Néo-Zélande quoi?
  • Non, elle était noire.
  • Peter, ça ne change rien à l'affaire!
  • Si… très dépressive… très noire…
  • Ah d'accord, je vois.

Sacré Peter.

  • Moi, avoir peur qu'elle… pan!
  • Pan quoi?
  • Pan… dans la head…
  • Mais puisqu'elle est parti rejoindre son ex, elle n'est pas seule!
  • Ex à elle très noir… très machiavélique…
  • Mais tu l'aimes encore?
  • Moi aimer deux femmes…
  • Ça j'ai compris Peter.
  • Donc ça être comme rien aimer du tout…
  • Aucune idée.
  • … ou au contraire aimer deux fois plus?
  • Peter, va falloir que tu y ailles…
  • Oh please, Mary, ne pars pas!
  • Mais en l'occurrence, c'est TOI qui dois partir!
  • Non! Non! Non!

Est-ce ainsi que Peter réussit à avoir plein de femmes dans sa vie ? Il les kidnappe en restant chez elles ? Je soupire. Même pas possible d'appeler Aveline, elle est en week-end dans le nord chez sa chti mère-grand. Heureusement Ernesto me sauve en rentrant les pattes pleines de boue…

  • Eh bien Monsieur, je l'enguirlande, on ne s'essuie pas les panards avant d'entrer?
  • Que si, c'est fait, il marmonne.
  • La pêche a été bonne?
  • Extra… c'est qui çui là? Il demande en désignant Peter, demeuré la bouche ouverte devant ce miracle français, une grenouille qui parle.
  • C'est Peter… un néo-zélandais… un homme à femmes…
  • Gaffe!
  • Tu veux pas faire une partie d'échecs avec lui?
  • Ben euh…
  • Merci!

Je les laisse jouer tous les deux devant un grog carabiné. Je me roule en boule dans le fauteuil et je poursuis la lecture de mon délice du moment, Le vol du corbeau, d'Ann-Marie MacDonald, une sorte de fresque canadienne à la Timothy Findley (le livre lui est en partie dédié), tendance suspens psychologique avec criminels de guerre et instituteur pédophile en corbeaux centraux, je vous conseille.

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